Raymond Depardon, Marseille, MUCEM, du 14/11/14 au 09/03/15
Après le Grand-Palais, L’exposition « Un moment si doux » de Raymond envahit l’espace grandiose du Mucem à Marseille.
Né le 6 juillet 1942 dans une famille de cultivateurs à Villefranche-sur-Saône (Rhône), il s’approprie dès 12 ans, un appareil 6×6 de marque Lumière, reçu par son frère en cadeau d’anniversaire. Le voilà qui réalise ses premiers instantanés de la ferme, depuis son chien Pernod jusqu’à des fêtes de conscrits. Il tire lui-même ses photos. En 1956, il obtient son certificat d’études. Son père, convaincu qu’il ne reprendra jamais la ferme, lui offre un appareil 6×6 d’occasion. Il se voit engagé comme apprenti dans une boutique de photo-opticien de Villefranche-sur-Saône. L’année suivante, Depardon s’inscrit à des cours de photographie par correspondance afin d’obtenir le titre d’« opérateur photographe ». Le jeune homme décroche ses premières commandes de photographe de footballeurs amateurs. Un an plus tard, il s’installe à Paris et devient l’assistant de Louis Foucherand. En 1960, il entre à l’agence Dalmas. Polyvalent, il photographie les vedettes, les faits divers, les Jeux olympiques et multiplie les reportages à l’étranger. Ensuite, il couvre la guerre d’Algérie et décroche sa première grande publication en photographiant une mission militaire française dans le désert algérien. Sa carrière est fulgurante. Le voici en cinq ans reporter principal de l’agence.1966 apparaît comme une année charnière. Raymond Depardon crée l’agence Gamma avec Hubert Henrotte, Hugues Vassal et Léonard de Remy, vite rejoints par Gilles Caron. Gamma crée la nouveauté en offrant au photographe autonomie et responsabilité. En 1973, il reçoit la Robert Capa Gold Medal avec David Burnett et Chas Geresten pour leur livre Chili. Un an plus tard, il tourne son premier long métrage documentaire sur la campagne présidentielle de Valéry Giscard d’Estaing : « 1974, une partie de campagne » qui ne sortira en salles qu’en 2002. Il réalise également des photographies et un film : « Les Révolutionnaires du Tchad » qui auront une résonance internationale et contribueront à la libération en 1977 de l’otage Françoise Claustre, une ethnologue française détenue trois ans au Tchad.
En 1978, il quitte l’agence Gamma et rejoint la coopérative Magnum. Il photographie la guerre civile au Liban et en Afghanistan. A la suite de ce voyage, il publie son premier recueil de textes et photographies dans une collection de poésie, « Notes ». En 1981, Depardon fonde avec Pascale Dauman sa propre société de production de films : « Double D copyright film ». « Reporters » rencontre une large audience et obtient le César du meilleur documentaire. Sa Correspondance new-yorkaise, dans le quotidien Libération, est remarquée et confirme sa prise de liberté vis-à-vis du photojournalisme. En 1985, New York, NY obtient le César du meilleur court métrage. Il réalise Empty quarter, une femme en Afrique, film aux frontières du documentaire et de la fiction présenté au Festival de Cannes. 1989, est l’année de la chute du mur de Berlin qu’il capte de tous côtés. En 1990, il réalise La Captive du désert, présenté en compétition au Festival de Cannes et en 1991, il reçoit le Grand Prix national de la photographie.En 1995, Délits flagrants obtient le César du meilleur documentaire et le prix Joris-Ivens ; premier film sur les institutions judiciaires. En 2000, c’est la consécration photographique. Détours, première grande exposition à la Maison européenne de la photographie. La publication Errance et Détours obtient le prix Nadar 2000. C’est en 2001 que sort le film Profils paysans : l’approche, premier chapitre d’une série de trois films consacrés au monde rural français.L’année suivante, il réalise au Tchad Un homme sans l’Occident, adapté du roman de Diego Brosset, qui est présenté au Festival de Venise 2002.
Enfin arrive la sortie sur les écrans de 1974, une partie de campagne après 28 ans d’attente ! En 2004, il se lance dans une grande mission qui durera cinq ans : photographier la France et son territoire. Parallèlement il filme sept villes : Rio de Janeiro, Shanghai, Tokyo, Moscou, Berlin, Addis-Abeba, Le Caire, pour l’installation « 7 x 3 » à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, à Paris. Et en 2005, il présente au Festival de Berlin et en salles « Profils paysans : le quotidien ». Un an plus tard, Depardon sélectionne 52 expositions de photographies en tant que directeur artistique invité des 37èmes Rencontres internationales de la photographie d’Arles.Les prix continuent ! En 2008, il obtient le prix Louis Delluc pour « La Vie moderne ». Et encore une nouvelle consécration ! Raymond Depardon obtient avec Paul Virilio le prix Nomad’s pour « Terre natale – Ailleurs commence ici ». Et encore le prix international Planète Albert-Kahn pour l’ensemble de son travail. S’enchaînent l’exposition La France de Raymond Depardon qui ouvre en septembre 2010 à la BnF François Mitterrand, le film Journal de France, coréalisé par Claudine Nougaret et dont il est l’acteur principal, présenté au Festival de Cannes, la réalisation du portrait officiel du nouveau président de la République, François Hollande.
