Michael DeLucia, Paris, galerie Nathalie Obadia, Jusqu'au 28/12/12.
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« Je me questionne sur la condition de sculpteur à l’ére technologique », commente Michael DeLucia, qui constate : « on travaille aujourd’hui sur l’ordinateur qui est un lieu abstrait et 99% des gens ne verront l’exposition qu’en ligne ».
Pour sa quatrième exposition à la galerie Obadia, le jeune artiste américain renouvelle à nouveau et cela depuis trois ans, les perspectives de la sculpture à l’âge informatique. Il utilise ainsi de grands panneaux en bois contreplaqué sculpté à l’aide d’un bras mécanique.
Apparaissent ainsi des dégradés de couleurs qui livrent la vibration organique du bois, l’opposition et la complémentarité des tons et des formes, sillons creusés par la machine qui forment une « géologie conceptuelle ». L’artiste interroge la faculté d’incarnation de ces oeuvres dessinées sur l’ordinateur et leur capacité à ne plus exister seulement sur un écran mais dans l’espace physique. Il met ainsi à l’épreuve « sa vision du monde ».
On reconnaît dans ce travail l’héritage de l’art minimal et conceptuel… d’un Sol Lewitt. Car le voilà qui reprend à son compte les formes géométriques et primaires, la sphère, la pyramide, le cône et le plan. sa palette est tout aussi limitée puisque Michael DeLucia se concentre sur l’aspect naturel du bois, le noir, le vert et le bleu, réminiscences des techniques de l’imagerie scientifique comme les rayons X, les photographies satellites, les premiers écrans ordinateurs…
« La mise en place de cet alphabet sensible aussi élémentaire que puissant, permet à Michael DeLucia de donner à voir l’impossibilité d’appréhender entièrement ces formes pures. Le hiatus entre la perfection du fichier 3D et les défauts qui caractérise sa réalisation concrète se manifeste tantôt dans la distorsion des images compressées sur les panneaux en reliefs, tantôt au travers des béances qui s’exhibent au coeur même des oeuvres, quand la représentation se déchire : poussé dans ses limites par la machine, le matériau révèle alors son incapacité à incarner un concept ; son impuissance à matérialiser l’arc lumineux jusqu’à l’éblouissement. Ce témoignage d’une vulnérabilité expressive du bois contreplaqué, matériau intime et quotidien dont le choix n’est pas sans rappeler l’économie de moyen professée par les artistes de l’Arte Povera s’inscrit à rebours des superproductions de la sculpture contemporaine. Les lambeaux de bois qui s’échappent de l’oeuvre la sauve de la tentation d’un académisme formel en créant une zone d’achoppement qui ouvre poétiquement la sculpture sur l’infini des possibles. Aux confins de la figuration et de l’abstraction, de la peinture et de la sculpture, du ready made et de l’artisanal, l’oeuvre de Michael DeLucia transfigure les tissus géométriques de vecteurs qu’elle donne à voir : pleins de surprise et de légèreté, ses sculptures aux lignes ondulatoires atteignent une musicalité qui rappellent le lyrisme joyeux des wall-drawings de Sol Lewitt. Dans la continuité de Rodin, Calder et plus récemment des artistes Fred Sandback et Urs Fischer, qui jouent sur le registre de la dématérialisation des oeuvres, Michael DeLucia s’impose avec « Projections » comme l’un des plus importants sculpteurs de la virtualité. »
Michael DeLucia, galerie Nathalie Obadia, 3, rue du Cloïtre Saint-Merri, 75004 Paris. 33 (0) 1 42 74 67 68.
Images Courtesy galerie Nathalie Obadia Paris