Passionnée par la lumière, amoureuse des longueurs d’ondes, Nathalie Junod Ponsard invente une oeuvre au fil des lieux et des espaces qu’elle investi. Le but de l’artiste ? Eblouir le visiteur, transmettre des sensations au travers de la lumière et susciter l’émerveillement. Interview au coeur de son exposition à la galerie Baudoin Lebon.
Anne Kerner : Pouvez-vous présenter votre exposition à la galerie Baudoin Lebon ?
Nathalie Junod Ponsard : Il s’agit d’une exposition en deux actes qui s’intitule, du mot latin, Figura Serpentinata. Dans le premier acte, j’ai créé une œuvre lumineuse et chromatique in situ dans la galerie Baudoin Lebon qui occupait presque quarante pour cent de l’espace. Une œuvre, une installation comme impénétrable dans laquelle finalement on pouvait s’immerger dans la lumière et dans la couleur grâce à des formes en volutes recréant de nouvelles forces vitales.
Cette installation permet d’avoir la sensation de se dissoudre dans la lumière. C’est comme cela que je l’ai convoquée et évoquée. L’installation proposait également un parcours. Le visiteur pouvait aller jusqu’au fond de l’espace, en se faisant tout petit, en passant sous les volutes rouges et bleu-vert, puisque j’ai travaillé avec ces deux longueurs d’ondes complémentaires. On pouvait donc arriver dans cet espace tout au fond de la galerie dans lequel on avait la sensation d’être, peut-être, dans un espace irréel, un autre espace en tout cas, tout à fait créé. J’ai utilisé la matière que l’on appelle gélatine, qui a des propriétés assez particulières. Elle est à la fois brillante, transparente, peut se faire translucide, elle renvoie aussi la lumière. Et lorsque les deux couleurs se superposent (le rouge écarlate et le bleu-vert) on obtient du noir. On passe finalement dans une gamme chromatique assez intéressante puisqu’il y avait ce noir opaque jusqu’au blanc, qui lui est créé par la superposition des deux couleurs projetées. (le rouge et le bleu-vert).
A.K. : Vous avez repris la matière gélatine pour de nouvelles œuvres…
N. JP. : Cette installation a suscité chez moi l’envie de créer ce que j’appelle des « Serpentines » . Ce sont des petites œuvres sous cadre créées en partant de la même matière gélatine. L’idée de cette installation in situ qui était dessinée m’a donné l’envie de créer ces petites serpentines en gélatine. Chacune étant composées de deux couleurs complémentaires et faites de circonvolutions, avec lesquelles ont peut jouer en déplaçant le cadre de 90° ou plus pour obtenir des formes toujours en mouvement.
Voilà ce que l’on retrouve dans mes œuvres. La lumière, les longueurs d’ondes, la mobilité.
A.K. : Comment est née cette installation ?
Nath. JP. : En général je crée des œuvres in situ, par rapport au site, au lieu. Ici dans un espace blanc de galerie j’ai d’abord eu envie de le transformer avec ces deux couleurs, ces deux longueurs d’ondes très fortes visuellement complémentaires mais aussi très harmonieuses. Le rouge et le bleu-vert sont probablement le contraste le plus fort, le plus saillant en matière de lumière. J’utilise cette matière depuis la fin des années 90 où j’ai créé à Singapour deux installations assez monumentales in situ, l’une dans la galerie Evason, l’autre au Singapore art Museum.
A.K. : L’environnement est majeur …
Nath. JP. : C’est quelque chose qui m’a toujours intéressé, cette façon de transformer notre environnement, puisque pour moi c’est une question assez primordiale dans mon travail… Pourquoi des œuvres de lumières ? C’est effectivement pour montrer combien notre propre environnement, qu’il soit à petite ou à grande échelle, nous influence à tout moment. Il suffit de partir du concept de la lumière du soleil qui est différente du matin au soir et effectivement qui nous influe dans notre vie quotidienne et autre. Sur notre perception à tous les niveaux, physiologiquement etc.
A.K. : Prenez-vous aussi en compte cette idée de soin, de bien être, de réaction de la personne ?
Nath. JP. : Dans chacune de mes installations créées in situ, je viens chercher effectivement, dans le lieu même, quel est le concept de l’œuvre, ce que je vais amener, qu’est-ce que je vais offrir comme nouvelle expérience à vivre pour les visiteurs.