C’est en 2013 que le photographe entame un tour du monde pour de nouvelles prises de vues pour l’exposition « Un moment si doux » présenté au Grand Palais de novembre 2013 à février 2014. La « France de Raymond Depardon » est présentée au Museo de Bellas Artes de Caracas au Venezuela. Encore en 2014, paraît le livre « Le Désert, allers et retours » aux Éditions de La Fabrique. La couleur apparait dans l’œuvre de Raymond Depardon dès les premières images. Il a alors 16 ans. Depuis, elle l’accompagne dans tous les moments forts : les années de découverte de la photographie, les premiers voyages en Afrique, les grands reportages, puis plus récemment « un moment si doux » qui donne à l’exposition son titre. L’exposition présente près de 150 photographies en couleur, la plupart sont inédites. Avec la couleur comme fil conducteur, elle invite à une déambulation dans l’œuvre et la vie de l’artiste depuis la fin des années 50 jusqu’à aujourd’hui.
Sur les traces de Depardon de salle en salle.
Les années déclics
Je ne savais pas que j’étais un photographe de la couleur. Elle était pourtant là. Dès les premières images, Raymond Depardon.
Chez Raymond Depardon, la couleur est liée à l’enfance. Ses premières images sont celles de sa mère, des animaux de la ferme de ses parents, du tracteur rouge, de la toile cirée dans la cuisine. Il n’a pas encore 20 ans quand « il monte » à Paris, il s’installe dans l’arrière-boutique d’un photographe de l’Ile Saint-Louis où il se photographie sur son scooter. Il devient photographe reporter, il photographie Edith Piaf, on l’envoie en Afrique, il découvre le monde. Depuis, la couleur accompagne sa curiosité.
L’exposition présente l’évolution de la couleur au fil des années dans l’oeuvre de Raymond Depardon.
Reporter
Dans les années 70 et 80, Raymond Depardon travaille pour de grandes agences ; Dalmas, Gamma, Magnum. Il photographie en couleur, il pense en couleur, questionnant l’être humain et la bonne distance avec le réel. Au Chili en 1971, à Beyrouth en 1978, à Glasgow en 1980 il ne cherche pas l’événement mais ce qui se passe autour, dans les marges. Ce sont des reportages fondateurs.
Chili
En 1971, deux ans avant la mort de Salvador Allende, il photographie les indiens Mapuches qui luttent pour vivre sur la terre de leurs ancêtres. Il observe les hommes qui travaillent les champs et pense alors à son père. Il a 28 ans, il interroge son rapport au monde et au sujet, il cherche une nouvelle voie.
Beyrouth
En 1978, envoyé par le magazine allemand Stern, c’est à Beyrouth qu’il choisit de prendre ses distances avec le reportage, il ne photographie pas la guerre civile mais ses conséquences. Raymond Depardon y reste un mois photographiant passionnément en couleur. Son reportage fera le tour du monde.
Glasgow
En 1980, à la demande du Sunday Times il part à Glasgow. Photographe du sud et du désert, Glasgow lui semble aux antipodes de sa photographie. Il découvre pourtant les lumières du nord, il s’en souviendra plus tard lorsqu’il photographiera le nord de la France. À Glasgow il se pose des questions d’anthropologue : comment éviter l’exotisme, quelle distance adopter ? Dans les grandes villes Raymond Depardon se sent comme un exilé de l’intérieur, jeune homme il en a souffert à son arrivée à Paris. Glasgow qui ne sera jamais publié anticipe le travail sur les grandes villes qu’il expose à la Fondation Cartier pour l’art contemporain en 2004.
Un moment si doux
C’est dans les années 2000 que la couleur réapparaît et s’impose, elle n’est plus liée au reportage, à la presse, à l’événement mais à la quête d’une vérité de soi, à la recherche du bonheur, d’un endroit où vivre, d’un commencement. Depardon redécouvre les lumières et les couleurs de l’Ethiopie de l’Amérique du Sud et des palmeraies tchadiennes.
« Un moment si doux » dessine alors une approche plus silencieuse, plus intériorisée, plus mentale. Raymond Depardon est maintenant à la recherche, selon la formule de Clément Rosset, de la « douceur du réel ».
« Un moment si doux », Mucem, Du 14/11/14 au 09/03/15.
(Images ouvretesyeux, copyrightDepardon, courtesy Mucem)