Paysages dans la tradition d’un genre pictural codifié, Véronique Ellena prolonge, à l’aide de son objectif, une histoire de la peinture. Pourtant, les lieux, à la fois familiers et inconnus, provoquent chez le spectateur une émotion particulière. Est-ce l’écrasante permanence de la nature qui crée cette sensation ? Silence et spiritualité indicible.
Paysages dans la tradition d’un genre pictural codifié, Véronique Ellena prolonge, à l’aide de son objectif, une histoire de la peinture. Pourtant, les lieux, à la fois familiers et inconnus, provoquent chez le spectateur une émotion particulière. Est-ce l’écrasante permanence de la nature qui crée cette sensation ? Silence et spiritualité indicible.
In these landscapes, traditional in a highly codified genre, Veronique Ellena and her lens continue the history of painting. Yet, these places both familiar and unknown created particular emotions in the viewer. Are these feelings a result of the crushing durability of nature? Silence and inexpressible spirituality.
« Ce lieu me plaît ; il a remplacé pour moi les champs paternels ; je l’ai payé du produit de mes rêves et de mes veilles ; c’est au grand désert d’Atala que je dois le petit désert d’Aulnay ; et pour me créer ce refuge, je n’ai pas, comme le colon américain, dépouillé l’Indien des Florides. Je suis attaché à mes arbres ; je leur ai adressé des élégies, des sonnets, des odes. Il n’y a pas un seul d’entre eux que je n’aie soigné de mes propres mains, que je n’aie délivré du ver attaché à sa racine, de la chenille collée à sa feuille ; je les connais tous par leurs noms comme mes enfants : c’est ma famille, je n’en ai pas d’autre, j’espère mourir auprès d’elle. » François-René de Chateaubriand, Mémoires d’outre-tombe, livre I, chapitre 1
Il y a une sensation singulière à contempler les photographies de Véronique Ellena. Ses paysages, en répondant à une composition simple, frontale, dépourvue de tout artifice, s’inscrivent dans la tradition d’un genre pictural codifié.
Thème récurrent dans la peinture, la représentation du paysage devient un genre à part entière dès la Renaissance notamment dans les écoles du nord de l’Europe et tout particulièrement dans les Flandres. De ses années d’études à l’Ecole nationale supérieure des arts visuels de La Cambre à Bruxelles, Véronique Ellena a gardé ce goût des sujets ordinaires, cette « économie du simple » répondant à la frontalité de la composition. Comment ne pas reconnaitre dans La colline de Bugey les grands arbres désolés qui sont au centre des compositions du peintre hollandais Jan Van Goyen (1596 – 1656) dont on retrouve le même ciel pluvieux chargé de nuages. Cette vision humaniste, qui semble en harmonie avec l’homme et la nature définie un modèle pictural que l’on peut nommé « paysage naturaliste » dont Véronique Ellena en propose une relecture. Cette représentation de paysages ordinaires se retrouve au cours du XIXe siècle, chez Gustave Courbet ou encore chez Jean-Baptiste Camille Corot auquel le pas des ondes semble faire référence et dont l’illusion plastique est si parfaite que notre perception s’en trouve troublée. Est-on devant une photographie ? devant un tableau ?
En contemplant Falaise d’Etretat, c’est le romantisme allemand de Caspar David Friedrich (1774-1840) que la photographe semble convoquer tant l’homme, ici le spectateur, est placé face à la nature et sa dimension universelle, divine.
Les paysages de Véronique Ellena inscrits dans une telle filiation, trouvent naturellement leur place au sein de la Maison de Chateaubriand. Loin du tumulte que propose son environnement urbain actuel, la Vallée- aux-loups offre au promeneur un havre de quiétude, un lieu de ressource et de méditation tel que l’a pensé François-René de Chateaubriand (1768-1848), à la fois écrivain, poète, homme politique, voyageur et « citoyen » dont les descriptions de la nature et son analyse des sentiments du moi en ont fait un modèle pour la génération des écrivains romantiques.
En collaboration avec la galerie Alain Gutharc