PIerrick Sorin, après la tournée de son spectale en Afrique du Sud, un Opéra Rock pour 2012

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Pierrick Sorin se lance de plus en plus dans la scènographie. Pour « Plus d’adrénaline », dit-il. Ses projets ? Après le théâtre du Rond Point et le CentQuatre, des scènographies avec Jean-Michel Ribes, la Scala de Milan et pour 2012… un opéra rock. Pour Ouvretesyeux, il livre son intérêt pour la scène. Interview réalisée le 27 janvier 2011.

A.K. : D’où vient le titre du spectacle, « 22h13 » ?

P.S. : On m’a demandé un titre un an avant que la première ligne du spectacle soit écrite. Donc je ne savais pas du tout quel titre donner par rapport à quelque chose qui n’existait pas. Mais je pressentais que le spectacle parlerait de l’obsession de temps qui passe et de la volonté que nous avons de faire des choses avant de mourir. Donc je me suis dit que si je donne un horaire ce sera un peu en accord avec cette notion de temps.

Je me suis dit également qu’avec un peu de chance le spectacle commencera peut être à 21h dans les salles. Et se finira sans doute à 22h13. Donc cela correspondra à l’heure de fin du spectacle. En réalité cela ne marche jamais. Je pensais encore que selon les salles je pourrai changer le titre en fonction de l’heure. Donc le vrai titre est « 22h13 (ce titre est susceptible d’être modifié d’une minute à l’autre) ». Aussi, une fois qu’un titre est donné est que la presse l’a repris on ne peut plus s’amuser à le modifier, les gens sont perdus. Même avec ce titre là, des gens venaient parfois à 22h13 et non à 20h30 et rataient le spectacle parce qu’ils n’avaient pas compris ! Ce titre fait référence à l’obsession du temps particulièrement dans les sociétés modernes où nous calculons tellement les choses, que le 13 devient important. On prend l’avion par exemple à 13. C’est significatif du temps qui est toujours compté.

A.K. : Vous faites beaucoup référence au temps dans votre œuvre ?

P.S. : Tout le monde est obsédé par le temps sauf si on suit des cours de « zénitude » ! Les artistes et poètes ont toujours été obsédés par le temps. Moi en particulier, je ne suis pas du tout zen, dès même l’instant où je me réveille. Mais bon, les gens qui ont des enfants à emmener à l’école, c’est un problème qui concerne tout le monde. Même en ce moment je me dis je devrais déjà boire un verre (rires) !

A.K. : Comment pouvez vous raconter en quelques phrases le spectacle ?

P.S. : Il s’agit de la journée d’un artiste dans son atelier. Mais pas n’importe quel artiste, puisque c’est quand même assez autobiographique car il s’agit d’un vidéaste. C’est très condensé. La journée réelle dans un atelier n’est pas du tout comme cela se passe dans le spectacle. Car dans la vie, on passe du temps à répondre au téléphone, à envoyer des mails, des choses administratives etc…Il ne se passe pas grand-chose sur le plan créatif dans la journée d’un artiste quel qu’il soit. Il y en a peut être qui créent plein de choses en une journée… Comme je ne voulais pas que le spectacle soit ennuyeux, j’ai condensé la vie de mon personnage. Il fait plein de choses, il fait un portrait de lui même en projetant des images sur son ventre, il fait de la peinture, on a l’impression qu’il a une idée toutes les 30 secondes. C’est ultra condensé. C’est un mois de vie dans l’atelier qui est résumé à une journée.

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A.K. : Qu’aimeriez vous que le spectateur retienne du spectacle ?

P.S. : Il y a trois aspects. J’avais envie de mettre en avant le processus créatif qui n’est pas visible car je viens des arts plastiques et du monde de l’exposition. Et dans l’univers de l’exposition on voit la plupart du temps des œuvres achevées. Le spectateur n’a pas forcément conscience des procédés qui sont derrière. ( Bien qu’il y ait tout un courant artistique où le procédé reste visible même dans l’œuvre achevée). J’avais envie de montrer la poésie du processus qui est un processus technique mais aussi mental. Avec entre autre, les associations d’idées…

Puis j’avais envie de montrer les coulisses, les doutes du personnage. Le fait que l’artiste n’est pas quelqu’un de très romantique… Il répond par exemple à des commandes, il n’est soit pas « terrible ». Je voulais montrer ce processus mental du doute. Et puis presque sans le faire exprès le plus important est peut-être que le personnage, bien qu’il soit assez neutre, dégage très peu de pathos. L’artiste a des obsessions liées à l’enfance, liées à la mort… l’artiste est presque un outil au milieu de ses outils… Ce qui m’a touché, ce sont les gens qui avaient saisi la mélancolie qu’il peut y avoir dans l’activité créative. Le principal message n’est pas le coté rigolo ni le processus créatif mais comment on se débrouille avec la vie.

A.K. : Justement, on voit aussi le rapport de l’artiste et du quotidien…

P.S. : Je ne pense pas que l’artiste soit une espèce génie qui serait au-dessus de la quotidienneté. Mais en même temps, si on est artiste, c’est justement aussi pour ce couper du quotidien, parce que l’on trouve le quotidien plat, ennuyeux, lourd. Toute personne a un rapport ambiguë au quotidien mais ne s’en rend forcément pas compte, ne l’exploite pas, il le subit. Ce qui peut être fait la différence avec l’artiste, c’est que celui-ci se nourrit de ce rapport ambiguë au quotidien et le transcende, le transforme.

A.K. : Vous faites de nombreuses références à des écrivains comme Houellebecq ?