Parfois c’est une sensation de bien-être, parfois c’est un aussi un vertige visuel comme au Bauhaus ou une idée de nager plus vite comme dans la Piscine de Pontoise ou bien au contraire des lieux qui plongent dans l’endormissement ou en tout cas dans un état de ralentissement comme à Montréal dans une patinoire pour la nuit blanche.
Chaque fois c’est le lieu qui va évoquer un concept. C’est donc de nouvelles recherches aussi pour moi puisqu’il n’y a pas de mode d’emploi. Ce qui engendre aussi le fait que lorsque les œuvres ne sont pas permanentes, les commanditaires ou les visiteurs pensent qu’ils ne peuvent plus vivre autre chose puisqu’ils l’ont vécu. Il y a quelque chose de très attachant, c’est une expérience.
A.K. : Dans le second acte de l’exposition vous présenter votre premier travail en verre.
Nath. JP. : Dans l’acte I, étaient présentées des aquarelles qui sont comme des études de sculptures en verre que j’ai réalisées entre temps au mois de mai au Cerfav près de Nancy. Chacune de ces œuvres possède la même forme, une forme galénique. Chacune de ces œuvres est un tout, il y a un dedans et un extérieur. Il y a un vide à l’intérieur que je montre, que je laisse apparaître.
Et sur la longueur de cette forme galénique on retrouvera des chromatiques, soit une double chromatique… mais le plus souvent, il y a trois couleurs voir quatre qui viennent tout en fluidité, que j’a émaillé.
Le verre est une matière très proche de la lumière puisqu’il est à la fois brillant, transparent et prend bien sûr très bien la lumière. Ces œuvres se font aussi traversées par la lumière quel qu’elle soit, lumière du jour ou artificielle et l’ombre colorée va déborder de l’œuvre. On retrouve donc encore un point commun dans mes œuvres lumineuses où effectivement l’œuvre se déploie puisque la lumière n’a pas de limite et que les ombres sont colorées.
A.K. : C’est la première fois que vous travaillez le verre ?
N. JP. : Oui. C’est une idée du galeriste Baudoin Lebon. J’avais déjà travaillé le verre mais des verres à plat qui se posent contre un mur et sous lesquels il y a des tubes fluorescents qui redonnent la lumière. Là se sont des volumes, des sculptures.
A.K. : Le verre vous a-t-il paru compliqué par rapport aux autres matières que vous pouvez travailler ?
N. JP. : Effectivement, j’étais un petit peu face au néant car c’est la première fois que je travaillais le verre de cette manière. Je me suis posée beaucoup de questions. Finalement, j’ai trouvé ça beaucoup plus facile que ce que j’imaginais même en rapidité d’exécution. Et pour l’émaillage, j’ai appris à émailler, cela m’a rappelé l’aérographe qui est une technique que j’ai apprise pendant mes études aux Beaux-Arts à Nantes. Tout à coup je me suis servie de ce pistolet à pression comme si j’avais toujours fait cela !
A.K. : Combien y a t’il de pièces au total ?
N. JP. : Il y a huit pièces et j’ai encore dix-huit pièces à réaliser. Cinq sur ce même modèle de forme galénique et les treize autres auront une forme oblongue, une forme plus généreuse. Ce sera un deuxième volet que je montrerai dans la galerie ou ailleurs, avec Baudoin Lebon en tout cas.
A.K. : Vous travaillez sur un projet pour la Maison Louis Carré à la rentrée ?
N. JP. : Oui, je prépare un projet dans cette maison construite par Alvar Aalto architecte finlandais dont c’est la seule architecture en France. Je vais donc exposer à l’intérieur de la maison après avoir, il y a trois ans créé une installation de lumière à l’extérieur sous forme d’exposition.
Cette fois ci je vais créer des installations et des œuvres de lumière en regard à cette architecture, cette maison qui est celle du galeriste et collectionneur Louis Carré. Cette maison qui semble encore habitée puisque les meubles sont en place, les placards nous montrent la garde-robe de Madame mais également de Monsieur. Il s’agit de pénétrer dans cette maison depuis l’entrée puis dans le salon, de se diriger vers le salon puis la salle à manger, les chambres ou la cuisines ou inversement et de découvrir chaque fois une installation in situ, une œuvre de lumière.
La plupart vont être visibles de jour mais la nuit d’autres seront visibles dans une temporalité différente. En plus de ces œuvres lumineuses, le visiteur va trouver d’autres œuvres de différents médiums. Des photographies, des dessins, de nouvelles serpentines. Toutes ces œuvres en lien, bien sûr, avec la maison elle-même. L’exposition s’appelle « Solaire ».