C’est juste. Juste le fil de la fragilité de l’être que tend Gaëlle Chotard entre ses oeuvres. Juste cette vie ténue qu’elle ose et surtout arrive à livrer de ses mains éblouies. L’artiste on l’a compris travaille l’infime des possibles. Et la voilà qui tisse, troue, crochète et suspend. Quoi ? Des gaines métalliques et des cordes de piano ! Elle n’en peut plus ainsi de jouer entre la dilatation et la tension. Et le visiteur se retrouve dans un espace merveilleusement poétique où se dégage des murs des noeuds lymphatiques ou des météorites dont les ombres créent un véritable et si léger ballet sur les murs. L’oeuvre de Gaëlle Chotard tient de l’exploration et de l’expérience. Elle montre la vie dans sa plus grande simplicité. Et c’est immense.
Pour Drawing Lab, dans la première salle, Gaëlle Chotard a réalisé une installation spécifique pour le lieu : la trame, commencée à l’atelier, a été finalisée sur place afin d’expérimenter la spontanéité offerte par le dessin et la compréhension de l’espace.
« Sauras-tu jamais ce qui me traverse Ce qui me bouleverse et qui m’envahit Sauras-tu jamais ce qui me transperce Ce que j’ai trahi quand j’ai tressailli »*
Elle a développé ainsi un jeu entre la structure initiale et le hasard, des noyaux fragilisés, des lavis déchirés, les uns entrant en résonnance avec les autres.
Contemporaine, la structure de cette installation est réticulaire ; un ensemble de points reliés entre eux par des liens visibles ou pas, comme des clignotements. L’art serait un « dynamogramme » pour reprendre l’expression d’Aby Walburg, c’est-à-dire une inscription programmée pour un voyage dans le temps. Et c’est ce temps, entre le scintillement syncopé d’une constellation et celui du contexte de notre perception qui nous ait donné à sentir ici.
Dans la seconde pièce, Il est question de dessin en volume et en tension mais cette fois placé dans le vide et dans l ‘obscurité, comme un théâtre d’ombres.
Enfin dans la troisième salle, est présenté un choix inédit de dessins et de lavis réalisés entre 2014 et aujourd’hui.
Que cela soit en deux et trois dimensions, dans ses dessins et ses installations, Gaëlle Chotard insuffle dans notre univers saturé, en plus de sa poésie, un potentiel, un souffle grâce à l’étonnement et l’émerveillement que nous avons face à quelque chose en train de naître.
En guise de conclusion, je tiens à remercier chaleureusement Gaëlle de son invitation à l’accompagner sur ce projet. Je souhaite qu’il provoque auprès des visiteurs autant de questions et de plaisir que nous avons eu à échanger et le réaliser. Nous adressons nos remerciements à Christine Phal, Ambre Cartier, Carine Tissot et toute l’équipe du Drawing Lab; Philippe Piguet; la galerie Papillon; une mention spéciale pour Aurélie Wacquant et son professionnalisme bienveillant; et enfin à Matthieu Gounelle, scientifique et chercheur de météorites au Museum d’Histoire Naturelle, dont la contribution à ce catalogue nous ait apparu comme une évidence. Valentine Meyer
* Louis Aragon « Le Fou d’Elsa », Paris, Editions Gallimard, 1963.
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