Erwin Olaf, Paris, galerie Rabouan Moussion, du 17/10 au 28/11/15
La Galerie Rabouan Moussion déménage. Evénement donc dans le monde des galeries parisiennes.
La Galerie Rabouan Moussion est heureuse d’annoncer l’inauguration de son nouvel espace au coeur du marais avec l’installation vidéo et la série de photographies Waiting, inédites en France, de l’artiste néérlandais Erwin Olaf.
D’abord installée dans l’Hotel d’Hozier, la galerie déménage en 1999 au 121 rue Vieille du Temple. Ce nouveau lieu, 11 rue pastourelle, s’inscrit au sein de ce goût prononcé pour l’architecture: autrefois ancien théâtre, il fut converti en la réputée Maison Toussaint en 1822. Dans ce lieu unique, antienne fabrique d’abats-jours, Jacqueline Rabouan et Caroline Moussion poursuivent ici la promotion des cultures émergentes, engagée dès la création de la galerie en 1988. Au fil des années, elles défendent des artistes qui deviendront incontournables: Pierrick Sorin, Oleg Kulik, Lee Ufan, Bernar Venet, Stanislav Kolibal, Tania Mouraud, Hervé Télémaque, Shim Moon Seup ou encore Jean Degottex. Ce regard défricheur, souvent audacieux, en fait des galeristes si singulières, à la personnalité attachante.
Cette superbe exposition nous entraîne dans le nouvel univers tout en noir et blanc d’Erwin Olaf. L’entrée se fait brutale avec une première salle où l’artiste s’est mis en scène juste après les événements de Charlie Hebdo. Un mors de cheval entre les dents, il se torture jusqu’à laisser couler de la bave sur sa barbe. En face, deux autoportraits de l’artiste entrain de s’oxygéner, en référence à sa maladie atteignant ses poumons. Ainsi, après une décennie hédoniste et lucrative, Erwin Olaf depuis quelques années se concentre de plus en plus sur lui-même, sur les êtres et les sentiments. Son travail évolue avec force. Et l’on avait déjà vu lors de sa précédente exposition à la galerie, un de ses magnifiques tirages au charbon, lui permettant de rendre des contrastes d’une finesse infinie. Comme dit Jacqueline Moussion, il n’est « pas flamand pour rien ». Et l’on regarde la lumière ici, comme dans les plus beaux Veermer. N’a t-il pas justemment reçu le prix Johannes Veermer en 2011 pour sa passion pour les clairs-obscurs ? Sa dernière série « Waiting », dévoilant des jeunes femmes chiquissimes dans des décors d’une luxe au design élégant, parlent de l’attente. De l’attente de l’être aimé. Elles sont seules. Le visage triste. Le regard parfois perdu. Deux vidéos mises côte à côte dans une installations rigoureuse car posées sur des cimaises noires, dans un coin intime, mettent tout le talent de l’artiste en valeur. Ces deux vidéos mises côte à côte montrent la même jeune femme dans un ralenti qui nous propulse dans l’intensité de cette attente. Dans un décor dessiné au départ à la main puis entièrement construit, d’une perfection absolue. Une pièce de théâtre se joue. Devant nous. Dans l’attente. Une exposition d’une qualité inouïe avec une mise en scène d’une exceptionnelle.
Un film d’Erwin Olaf, 2009
Une interview d’Erwin Olaf de 2009
« J’attends une arrivée, un retour, un signe promis. Ce peut être futile ou énormément pathétique : dans Erwartung (Attente), une femme attend son amant, la nuit, dans la forêt ; moi, je n’attends qu’un coup de téléphone, mais c’est la même angoisse. Tout est solennel : je n’ai pas le sens des proportions.
Il y a une scénographie de l’attente : je l’organise, je la manipule, je découpe un morceau de temps où je vais mimer la perte de l’objet aimé et provoquer tous les effets d’un petit deuil. Cela se joue donc comme une pièce de théâtre.
Le décor représente l’intérieur d’un café ; nous avons rendez-vous, j’attends. Dans le prologue, seul acteur de la pièce (et pour cause), je constate, j’enregistre le retard de l’autre ; ce retard n’est encore qu’une entité mathématique, computable ( je regarde ma montre plusieurs fois) ; le Prologue finit sur un coup de tête : je décide de « me faire de la bile », je déclenche l’angoisse d’attente. (…)
Partout où il y a attente, il y a transfert : je dépends d’une présence qui se partage et met du temps à se donner – comme s’il s’agissait de faire tomber mon désir, de lasser mon besoin. Faire attendre : prérogative constante de tout pouvoir, « passe- temps millénaire de l’humanité.»
Roland Barthes, Fragments d’un discours amoureux (1977)
Galerie Rabouan-Moussion, 11, rue Pastourelle, 75003 Paris. Tél. : 01 83 56 78 21.
(Images, Erwin Olaf, Waiting, Nairobi 3, 2014 — Courtesy the artist and Rabouan Moussion Paris)