Pierre Mabille, Paris, galerie Jean Fournier
Pierre Mabille vit la couleur comme une expérience sensorielle. Son oeuvre apparemment conceptuelle le rapproche pourtant tellement des oeuvres de Matisse et de Bonnard à qui il rend hommage dans cette exposition.
Ici le regard se pose sur trois série dont il parle dans le film ci-dessus. De ses oeuvres absolument géométriques et pures, de ses dessins qui lui permettent d’évacuer ses « délires », de sa « Suite Bonnard » absolument magique. Partout sa forme oblongue, toujours la même et toujours renouvelée, emporte vers des horizons sensorielles où de l’oeil au corps, le plaisir prend.
Et l’on comprend en regardant l’oeuvre de Pierre Mabille les propos de Pierre Reverdy sur Matisse :
« Pour le moment, en fermant les yeux, je me représente (son oeuvre) comme un fabuleux arc-en-ciel enjambant, de très haut, ce côté-ci de la terre et qui provoque en moi cette effusion de joie que la vue de l’arc-en-ciel vrai, après l’orage, faisait naître en mon coeur d’enfant parce que l’on m’avait dit que de l’apercevoir portait bonheur ». (Pierre Reverdi, Matisse dans la lumière et le bonheur, Henri Matisse écrits et propos sur l’art, collection Savoir, p.31). Anne Kerner.
Cette nouvelle exposition de Pierre Mabille présente trois volets différents de ses oeuvres récentes : des tableaux autonomes travaillés à l’acrylique sur toile, des dessins de la suite de l’Antidictionnaire commencés il y a maintenant quatre ans et un ensemble de tableaux récents intitulé « Suite Bonnard ». Depuis quinze ans, quelque soit le support employé, la forme oblongue est systématiquement répétée dans les oeuvres de Pierre Mabille, déployant ainsi des possibilités visuelles de plus en plus nombreuses. Cette déclinaison, telle une liste, ne cesse de s’allonger de plus en plus, s’éloignant de ce fait d’une définition précise et arrêtée de cette forme-matrice. Le format horizontal des grandes peintures récentes est non seulement accentué par la forme oblongue mais aussi par la disparition de la trame verticale présente antérieurement, laissant toute la place cette fois à la division horizontale. Les couleurs sont vives et contrastées. Les bandes et les formes s’enchevêtrent sans se mélanger. Ces dernières peintures réalisées se complexifient. Aux aplats de couleur viennent désormais s’adosser des jeux de surfaces moins nettes. Les couches précédentes et les coups de pinceau sont, à certains endroits, laissés apparents. Une nouvelle dynamique prend place. Sous la verrière de la galerie se déploie la « Suite Bonnard » constituée d’une trentaine de tableaux de petits ou moyens formats variés. Atmosphérique et poétique sont les sentiments immédiats que nous éprouvons face à ces oeuvres. Pour l’artiste l’ensemble de ces tableaux constitue une lecture fragmentée d’un seul et même tableau de Pierre Bonnard tout en étant fondamentalement une sorte d’exégèse du travail d’atelier. Dans ces peintures, la forme est placée de telle façon qu’elle ne détermine pas de symétrie. Ainsi elle flotte dans la couleur, dans un espace coloré. La lecture de la peinture n’est donc plus narrative mais plutôt suspendue. Chaque toile peut être perçue ici comme le détail d’une seule oeuvre qui serait l’ensemble. La surface de ces oeuvres diffère des précédentes poursuivant les prémisses de certaines matières évoquées plus haut. Le passage de nombreuses couches est visible, un léger voile blanc recouvre parfois partiellement la surface, des effets aquarelles offrent une atmosphère vaporeuse. Quant à la forme elle est toujours opaque, unie, nette. Parfois des repentirs de celle-ci se distinguent à travers les couches colorées. Enfin, un ensemble de dessins de la série Antidictionnaire se déroule sur deux murs de la galerie. Ces dessins sur papier (21 x 29,5 cm) commencés en 2008 sont toujours depuis régulièrement travaillés par l’artiste. Les photos de cette forme oblongue apparue sous diverses configurations, envoyés par ses amis et amateurs sont également présents sous forme d’un diaporama, inséré dans l’accrochage de l’Antidictionnaire. En regard de l’ensemble des dessins appartenant à cette dernière série évoquée, une édition inédite (livre d’artiste) réalisée au Studio Bordas et limitée à 20 exemplaires, est présentée. Elle comprend 52 planches de l’Antidictionnaire (tirage jet d’encre pigmentaire) et un cahier texte réunis
dans un coffret. Cette édition, dans un rapport proche à l’idée du fac-similé, permet de prendre la mesure de toute la richesse de l’entreprise inépuisable de l’Antidictionnaire. Cette exposition présente les multiples facettes du travail de Pierre Mabille. Son intérêt pour la liste, la répétition qui, au contraire de l’enfermer, lui déploie toute une gamme de liberté, de possibilités et lui permet d’explorer la couleur et le langage. Une oeuvre en perpétuel mouvement. A l’occasion de cette exposition présentation d’un livre de Pierre Mabille, intitulé « On fait comment », dessiné et mis en pages par Hervé Aracil, édité au Bleu du Ciel en collaboration avec La Biennale internationale des Poètes du Val-de-Marne.
« Pierre Mabille, Horizons », galerie jean Fournier, 22, rue du Bac 75007 Paris. Jusqu’au 05/01/13.
Images, vues de l’exposition, courtesy ouvretesyeux. Merci à Pierre Mabille qui faisant parti de l’ADAGP a cedé ses droits pour la reproduction de ses oeuvres pour la réalisation du film pour Ouvretesyeux.fr