Rebecca Horn, Metz, Centre Pompidou. Du 8 juin au 13 janvier.

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Rebecca Horn, Metz, Centre Pompidou. Du 8 juin au 13 janvier.

Souvenir d’une exposition de Rebecca Horn au Carré D’art de Nîmes en 2000. 

Tout commence à partir d’une petite roue de plumes. Parce que Rebecca Horn reste fascinée par les animaux fabuleux. Parce qu’aussi attentive à l’architecture du Carré d’Art de Nîmes, ouvert sur le ciel, elle a imaginé un oiseau entrer dans les salles. Et il n’y a plus qu’à le suivre. Pénétrer cette exposition si cohérente et magnifique où toutes ses recherches, tous ses mythes, toutes ses hantises se retrouvent et s’accordent, de salle en salle, à l’instar des chapitres d’une fiction.

L’art comme exorcisme

Car ici, plane sans cesse l’ombre de cette jeune étudiante aux Beaux-Arts de Hambourg, qui, travaillant le polyester, fut victime, à vingt-quatre ans, d’une infection pulmonaire. Passent les si longs mois au sanatorium, où Rebecca Horn saisit son art comme une tentative de fuite. De vie. Où son héros, Buster Keaton devient le salvateur, le guide vers la liberté. Et cela n’a pas cessé. Et cela ne cessera plus. On pense bien sûr à Frida Khalo qui peignait sa douleur et son corps broyé. Mais Rebecca Horn exhausse sa souffrance personnelle pour atteindre l’universel. Elle part de son corps et de l’espace de son corps pour toujours mieux comprendre et palper l’existence humaine. Pour ouvrir les frontières. Faire exploser la conscience. L’inconscience. Lacher prise. Célèbre pour ses vidéos et ses performances des années soixante dix où l’artiste allemande invente des peintures et des sculptures corporelles, puis des films de fiction, c’est à partir des années 80, qu’elle se concentre sur des mises en scènes de machines mécaniques et autonomes qui la consacrent définitivement comme sculpteur.

Naissance des installations

Mais le désir et la violence restent les mêmes. De ses harnais de crayons, de ses masques de plumes, de ses tubes à faire circuler le sang aux installations de ses dix dernières années, c’est toujours le même enchantement artistique qui doit happer, surprendre, désorienter, questionner, aider. En stimulant tous les sens. Et c’est cela qui nous envahit dans l’exposition de Nîmes, qui nous prend, nous soulève, nous fait peur, nous ensorcelle encore ou nous ravit. Nous emporte donc. Loin. Dans les contrées mythiques d’Eros et de Thanatos d’où un baiser de serpents jaillit un rayonnement électrique. Dans des espaces mystérieux et silencieux, où tout à coup, un violon accroché très haut dans la salle grince et soupire. Plus loin, sur un mur, un immense dripping à la Pollock réalisé par une machine, une fois l’oeuvre terminée, répète son geste. Indéfiniment. A vide. Ailleurs encore, une immense tige métallique comme un doigt pointé sur les maux et les génocides du monde dessine une spirale invisible dans l’espace. Aux côtés de ces tortures de l’esprit, comme souvent, la légèreté. L’incroyable légèreté d’un papillon battant des ailes. Mais si Rebecca Horn défie à l’infinie le geste du peintre, elle perpétue à l’infinie également le geste d’écriture. Frontières. Frôlement des frontières. Car l’artiste jongle avec les mots, écrit des textes, des poèmes, invente des titres fabuleux et un vocabulaire de symboles similaire à celui de la psychanalyse ou des différentes religions. Syncrétisme donc, chez cette passionnée de bouddhisme, qui utilise à la fois l’ordre plastique, littéraire et poétique et ose ainsi porter toujours plus loin l’héritage du surréalisme. Comme disait Henri Michaux à propos de l’oeuvre de Paul Klee « Pour entrer dans ses tableaux… Il suffit d’être l’élu, d’avoir gardé soi-même la conscience de vivre dans un monde d’énigmes, auquel c’est en énigmes aussi qu’il convient le mieux de répondre ». Anne Kerner

Le Centre Pompidou-Metz et le Musée Tinguely de Bâle s’associent pour organiser à partir de juin 2019 deux expositions consacrées à Rebecca Horn (née en 1944 à Michelstadt, en Allemagne) : Théâtre des métamorphoses à Metz et Fantasmagories corporelles à Bâle. Présentées simultanément, les expositions explorent les processus de métamorphoses, tour à tour animale, maniériste et cinématographiques à Metz et machiniste ou cinétique à Bâle. Elles offrent des perspectives complémentaires d’envergure sur l’œuvre d’une des artistes les plus singulières de sa génération, dont certains pans de création restent encore méconnus.

Rebecca Horn vit et travaille à Bad König, en Allemagne. Dès 1972, elle participe en tant que plus jeune artiste à la documenta 5, organisée par Harald Szeemann à Cassel. Trois autres participations à la prestigieuse manifestation suivront.

Légende de la vidéo : Rebecca Horn, Performances 2, 1973. Film cinématographique, 16 mm, couleur, muet, numérisé, env. 35′. Extraits de Einhorn [Licorne], 12′

CENTRE POMPIDOU-METZ, 1 parvis des Droits de l'Homme 57020 Metz Tél. : 03 87 15 39 39 www.centrepompidou-metz.fr