L’oeuvre de Mustapha Azeroual semble toute entière déployer les caractéristiques étymologiques du verbe « photographier » : écrire avec la lumière. Pourtant, plus qu’écrire « avec », Mustapha Azeroual écrit « sur », sculpte « dans », réfléchit « à partir de » la lumière. L’artiste interroge, par la réappropriation de techniques pionnières de l’histoire de la photographie – gommes bichromatées comme dans les séries « Ellios » et « Radiance », daguerréotypes comme « Echo »… – et leur confrontation avec les enjeux de la sculpture et de la vidéo, l’essence même d’un médium. Tout son travail consiste en une expérience immersive de la photographie comme modélisation lumineuse ainsi qu’on le note dans l’oeuvre tridimensionnelle Echo 1,2,3 ou encore dans l’installation vidéo « Présance ». On ne s’étonnera donc pas de trouver comme jalon conceptuel de sa démarche la phénoménologie, étudiant les liens entre l’espace, la lumière et la perception et que relaient ses images en réseau lenticulaire. Le photographe se révèle aussi l’héritier des partispris de la Generative Fotografie avec ses jeux de liaisons formelles qui reposent sur l’évolution logique et précise d’une image-patron cherchant son unité dans la série. Abstraite, rigoureuse et radicale en ce qu’elle refuse le motif figuratif et valorise un certain protocole, l’oeuvre de Mustapha Azeroual est aussi une fugue vers le sensible. Comme dans la musique contrapuntique, elle se fonde sur l’entrée et le développement successif de thèmes selon un principe strict de variation qui donne l’impression que chaque image fuit ou en poursuit une autre. L’épure des sensations convoquées par son travail qui bâtit avec la lumière autant qu’il l’habite poétiquement invite à prendre conscience de cette harmonieuse instabilité de la vision.
Héloïse Conésa – Conservatrice du patrimoine, en charge de la collection de photographie contemporaine à la Bibliothèque Nationale de France.