Michel Blazy "Le Grand restaurant", Paris, Le Plateau, jusqu'au 18/11/12

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                                 Alain Berland, commissaire de l’exposition parle de l’oeuvre de Michel Blazy

                                                         Michel Blazy parle de son oeuvre au Collège des Bernardins
 
 
 

Comment réaliser des oeuvres merveilleuses avec si peu de moyens et autant d’ingéniosité ? Demandez donc la recette à Michel Blazy qui emporte une nouvelle fois le visiteur dans un univers d’eau, de bain moussant et de nombreuses et fines bulles d’air… et voici des ailes d’anges, des tourbillons de neige sur lesquels on ne rêve que de glisser, des nuages qui tombent du ciel de la chapelle du collège des Bernardins.  Le résultat est à la hauteur de l’artiste pourtant si humble. Une oeuvre  qui prend tout le fond et la hauteur de la chapelle. Une installation à couper le souffle.

Souvenir de la rencontre de Michel Blazy dans son atelier de Saint-Denis.

Mieux qu’un nom sur une porte : l’insolite tas de terre rond piqué de salades posées juste à côté de la clôture. Blotti en bordure de la Seine, en banlieue parisienne, l’univers de Michel Blazy lui ressemble. Une maison et un atelier comme des cabanes d’enfants. Où l’on vit, l’on joue, l’on crée à l’infini. Avec un jardin. Pas très grand. Juste ce qu’il faut pour mener à bien des expériences botaniques en tout genre et surtout regarder. Regarder vivre son petit monde. Ses métabolismes et ses métamorphoses. « Les choses circulent entre l’atelier, le jardin, la maison », explique t-il de sa voix douce. Visite. Promenade plutôt. Balade au cœur d’une galaxie où tout est surprise et étonnement. Des émotions qui viennent de rien. De presque rien. De peu. Et en même temps de tout ce qu’offre la nature. Le quotidien de la nature. Car ici, nulle orchidée ou plante rare. Le précieux, le beau, le poétique, le fragile et le ravissement naissent de l’attente et de l’imprévisible.

« Je regarde comment les choses se passent sans moi, comment les formes se fabriquent d’elles-mêmes et en relation avec tout ce qui les entoure. Je n’ai pas une culture du jardin. J’essaie simplement de connaître la potentialité des choses pour intervenir de manière minimale…. Je me souviens d’une pomme de terre qui avait été creusée par une limace et cela faisait des tunnels incroyables ». Résultat : ces sublissimes photographies qu’il appelle si joliment ses « léguorites ». « C’est la contraction entre légumes et météorites », explique l’artiste. Ce sont des restes de ma cuisine, poursuit-il, s’accroupissant près d’une tomate sur un coin de terre. Certains matins, il y a un rayon de soleil bien placé…. Je prend une photo ». Images aussi merveilleuses que rares. « Je les considère comme un carnet de croquis. C’est toute cette observation qui fait la base de mon travail de sculpteur. Ce qui m’intéresse, c’est d’avoir avec la matière, la même expérience qu’avec les plantes. Quand je touche quelque chose, je n’ai pas vraiment d’idée, dit-il en caressant une drôle de sphère brune recouverte d’écailles roses pâles qu’il a présenté à la dernière foire de Bâle. « C’est une boule de coton ficelée. Je passe trois couches de crème au chocolat, j’attends que ça sèche. Je prépare ensuite un mélange de tapioca et de jus de betterave, et je l’enduis ». Pour le Centre Pompidou, il avait fabriqué des œuvres en aluminium et un mur qui pèle. Pour la galerie Art:Concept, il envahissait l’espace d’une symphonie végétale de guirlandes de feuillages et de stalactites de purée de carottes. Pour le Centre d’art du Crestet, il avait inventé un « projet d’habitat agréable aux insectes ». Où les sensations se mélangent. Les sens se troublent. Entre l’optique, l’olfactif et le tactile. Lentement, Michel Blazy se dirige vers un coin du mur de l’atelier. Et dévoile ses essais. Ses recettes. Ses secrets. Moisissures et pelures soigneusement alignées. Des bleus d’azur. Des verts de mers profondes. Sur de petites étagères, d’autres expériences de farine de riz, de mixtures à base de brocolis… fabuleux microcosmes boursouflés et cloqués si fragiles que le moindre souffle peut briser.
L’ancien étudiant de la Villa Arson de Nice adore dénicher ses produits dans toutes sortes de grandes surfaces ? Hypersensible à la consommation ultrarapide de notre société moderne, Blazy s’amuse à en déjouer les ressorts. Produits d’entretien aux teintes dernier cri, coton, sacs plastiques, carottes sous forme de galets congelés, macaronis, éponges, serpillières et bassines deviennent les incroyables matériaux de cet art pas comme les autres qui retient la beauté dans la banalité du monde. Proche de l’art povera mais aussi de la patience et de la méticulosité, du respect et du silence, du « déplacement minimum » d’Andy Goldsworthy, Michel Blazy frôle aussi le travail de Richard Long ou du groupe Fluxus et s’intéresse à l’art Pop. « A la différence du Land art où beaucoup d’artistes américains déploient une énergie immense et percent des montagnes, je m’intéresse à l’individu. « Ici, ni emphase du geste, encore moins de spectacle du faire. Le sculpteur a choisi le respect et la grâce, l’échange et l’écoute. L’harmonie.
Le chant des oiseaux couvre un peu sa voix. « J’essaie de créer un univers peuplé d’êtres vivants, avec leurs espèces, leurs familles… Au départ, c’est moi qui les fabrique, mais le but est qu’elles se détachent de moi, qu’elles vivent leur vie ». « Laisser-faire » pourrait être la formule de Michel Blazy ? « Avec tous les problèmes que cela implique dans la vie, oui ! », répond-il dans un éclat de rire.
Anne Kerner, « jardins Passion », 2001.

Michel Blazy, le grand restaurant, le Plateau, Place Hannah-Arendt, 75019 Paris.

Michel Blazy a été présélectionné pour le Prix Marcel Duchamp 2008 avec Stéphane Calais, Laurent Grasso et Didier Marcel.

Michel Blazy, Collège des Bernardins jusqu’au 30 juin.

Images, vues pour l’exposition au Collège des Bernardins, portrait de Michel Blazy.
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