Pourquoi lui ? Il y a t’il des parallèles entre son œuvre d’écrivain et votre travail créatif ?

P.S. : C’est même plus qu’un parallèle. J’ai l’impression sans que ce soit charnel d’être un peu en lui. J’ai beaucoup lu quand j’avais une vingtaine d’années. Ensuite j’étais tellement préoccupé par ma propre création que je n’avais plus le temps de lire. Et le seul écrivain qui m’a redonné envie de lire c’est Houellebecq (que j’ai lu par hasard car j’étais dans un embouteillage et le bouquin traînait sur la banquette de la voiture). Depuis j’ai lu tous ces livres et ils raisonnaient avec mon esprit. Donc même la manière d’écrire les textes du spectacle est très influencée par cet auteur. Si on fait attention au texte, il y a beaucoup de sous structure en alexandrins, de faux alexandrins comme il le fait d’ailleurs lui-même. Et dans son dernier roman le rapport à l’art est aussi assez évident. Même si je ne me reconnais pas du tout dans l’artiste qu’il dépeint dans la« Carte et le Territoire ».

A.K. : Il se met en scène dans son livre et vous dans votre spectacle, est ce que le travail à l’atelier devient aussi une œuvre d’art ?

P.S. : La vie dans l’atelier n’est pas forcément une œuvre d’art en soi. Si on ne crée pas un décalage, si on ne fait pas quelque chose qui peut l’affirmer comme telle… La vie réelle n’est pas artistique et la vie d’un artiste dans son atelier n’est pas un moment d’art. Ce n’est pas un moment d’art sauf si on la filme ou si on en fait une pièce de théatre. Du coup on l’emmène vers l’œuvre d’art. De toute façon, j’ai tout le temps été et je suis obsédé du rapport entre l’art et la vie.

A.K. : Quelle est alors justement votre vision de l’artiste ?

P.S. : C’est quelqu’un qui se dépatouille entre le romantisme, le cynisme en essayant si possible de garder un minimum d’élégance, mais encore qu’est ce que l’élégance ? …. J’ai une vision très haute de ce que devrait être l’artiste et l’art. L’art, c’est ce qui « devrait être » pour moi. Mais on n’y arrive jamais. C’est presque un idéal. Sur le fond je reste attaché à une vision romantique de l’art.

A.K. : Depuis vos autofilmages à aujourd’hui vous vous mettez en scène. Pourquoi ne pas être l’acteur du spectacle ?

P.S. : Je dis qu’il y a des raison pragmatiques et dès le départ il y a avait au moins 40 représentations de prévues. Et puis finalement il va y avoir encore plus de représentations et je me sentais déjà incapable de finir la route sur 40 représentations. Voir même sur une seule représentation, car autant face à une caméra qui crée une médiation entre moi et le public les choses se passent bien, s’il n’y a pas d’équipe de tournage tout va bien, mais en contact direct avec le public, pour moi, c’est terminé. Si je sens que j’ai fais quelque chose qui ne plait pas, je devient tout rouge et je vais me cacher. Donc ce n’est pas un travail de comédien que d’aller se cacher. Il faut être capable de rester devant les gens même si cela se passe mal. Donc ce n’est pas possible. En même temps ce n’est pas grave. Car finalement la figure physique de l‘artiste est très remplaçable. Je n’aurai pas été cherché Depardieu car il n’aurait pas pu être Pierrick Sorin. Par contre si je prends quelqu’un qui n’est pas trop connu et qui s’habille comme moi, ça marche.

A.K. : Quel est le lien entre l’exposition et le spectacle ?

P.S. : Cela tient de la complémentarité. Je ne l’aurai pas envisagé au départ mais ça marche plutôt bien. Le lien coule de source puisque dans ce que je raconte sur scène, je fais référence à ce que j’ai réellement fait. C’est du bon sens assez primaire. S’il y a possibilité de le refaire, je le referai. On doit d’ailleurs le présenter dans plusieurs villes dont Buenos Aires, Montréal… Je suis contre un spectacle qui soit purement pédagogique mais je ne suis pas contre le fait qu’un spectacle soit porteur d’un enseignement à condition que ce ne soit pas lourd. L’un et l’autre s’éclairent, cela peut même être intéressant pour des lycéens. Les prochaines dates, c’est l’Amérique du Sud.

A.K. : Quels sont vos projets ?

P.S. : En septembre 2011, je suis responsable artistique d’une exposition sur le jouet avec beaucoup de créations vidéos sur le thème du jouet. .. Je vais également travailler avec Jean-Michel Ribes sur un projet de scènographie. Je collabore à la Scala de Milan comme scénographe. Le projet le plus important est un opéra rock pour 2012. La mise en scène m’intéresse pour des raisons affectives. Cela m’apporte plus d’adrénaline. J’aime bien les expositions, mais on connaît le résultat à l’avance et si les œuvres sont correctement installées, ça marche. Un spectacle est une création à chaque fois. Pour moi la montée en puissance n’est pas dans la forme mais dans le contenu de ce que l’on raconte. Si je fais un opéra rock avec des images en relief, il y aura une montée en puissance formelle mais peut être sur le fond une extrême pauvreté. La montée en puissance ce serait de refuser tout cela et d’écrire un bouquin. Là ce serait la vraie puissance.

Interview réalisée par Anne Kerner le 27/01/11.

« Pierrick Sorin, L’Exposition »,  Tournée en Amérique du Sud. : création d’un opéra rock.

www.pierricksorin.com

Images, en home page, portrait de l’artiste, courtesy Pierrick Sorin, en slide, photo sur le spectacle du CentQuatre

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