Parmi les galeries d’art contemporain accueillies par la Brafa, deux galeries bruxelloises, la Patinoire Royale-Galerie Valérie Bach, une institution célèbre de la capitale belge et Nosbaum Reding Gallery dont le directeur a lui-même lancé la Luxembourg Art Week. Constantin Charriot, directeur de la Patinoire Royale et Alex Reding, directeur de la Nosbaum Reding Gallery au Luxembourg, qui vient d’ouvrir son deuxième espace à Bruxelles, vous livrent leurs motivations pour cette foire exceptionnelle.
Anne Kerner : Constantin Charriot, quel est l’intérêt pour la Patinoire Royale-Galerie Valérie Bach, de présenter un stand à la Brafa ?
Constantin Charriot : Ce qui fait tout l’intérêt de cette foire, merveilleuse selon moi, est qu’elle associe une très belle variété d’offres artistiques de la plus lointaine antiquité jusqu’au plus contemporain, et que du coup, les visiteurs de la Brafa, ne sont pas standardisés dans une vision qu’ils auraient d’une foire qui serait par trop contemporaine. C’est ce qu’il y a d’intéressant dans cette foire, c’est non seulement le mariage de ces propositions mais aussi de permettre, parmi 130 exposants du monde entier, une offre très généreuse en donnant une place aux galeries belges. On trouve plus intéressant d’aller vers une clientèle qui n’est pas acquise à l’art contemporain et qui va trouver dans notre proposition un contrepoint par rapport à leurs propres intérêts.
A.K. : Comment s’est réalisé votre choix ?
C.Ch. : Le choix que nous avons fait pour la Brafa est orienté vers des artistes que nous aimons, que nous défendons, majoritairement des femmes artistes – qui est un des axes de notre galerie. Nous avons choisi un thème sur la couleur rouge, le rouge passion, le rouge de la vie, le rouge du feu. On s’est dit après cette période sombre du covid qui a annulé successivement deux éditions de la Brafa, que nous allions mettre un peu de vie à travers cette couleur. C’était aussi une façon de restreindre notre champ des possibles. Les artistes que nous présentons sont des artistes que nous défendons depuis de nombreuses années qui sont les têtes de proue de notre programmation.
A.K. : Quels sont les artistes que vous présentez ?
C.Ch. : Olga de Amaral est la doyenne en âge des artistes femmes que nous représentons. Elle vit et travaille à Bogota en Colombie. C’est la papesse de l’art textile proche de son amie de toujours, Sheila Hicks. Elle synthétise ce que le patrimoine de toute l’Amérique du Sud a fait de plus beau. Avec son art, elle crée un art sans âge, hors du temps, qui donne à voir des symboliques très riches et très fortes. La deuxième grande figure artistique que nous présentons est Lita Albuquerque qui vit et travaille à San Francisco. Elle est l’une des plus grande femme protagoniste du Land Art, ce courant qui allie à la fois l’esthétique, l’écologie, l’ethnographie dans les pays qui s’y prêtent. Elle a aussi un discours qui ne s’interdit pas l’intimité, notamment ici, avec un tableau centré de deux cercles à la feuille d’or qui se détachent sur un fond rouge. C’est quelque chose de très puissant et de métaphysique. Une autre artiste présente à la Brafa, c’est Joana Vasconcelos, qui a elle aussi synthétisé tout le patrmoine de « bonne femme » de la société portugaise domestique, de la cuisine aux techniques du tricot ou aux azuleros, sur fond de fado, avec cette espèce d’exubérance des formes, un festival de couleurs et quelque chose de tragique. C’est une artiste extrêmement sensuelle qui ne s’interdit pas non plus la forme monumentale. Nous avons montré à la Patinoire Royale en 2018 sur les 1200m2 de notre galerie, une grande Walkyrie en crochet de l’artiste. Une autre artiste femme que nous adorons, Alice Anderson, sera présente avec un totem réalisé de fils de cuivre. Alice Anderson est rousse et elle s’est saisie du fil de cuivre et du fil tout court comme métaphore de la communication. Elle enrobe des éléments de la communication, des baffes, des disques durs, des modems, les enroule de fil de cuivre dans un travail répétitif qui est la résultante d’une danse corporelle obsessionnelle. On ne peut pas séparer la technique performative et plastique d’Alice Anderson. Nous présentons également Irina Rasquinet, d’origine ukrainienne, avec une sculpture de cercles précieux d’or et ses mères-veilleuses, comme des poupées russes traitées dans une laque de carrosseries. Et bien sûr, seul homme de notre stand, Carlos Cruz Diez avec ses tableaux qui changent de couleur quand on passe devant. Un stand donc très haut en couleurs. Dominante féminine. Dominante rouge. La qualité esthétique de nos œuvres est toujours une préoccupation majeure, sachant que l’œuvre d’art est la symbolisation du monde à travers deux vecteurs que sont le talent et l’émotion.
Anne Kerner : Alex Reding, vous venez pour la première fois à la Brafa, pourquoi ?
Alex Reding : « Je connais la Brafa au travers de nombreux de mes collectionneurs d’art contemporain luxembourgeois, qui y vont avec beaucoup d’enthousiasme, de passion et de manière constante. Je me suis dit qu’il doit y avoir une ambiance spéciale, que l’on y passe un moment merveilleux. Pour moi, fraîchement arrivé à Bruxelles, et venant d’ouvrir la nouvelle galerie Nosbaum Reding en septembre 2021, il est clair que j’essaie de participer à une grande partie des événements qui ont un large public sur place pour pouvoir rencontrer de nouveaux collectionneurs. Nous avons une certaine notoriété par une présence répétée dans les foires. Nous sommes présents à Art Anvers également, Art Brussels depuis presque 19 ans – Art Brussels est la première foire que nous avons faite en 2003. Nous participons donc à la Brafa dans la continuité de notre déménagement à Bruxelles, dans l’agrandissement que nous avons réalisé à travers une deuxième galerie qui nécessite cette visibilité accrue. Il est vrai que la Brafa est un événement international avec plus de 60 000 visiteurs pendant dix jours, ce qui est très important, et l’on y trouve un public mixte. On sait tous, galeristes, que notre créneau d’art contemporain est très rempli aussi bien au niveau de la concurrence entre galeries et aussi au niveau des foires. Le public d’art contemporain est également identique dans le grand circuit des foires européennes et internationales. La Brafa nous donne l’occasion de toucher un public beaucoup plus large de gens passionnés par l’art, qui n’a pas forcément encore tous les codes et qui a envie de faire des découvertes. Là, en tant que galerie, cela me donne la possibilité de rencontrer des personnes que je n’ai pas encore croisées. Je m’attends à rencontrer des gens nouveaux, ce qui est important, puisque je suis nouveau dans cette ville.