Marlène Dumas, Bâle, Fondation Beyeler, du 31/05 au 06/09/15
Marlène Dumas part pour les Pays-Bas en 1976, où elle entreprend des études artistiques aux Ateliers ’63 de Haarlem. Elle s’oriente ensuite vers la psychologie à l’université d’Amsterdam, avant d’exposer ses travaux pour la première fois à Paris en 1979. Trois ans plus tard, l’artiste est invitée à participer à la documenta VII de Cassel, et participe à l’exposition « Du concept à l’image » organisée au musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 1994. Son œuvre est ensuite mise à l’honneur dans le cadre de « Féminin-Masculin, le sexe de l’art » et dans la galerie d’art graphique du Centre Pompidou en 2001, qui présente une rétrospective consacrée à son travail sur papier.
Teintés d’expressionnisme, ses toiles et ses dessins explorent des thèmes aussi divers que l’histoire de l’art et de la littérature, la sexualité, le racisme et l’Afrique. La religion, ainsi que les notions de culpabilité et de pardon, sont en outre des notions récurrentes, comme en atteste « Jesus Serene », une suite de vingt-et-un portraits du Christ. En outre, c’est dans une perspective sociale et sexuée que Marlène Dumas peint la nudité, mais aussi des portraits d’enfants malades ou des corps violentés, puisant aussi bien dans des magazines que dans des cartes postales. Souvent dépouillées, ses œuvres révèlent alors le corps humain dans toute sa poésie et sa déchéance. En 2012, Marllene Dumas vend au Stedelijk Museum le portrait très controversé d’Osama Ben Laden qu’elle a réalisé en 2010. Les dessins et les peintures de Marlene Dumas s’inscrivent dans la tradition expressionniste. Elle y mêle une distanciation contrôlée, manifeste dans les titres, précis et incisifs, qu’elle donne à ses œuvres. Pour elle :
« Mots et images sont logés à la même enseigne. Il n’y a aucune pureté à protéger. »
Dans sa peinture, et plus encore dans ses dessins, la thématique du corps humain lui permet de traiter les thèmes essentiels de la vie. S’y surimposent des questionnements liés à sa propre histoire : le monde de l’art, le racisme et l’Afrique. Elle travaille d’après des photographies qu’elle prend elle-même, des documents glanés dans des magazines ou des cartes postales. Marlene Dumas explore des thèmes existentiels comme la mort, la violence, la sexualité, avec une économie de moyens toujours plus grande. Elle questionne le travail et lecorps, un corps plus souvent confronté à des désirs obscurs, corps humilié, corps offert, dans une perspective sociale et sexuée. Un corps qui se heurte à sa représentation. Sa peinture est forte en émotion. Marlene Dumas s’est aussi fait connaître grâce à ses réflexions très personnelles sur l’esthétique.
Elle utilise le plus souvent le système du glacis et aussi de motifs de l’histoire de l’art et de la littérature, qui servent de point de départ pour sa composition picturale. De même, en plus du titre, elle insère dans le tableau des mots, ou encore des phrases entières, qui placent ses motifs dans un champ de tensions polysémiques. Cette stratégie artistique ne débouche pas sur une forme d’expressionnisme qui tenterait à faire croire à une authenticité première. En fait, ce qui est actif dans ses tableaux, c’est une sorte de sentiment réfléchi, d’une certaine sensualité, mais riche de sens. Mais l’œuvre de Marlene Dumas reste une œuvre très simple, voire dépouillée : un visage, un corps, quelques couleurs, le plus souvent délavées, voire épuisées. Avec des moyens limités, elle crée des tableaux aussi excessifs dans un sujet que dans leur dynamique. Non seulement elle peint une troupe interminable de corps nus saisis dans des poses pornographiques, mais elle portraiture aussi des enfants malades, des corps torturés, des victimes de la terreur.
Toute sa carrière, Marlene Dumas a frayé un chemin avec le danger et la catastrophe, bien avant que ces sujets ne deviennent courants dans l’art contemporain. Qui plus est, elle a exploré les liens qui unissent passion et violence sans vraiment dévoiler ses intentions. Marlene Dumas est un peintre limpide, mais ses personnages semblent se tenir dans une zone obscure, des sortes de créatures étranges. Des œuvres clairement provocatrices, ses portraits n’en demeurent pas moins mystérieux et ambigus.
L’exposition « The Image as Burden » de la Fondation Beyeler a été conçue en étroite collaboration avec l’artiste et organisée avec le concours du Stedelijk Museum d’Amsterdam et de la Tate Modern de Londres. Retraçant le parcours artistique de Marlene Dumas en suivant un plan chronologique, elle présente une sélection de plus de cent peintures et dessins, parmi lesquels quelques collages rarement vus appartenant à son œuvre de jeunesse, ainsi que quelques toiles toutes récentes. Cette exposition offre ainsi un vaste aperçu de la création de cette artiste depuis le milieu des années 1970 jusqu’à aujourd’hui.
Lire l’article consacré à Marlène Dumas dans DeLuxe.
Et le texte de Marlène Dumas.
Marlène Dumas, Bâle, Fondation Beyeler, du 31/05 au 06/09/15.