Michaële-Andréa Schatt, Paris, galerie Isabelle Gounod. Du 29 août au 10 octobre.

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Michaële-Andréa Schatt, Paris, galerie Isabelle Gounod. Du 29 août au 10 octobre.

Michaële-Andréa Schatt propose un merveilleux voyage dans sa cabane mentale où elle a invité l’artiste britannique Derek Jarman décédé en 1994. Son célèbre jardin, ses livres, ses films et son dernier long métrage intitulé Blue imprègnent les dernière oeuvres de l’artiste à la galerie. Sur des fonds gris métallisés, des bleus subtils se conjuguent et s’entremêlent dans l’écriture mémorielle, hybride et tissée de Michaëla-Andréa Schatt. Méditation. 

Et interview. 

 

Anne Kerner : Comment avez-vous conçu cette exposition ? 

Michaële-Andréa Schatt : J’ai visité le jardin de Derek Jarman il y a une dizaine d’années et j’ai été frappée par ce lieu totalement improbable sur une plage de galets au bord de la mer, face à une centrale nuclaire. Il m’avait beaucoup touché. Je viens du paysage et l’idée du jardin me plaît beaucoup. J’ai été surprise par la lumière grise, le gris du ciel, le gris des galets, le gris de la mer. Ce gris métallique, resté dans mon souvenir,  est devenu dans cette exposition la base de mes toiles, une base continue comme en musique, me permettant d’avoir une liberté totale par rapport à ce que j’avais envie de raconter. 

 

A.K. : Qu’avez vous regardé chez Jarman ? 

M-A. S. : Je ne suis pas du tout dans l’illustration, je ne peins pas d’après ses oeuvres, mais celles-ci me parlent et je le dis. J’ai regardé son jardin et ensuite les films qu’il avait réalisé, Sebastiane, Caravaggio,…,  Wittgenstein et j’ai lu les textes de ce dernier sur la couleur. J’ai trouvé aussi dans une librairie les carnets de notes de Jarman qui m’ont inspiré des oeuvres très théâtrales, comme des mélanges d’herbiers, de grotesques italiennes, de masques vénitiens. Dans son jardin, il y a aussi des objets de récupération : il participe donc à la fois du minéral et du sculptural. Du coup, mes tableaux absorbent ces lignes verticales et horizontales très japonisantes qui révèlent aussi du tissage et des trames. Jarman noue justement du lien entre la musique, le cinéma et la littérature. 

 

A.K. : Outre le fond gris, le bleu domine dans cette série…. 

M-A. S. : Parallèlement à cela, j’ai découvert son dernier film qui s’appelle Blue (1993). Comme il était atteint du sida, il avait une dégénérescence maculaire et voyait tout en bleu. Il a fait un film monochrome bleu Klein, donc sans images, et a enregistré sa voix et les voix de ses proches. C’est comme un objet de méditation. Ce film m’a beaucoup aidé alors que je peignais pendant le confinement. C’était comme une voix off.

 

A.K. : Vous avez crée ce que vous appelez une « cabane mentale »… 

M-A. S. : J’ai découvert aussi le dernier livre Derek Jarman intitulé « Chroma »(1994), où il raconte ses souvenirs liés à la couleur, et aussi, ce qui est passionnant, ceux liés aux couleurs des alchimistes. J’ai beaucoup travaillé autour de l’histoire des pigments, j’aime les dessous de la peinture, ses processus. J’aime savoir comment les gens travaillent, comment on peut tisser une relation avec le visible, en jouant avec l’écriture, la musique, le cinéma. Comment à partir de trois bouts de ficelles on construit une cabane mentale et comment on la montre. C’est très important car cette cabane m’autorise à parler de toutes ces inspirations multiples, un espace complexe, une sorte d’hybridation. Je cherche toujours à ce qu’il y ait une tension.

 

A.K. : Vous avez réalisé également des céramiques. Quelles sont les différences entre la céramique et la peinture ? 

M-A. S. : Dans la peinture, il y a un travail lié à la solitude de l’atelier et à la méditation. Dans la céramique, je n’ai pas de four, donc je suis obligée de me rendre chez une céramiste, de partager une pratique, ce qui m’apporte énormément. La céramique est beaucoup plus dans l’altérité. Le geste n’est pas le même, non plus. La peinture reste liée à la temporalité, un  temps long, alors que la céramique est plus dans l’immédiateté. 

 

A.K. : Qu’aimez-vous justement dans la peinture ? 

M-A. S. : J’aime sa vibration. Plus on rentre dans le détail, plus le détail irradie sur la totalité du propos. J’essaie de traduire une expérience de vie et une expérience de perception. Livrer une image incarnée d’un ensemble de choses. C’est toujours la même idée de la cabane mentale. Qu’emmène t-on avec soi ? 

 

Galerie Isabelle Gounod, 13 rue Chapon 75003, Paris. Tel : +33 (0) 148 040 480