Delphine Dumont, directrice du Hangar Art Center Gallery à Bruxelles et son équipe ont réalisé une exposition magistrale de l’oeuvre de l’artiste japonais Aki Kuroda. Sur les 1000 m2 qu’offre le lieux sur trois étages, ils ont inventé ensemble, avec l’artiste resté dans les lieux trois semaines, une exposition hors norme, à la fois historique avec des oeuvres anciennes de très grand format au rez de chaussée et toutes récentes car créees dans l’année au second et troisième étage. Intitulée « De Cosmogarden à Cosmojungle », le visiteur découvre la planète Aki, aux inimitables teintes noires, blanc et gris, où s’amuse le couleurs primaires des rouges, bleus, jaunes, verts. Et le parcours de l’exposition montre l’évolution de l’oeuvre de Kuroda qui part de ses immenses toiles très simples, très pures où l’on reconnait la silhouette qui l’a rendu célèbre de par le monde à ses oeuvres devenues beaucoup plus libres, où se mélangent tous les personnages de son enfance, Alice au pays de merveilles, le Minautore, le lapin, l’éléphant… Ici tout bouge et rien ne dérange dans un dialogue de visages, de morceaux d’abstractions, de gestes libres, des gestes qui forment une figure… Ici encore la liberté s’affirme car Aki aime retravailler ses toiles en y rajoutant une nouvelle petite toile qui remet toute l’oeuvre en question. Ailleurs, il dessine sur les murs ses « dessin automatiques » d’où naissent des mangas de toutes sortes.
Ici la gaité règne en maître. Le pinceau est joyeux même s’il délivre souvent des messages sur les constats de notre société. Aki Kuroda a trouvé le langage plastique pour livre au monde son regard. C’est grave. Certes. Mais c’est surtout merveilleux et joyeux.
Aki Kuroda entraîne le spectateur dans un voyage dont il ne revient pas indemne. Condamné à une renaissance. A une descente dans les ténèbres pour mieux en ressortir. Vivant. Lavé. Purifié. Pour le passage vers un autre monde. Où règne cette « Unheimlichkeit » dont parlait Freud. Avec une œuvre qui vacille sans cesse sur le fil du rasoir entre un Orient et un Occident. Pour aller bien plus loin. Au-delà de l’homme, de la terre, du cosmos qu’il peint, sculpte, « installe », aime et malmène dans ses performances. Aki Kuroda crée une œuvre comme un être venu d’une autre planète. Celle d’un nomade qui ne cesse de parcourir le monde pour mieux s’en rassasier. Venu d’une île pour s’emparer d’une autre. Parti du Japon pour la France pour mieux s’imprégner de la Grèce. De cette terre mouvante et instable qui ressemble tellement à la sienne. Chaos, tremblements, séismes, secousses, noyades… Mais, en visionnaire de notre siècle, Aki Kuroda aura quitté la terre. Nourri par ses amitiés avec les plus grands philosophes, physiciens et astronomes de notre temps, ses œuvres en deux, trois, voire « quatre » dimensions, symbolisent un jardin, un espace où tout se mêle et s’entremêle. Le dedans et le dehors. La plus profonde intériorité de l’âme à l’immensité cosmique. Dans ce maelström, entre microcosme et macrocosme, où se mélange encore passé, présent et futur, Aki Kuroda a beaucoup planté pour laisser naître une jungle où tout bouge et vacille. De l’imminence du désastre naît l’extase. Dans le Monde du labyrinthe, du Jardin sacré d’Aki Kuroda. COSMOS. Anne Kerner.