L'oeil de Julie Le Borgne sur Mark Klett, Paris, mois de la photo, du 06/10 au 03/12/12
Mark Klett & Byron Wolfe et Matt Wilson ont choisi comme territoire photographique les États-Unis. Nombreux sont les photographes qui ont si bien raconté ce pays; ils se sont à leur tour plongés dans cette Amérique pour nous dévoiler au travers d’images, simples et familières, leurs voyages et leurs errances. À contre-courant d’une tendance actuelle qui privilégie les formats souvent très grands, ces deux photographes utilisent un langage modeste et des images de petites dimensions. Ils nous entraînent tous deux dans nos souvenirs visuels remplis d’instants d’insouciance, de légèreté et de contemplation. Matt Wilson possède un univers poétique évident et troublant à travers sa narration, son traitement chromatique et surtout ses formats. C’est en Europe que Matt Wilson a réalisé ses premières images déjà empreintes d’une atmosphère romantique, proche d’une ambiance
cinématographique ou de peintures flamandes. Untitled, travail sur le grand Ouest des Etats-Unis est un véritable work in progress depuis 2011, il y travaille régulièrement, revenant souvent sur certains lieux. La poésie
qui s’en dégage vient non seulement du petit format mais aussi du traitement chromatique, du sfumato, de l’utilisation d’une lumière brute et d’un cadrage semblant être le fait du hasard. Par ce choix si particulier de
chaque espace photographié, il nous raconte aussi une part de son histoire. Le regard se pose sur ces images pour une nouvelle lecture d’une Amérique que l’on pensait connaître. Matt Wilson photographie ce territoire de façon
instinctive dans une proximité avec la nature et l’homme et nous offre ainsi une vision intimiste et humaniste de cet infiniment grand. Le travail de Klett & Wolfe trouve aussi son point de départ dans une errance et une narration tirée de l’histoire visuelle de leur pays. Ils vivent en Arizona depuis plus de 20 ans et parcourent ces terres à la recherche d’images issues des missions photographiques officielles du xixe siècle. Ils se sont dans un premier temps plongés dans l’infiniment grand allant parfois jusqu’à produire des tirages de plusieurs mètres. La re-photographie du Grand Canyon devient avec le temps leur thème le plus travaillé et le plus abouti. Dans la série Charting the Canyon, ils reproduisent cet espace dans des formats chaque fois plus petits. Le contraste entre l’espace et le format choisi renforce cette vision d’immensité. Ils utilisent des cartes postales de Grand Canyon des années 1960-1970 qu’ils intègrent ensuite dans de petites photographies reprenant le même paysage. Nous nous trouvons face à des images familières proches de notre enfance, ancrées dans nos mémoires et souvent oubliées. Ces photos sont pleines d’humanité et de simplicité. La carte postale est parfois l’image elle-même, dans laquelle ils englobent une très petite rephotographie. Les couleurs saturées des années 1960-1970 augmentent cette vision décalée et personnelle de Mark Klett & Byron Wolfe. Le choix de la carte postale qui semble contraignant est mis en valeur par cette colorimétrie et des sujets remplis d’humour. Dans une véritable intention narrative, ils nous apportent une vision de l’Amérique profondément subjective.
Julie Le Borgne.
Galerie Tagomago, 4 villa Ballu, 75009 Paris, (Entrée par le 23 rue Ballu). 01 48 74 05 23. Du 6/10 au 3/12/12.(Images courtesy galerie Tagomago et le Filles du Calvaire).