Nochapiq, « Road trip », Paris, Joyce galerie. Du 24 février au 7 mars 2020.

Home / Nochapiq, « Road trip », Paris, Joyce galerie. Du 24 février au 7 mars 2020.

Nochapiq, « Road trip », Paris, Joyce galerie. Du 24 février au 7 mars 2020.

Noémie Chaillet-Piquand surfe avec son esprit pop dans l’art d’aujourd’hui et questionne notre société de consommation. Son atelier ? « Les Feuillantines », son appartement lumineux dans une maison du 5ème arrondissement. Rencontre. 

Entre les Arts Déco et le Luxembourg, c’est presque la province. Il fait gris et froid en ce jour d’hiver. Le thé chaud sur la table du salon et une bougie allumée au-dessus de la cheminée donnent de bonnes ondes. Celle qui a pris le nom d’artiste de Nochapiq a tout préparé. Il faut dire que depuis quelque temps son chez soi s’est métamorphosé en show room. Sur le sol, sur les lits, elle a soigneusement réalisé des compositions avec ses objets embolduqués. Ses chaises et fauteuils tout ébouriffés de morceaux de tissus arrachés ou découpés font depuis longtemps partie du décor. Et si elle s’inspire du Pop Art et d’Andy Warhol, elle a aussi un parcours similaire où se mêle communication, design, artisanat et luxe. Nous l’avons rencontrée. Elle parle avec passion de son oeuvre et de sa nouvelle vie d’artiste. Carrément de performeuse.

 

Qu’est ce qui vous a ouvert les yeux à l’art ?

Je pense que cela a commencé déjà dans mon enfance, dans le milieu dans lequel j’ai évolué lors des seize premières années de ma vie, car ma maman a eu une carrière artistique très riche. A la fois dans le monde de la mode, de la télévision et de la création en général. Ensuite, je suis allée voir une exposition sur René Magritte au Musée d’Art Moderne de la ville de Paris lorsque j’avais 14 ans. Et sans m’y attendre, je me suis retrouvée en larmes devant le tableau « Les Amants ». Sans comprendre pourquoi. Er cela m’a ouvert les yeux à découverte de la création, de la liberté, de cet exutoire, de cette sublimation de la vie. C’est infini. 

 

Quelles sont vos sources d’inspirations ? 

Mes inspirations sont doubles. Elles viennent d’une part du patrimoine artistique général d’un Andy Warhol dont il n’est pas la peine de donner des détail de son talent et de son oeuvre qui a marqué l’histoire de l’art.  Il a cette approche extrêmement intéressante de considérer l’esthétique des produit pragmatiques, fonctionnelle et de grande série dont la vocation n’est pas spécialement d’être de la création ou de l’esthétique. Et d’autre part, j’ai été extrêmement sensibilisée de manière empirique à l’éveil de l’esthétique que peut avoir le pop art, lors de mon passage dans la société Loréal. J’y ai travaillé cinq ans, en interne, en innovation. J’ai eu la chance de visiter des usines, de voir comment se fabriquaient des rouges à lèvres, d’être au contact des matériaux de fabrication. Et, en termes d’influence professionnelle, j’ai eu encore le bonheur de travailler quinze ans pour Hermès. Deux maisons pour lesquelles je collabore toujours.

J’ai commencé à faire des produits et je me suis donné la chance de travailler avec mes mains en me remettant en question à l’âge de 24 ans – ayant commencé à travailler à l’âge de 16 ans après mon BAC – en faisant un CAP de sellerie maroquinerie. Il m’a aidé à dompter, à apprivoiser la symbiose entre le cerveau qui guide les mains et le corps en entier. Parce que les mains ne fonctionnent pas toutes seules. Cà, je l’ai découvert.

Et j’ai commencé ma démarche artistique tardivement à l’âge de 25 ans, lorsque la petite fille que j’ai élevée est arrivée au monde. De manière totalement imprévue et spontanée, j’ai commencé à faire de la peinture à l’huile. Le résultat n’était pas très satisfaisant mais le moment de méditation, de bonheur, d’hyperesthésie à ressentir le bleu, le jaune, le vert, la matière, l’odeur de l’huile de lin, m’ont complètement conquises. Depuis je n’ai jamais arrêté, je n’ai jamais cessé d’explorer, tous les matériaux, tout ce qui me vient à l’idée, je fonctionne d’abord par instinct.

 

Comment  fabriquez-vous vos objets ? 

Il s’agit pour utiliser un terme à la mode, d’un mashup. Je pars d’un objet qui a une histoire, une valeur symbolique, qui n’est pas un produit neuf. Il y a une démarche aussi de recyclage qui existe et la matière première est le ruban. J’ai été beaucoup influencée par mon passé dans la mode, et j’utilise beaucoup de rubans vintage de maisons de luxe, j’ai également mon propre ruban que je me suis amusée à faire. Du coup, je fusionne ces deux objets par un mode opératoire qui peut être préalable afin qu’il soit gainable. Le ruban est préparé par la mise en place d’un adhésif très performant et extrêmement fin au dos du bolduc, bolduc étant le terme employé par les grandes maisons pour nommer le dit ruban, et ensuite je m’occupe des parties qui ne sont pas déroulables de manière continue sur la pièce que je dois préparer. Par exemple, pour le pare choc de petites voitures, je réalise un véritable cocon de scotch au préalable, afin que  l’objet puisse être fluide une fois réalisé. Donc voici grosso modo le mode opératoire. Je suis la première spectatrice de ce qui vient de se passer, de la transformation et de la fusion de cette matière première et de cet objet qui jusqu’à maintenant ne s’étaient pas encore rencontrés.  

 

Comment se fait le choix des objets ?

De manière improbable, par chance, par site internet, il peut s’agir aussi bien de produits chinés dans des brocantes comme aux puces de Saint Ouen où j’étais encore hier matin, et souvent je tombe sur un objet qui me donne l’idée qu’il est intéressant, et ensuite j’en recherche d’autres. Je suis passée par exemple d’un appareil photo qui m’a donné l’idée de trouver une caméra super huit. C’est vraiment un mélange de hasard et ensuite d’un minimum de travail rationnel pour s’approvisionner. 

 

Peut-on porter vos bracelets ? 

On peut porter l’objet. Il s’agit d’ailleurs du seul objet qui peut être assimilé à un accessoire de mode tout en restant sous mon regard en tous cas, une démarche artistique pure. Car le but pour moi n’est pas de porter un accessoire de mode, mais d’avoir une pièce artistique et de pouvoir être assortie à elle. 

 

Que voulez vous que l’on retienne de votre travail à l’exposition ? 

La mise en question et surtout pas le jugement sur les réponses apportées par le spectateur. L’un des rôles principaux de ce que je fais est de poser des questions et j’aime l’idée qu’on soit totalement libre de ne pas adhérer à mon discours ni à mon travail. J’aimerais que mes objets provoquent une réaction chez la personne qui rentre, ne serait ce que quelques secondes, dans mon univers.  

Joyce Gallery, 168, Galerie de Valois, 75001 Paris. Téléphone : 01 40 15 03 72.