Si les deux artistes françaises ont déjà exposé ensemble dans « Le sens de la Peine », à Nanterre, en 2016, explique Barbara Polla, elles exposent pour la première fois en un double solo à Analix Forever, en ce printemps 2021. Un double solo naturel, tant les préoccupations intellectuelles et artistiques de Rachel Labastie et de Laure Tixier sont proches, même si les matières, les tailles et les formes diffèrent : pour Rachel Labastie, la terre crue et le four, la porcelaine et les camées ; pour Laure Tixier, l’aquarelle, la mousseline de soie, les galets et les ronces.
Visite de l’exposition à la galerie Analix Forever avec Barbara Polla.
Barbara Polla : « A l’occasion de l’exposition « Journey to Freedom », je pouvais inviter deux personnes à venir en Tasmanie. Rachel Labastie était l’une de ces deux personnes. C’est là qu’elle s’est inspirée d’une certaine façon pour ce travail. Ses camés sont un hommage aux femmes reléguées en Guyane, fin du 19è siècle et début du 20ème siècle. Il s’agissait de femmes récidivistes qui commettaient trois fois un larcin mineur, un vol, la prostitution, et étaient envoyées en Guyane. On connait le bagne en Guyane pour les hommes mais on ne sait pas que ces femmes allaient en Guyane en prison où elles étaient surveillées par des religieuses. Et quand elles en sortaient, c’était dans le but de peupler la Guyane : c’était une sorte de double peine.
Il n’y a pratiquement aucun souvenir, aucune image de ces femmes à part des lettres qu’une documentariste vidéaste à retrouvé. Donc Rachel Labastie a souhaité leur rendre un hommage qui sera à son apogée à l’Abbaye de Maubuisson en automne 2021. Ici, dans cette exposition à Genève, il s’agit de la première monstration de ce travail. Ces oeuvres sont en porcelaine, et dans les camés, les portraits sont intégrés par des techniques de cuissons et de transferts. Mais ce ne sont pas les portraits de ces femmes envoyées en Guyane puisque nous n’en avons pas. Donc, Rachel Labastie s’est intéressée aux archives de la police nationale à Paris, et aux femmes emprisonnées en ce temps-là, qui était aussi le moment où la photographie anthropométrique à commencé à prendre de l’essor. On disait : « si on est comme ça, on est forcément une criminelle ». Il s’agit de la première série d’un engagement qui remonte à trois ans, et Rachel est loin d’être au bout.
Je présente en même temps le travail de Laure Tixier. Elle s’est intéressée non pas aux femmes détenues mais aux enfants. D’une part aux filles qui allaient chez le bon pasteur quand elles devaient être emprisonnées, et les garçons qui allaient dans des colonies pénitentiaires, soit maritimes, soit à la campagne comme à Mettray où était enfermé Jean Genet et d’où il a beaucoup écrit. Il disait « on est gardés par des fleurs » et qu’il était beaucoup plus difficile de s’évader d’un champ de fleurs qu’en sautant directement d’un mur. À Belle-Île en mer, il y avait donc ce pénitentiaire pour garçon jusqu’il y a peu de temps. Les garçons punis avaient deux tâches principales, ramener de la plage des sacs de sable et de galets. Laure a donc fait cette sculpture. Elle a prit des galets de Belle-Ile en mer et a gravé dessus ce vers magnifique de Jean Genet puis les a travaillé avec la feuille d’or : «Il se peut qu’on s’évade en passant par le toit ». Et puis, ici il y a des cordes, parce que les enfants travaillaient très dur dans ces colonies pénitentiaires. Ils faisaient notamment des cordes. Lorsque l’on se penche sur les oeuvres, on voit l’extrême finesse de l’aquarelle de Laure Tixier qui représente les noeuds des cordes.
L’enfermement
Ce qui lie les deux artistes, c’est véritablement l’extrême difficulté technique. C’est-à-dire que pour arriver à cuire, mettre au four, sortir du four… jusqu’à arriver à ce résultat-là, en terme de céramique, porcelaine, c’est extrêmement difficile pour Rachel Labastie. De même pour la technique de l’aquarelle de Laure Tixier qui est d’une minutie extrême. Nous avons beaucoup parlé avec Laure et Rachel de cette question de l’enfermement et de la liberté, et comment pour les artistes, d’une certaine façon, leur enfermement dans leur solitude, dans leurs techniques très difficiles, c’est en réalité leur liberté. Il y a cette sorte de dualité constante, surtout pour les artistes ».RACHEL LABASTIE – LES ELOIGNEES – 3 OCTOBRE 2021- JANVIER 2022 – ABBAYE DE MAUBUISSON, FRANCE – VERNISSAGE LE 2 OCTOBRE 2021
A l’automne
RACHEL LABASTIE – LES ELOIGNEES – 3 OCTOBRE 2021- JANVIER 2022 – ABBAYE DE MAUBUISSON, FRANCE – VERNISSAGE LE 2 OCTOBRE 2021
RACHEL LABASTIE – LES REMEDIES#2 — 15.10.21 – 13.02.22 – MUSÉE ROYAL DES BEAUX-ARTS DE BRUXELLES – VERNISSAGE LE 15 OCTOBRE 2021
FEMMES GUERRIERES /// FEMMES EN COMBAT – SEPTEMBRE 2021 – TOPOGRAPHIE DE L’ART À PARIS – VERNISSAGE LE 15 SEPTEMBRE 2021