Après deux ans perturbés par la crise sanitaire, les foires se réorganisent. Si septembre est devenu le mois du design, octobre celui de l’art contemporain et novembre celui de la photographie, mai célèbre cette année, Paris, capitale du dessin. Calés aux mêmes dates, le salon du Dessin et Drawing Now Art Fair fêtent respectivement leur trente et quinze ans d’existence.
Alors que la Fiac vient de se faire racheter par Art Basel et que des galeries anglo-saxonnes s’installent dans la capitale, les deux foires franco-françaises et indépendantes s’ancrent et se déploient définitivement au coeur de Paris, grâce à une offre exceptionnelle du XVIè au XXIè siècles. « Nous marquons le territoire parisien pour montrer qu’une telle offre de dessins à la fois historiques et contemporains existe nulle part ailleurs. Paris est une place unique au monde », observe Christine Phal, directrice de Drawing Now Art Fair. En effet, non seulement les deux foires accueillent à elles seules cent onze galeries venues du monde entier, mais rassemblent autour d’elles un ensemble de manifestations variées, dynamiques et prestigieuses. « Tout cela crée une offre inégalée qui permet la venue de nombreux collectionneurs, conservateurs, spécialistes se déplaçant du monde entier pour dénicher nos perles rares, mais aussi amateurs et jeunes connaisseurs passionnés par ce médium », confie Louis de Bayser, directeur du salon du Dessin. La force de ces foires ? « Leur spécialité qui permet de présenter de manière étendue le médium ciblé qu’est le dessin », explique Louis de Bayser. Ses qualités aussi, évidemment. « Nous présentons des feuilles où le graphisme, la composition, la matière et l’émotion, bien sûr, doivent être au rendez-vous ». « Et le format intime des deux manifestations crée une véritable ambiance, poursuivent les deux directeurs, qui permet de s’approcher, d’appréhender, de se concentrer dans les stands sans que l’œil ne sature ».
Sous la coupole de la Bourse, le salon du Dessin présente donc 39 exposants dont 19 galeries étrangères et pour la première fois les galeries italiennes Enrico Frascione et Romano Fine Arts, le français Ambroise Duchemin, la galerie parisienne Louis & Sack, la galerie Apolloni Laocoon installée à Londres et à Rome. Penchez-vous donc sur le puissante encre brune des Têtes d’une jeune femme et d’un satyre, croqués à la plume par Jean-Louis David chez Benjamin Perronet, sur l’exquise esquisse de la Saint Famille de Giovanni Battista Tiepolo chez Grässle/Härb-Nuti ou sur le détail merveilleux de l’étude d’une Jeune femme épleurée, de Jean-Baptiste Greuze chez De Bayser. Un parcours consacré à la nature et aux jardins offre encore à voir de très rares et très belles feuilles comme Lilette sur le banc de Gaudi de Sam Szafran qui nous a quitté il y a deux ans ou La montagne Saint Victoire de Paul Cézanne. Lavis, encres, gravures, gouaches, aquarelles, pastels, craies, crayons, pierres noires se multiplient encore dans une thématique consacrée au « Femmes de tête » avec une séduisante jeune femme d’Emil Nolde, chez Martin Moeller et un mystérieux visage d’Odilon Redon, Galerie Eric Coatelem.
Sous la verrière du Carreau du Temple, la première foire d’art contemporain en Europe dédiée au dessin de ces 50 dernières années, accueille 72 galeries dont 24 internationales et plus de trois cents artistes. Partez à la découverte de Nuno Lorena et Barthélémy Toguo chez le luxembourgeois Nosbaum Reding, d’Annabelle Guetatra chez la toute jeune galerie bruxelloise DYS, Erik Dietman Galerie Papillon, Carlos Cruz Diez à La Patinoire Royale | Galerie Valérie Bach, Nathalie Talec, galerie Maubert ou Jan Voss Galerie Lelong & Co…
A chaque salon, ses événements ! Le palais Brongniard dévoile les plus belles feuilles de la donation de Pierre Rosenberg au Musée du Grand Siècle, accueille une exposition d’Achille Duchêne (1866 – 1947) issus des collections du Musée des Arts Décoratifs et, confie depuis onze ans, un espace aux nominés du Prix de dessin contemporain de la Fondation Daniel & Florence Guerlain. Plus encore, il organise, comme chaque année, la très courue Semaine du dessin qui propose des visites inédites de cabinets d’art graphique dans près de 20 musées et institutions dont cette année le Château de Versailles, le Musée d’Orsay ou le Centre Pompidou.
Côté contemporain, Drawing Now Art Fair offre la part belle à toutes les formes d’expression quelles qu’elles soient. Et l’émancipation de la feuille est assurée dans l’exposition Hyperdrawing, qui se déroule conjointement au Frac Picardie et à la Maison de la Culture d’Amiens. Ici, on réactive des œuvres de Morellet et Sol Lewit. Ici, on performe comme Emmanuel Beranger qui laisse la trace du graphite tenu dans sa main en sautant devant un mur. La foire fête également les 10 ans du Prix Drawing Now « qui positionne ces artistes en tant que dessinateurs contemporains », explique Christine Phal. Les nommés 2022, Alice Anderson, Marion Charlet, Kubra Khademi, Lenny Rébéré, Karine Rougier et Claire Trotignon prennent déjà la lumière en attendant la sélection finale. Semaine du dessin pour l’un, mois du dessin (devenu printemps du dessin pour plus de visibilité pour les artistes contemporains ) : « Drawing Now lance désormais le Printemps du dessin (à partir de l’an prochain, fin mars). L’idée est de référencer entre le 21 mars et le 30 juin, au niveau national, tout ce qui se passe à la fois dans les musées, les centres d’art, les monuments nationaux, …. , les moments forts où les artistes rencontrent des populations qu’ils ne croisent pas forcément dans leurs expositions. Nous désirons favoriser l’ouverture à la culture contemporaine à partir du dessin qui est un médium facile à mettre en oeuvre », exprime Christine Phal. « Le dessin est beaucoup plus intégré à l’art contemporain qu’il ne l’était il y a 15 ans, conclut la directrice de Drawing Now Art Fair, d’art mineur, il est passé à un art majeur, reconnu dans les grandes foires comme Art Basel ». C’est à partir du 19 mai, à Paris, et nulle part ailleurs !