Le Frac PACA de Marseille, le Château de Tarascon, l’Espace pour l’art d’Arles… Trois espaces radicalement différents par leur architecture, leur échelle et leur histoire, investis individuellement, via une scénographie propre reposant sur des jeux d’associations et de confrontations entre les œuvres.
Chaque lieu laisse ainsi à voir le processus créatif et les sources d’inspiration de Françoise Pétrovitch, devient le rêve d’un imaginaire singulier révélant ses affinités et ses obsessions où l’étrange, le merveilleux et l’animal cohabitent dans des paysages hybrides habités de présences humaines délicates et angoissantes, ambivalentes et silencieuses.
« S’absenter »
Exposition au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur – Marseille Du 2 juillet au 30 octobre 2016
Vernissage vendredi 1er juillet à 18h
L’exposition « S’absenter » au Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur présente un ensemble de plus de 110 œuvres (43 peintures, 3 vidéos, des céramiques, bronze, faïence et dessins) dont de nombreuses pièces récentes et pour certaines encore jamais exposées. Au Frac, Françoise Petrovitch dévoile pour la première fois l’étendue de sa pratique de la peinture, qui a pris un espace de plus en plus important dans son œuvre jusqu’ici majoritairement associé au dessin et à la céramique.
Paysages, portraits, gestes… avec la peinture, les formats s’agrandissent, s’étirent, mais l’ensemble de l’œuvre reste sous-tendu par les mêmes questions : celles du double, de la cruauté, de l’adolescence dans ce qu’elle annonce de la vie. La peinture, comme zone de transformations possibles, accueillant ce qui est en devenir.
« Dans les œuvres de Françoise Pétrovitch, il y a des personnages, très jeunes, entre l’enfance et l’adolescence, il y a des animaux, il y a des oiseaux, beaucoup d’oiseaux, de petits oiseaux fragiles, morts ou blessés parfois, et des oiseaux puissants, surdimensionnés, au regard perçant, indifférent.
Les formats vont de petites peintures à de très grandes toiles, les lavis sur papier peuvent être aussi très grands. Il faut dire que l’échelle varie beaucoup, tout peut grandir magiquement ou se réduire tout à coup. Dans les sculptures en bronze, de menus enfants s’hybrident de formes animales gigantesques. Les céramiques, plus petites – des oiseaux morts, des gants vides – ont des formes indécises, comme abandonnées.
À la surface des peintures, tous les motifs sont en circulation fluide : ils traversent d’une oeuvre à l’autre, d’un médium à l’autre, d’un plan à un autre. Les oiseaux, par exemple, passent devant, passent derrière, passent à travers les personnages, ou se perdent presque dans un tracé en filigrane. Parfois ces motifs en migration ne sont que d’opaques taches de peintures flottant devant les personnages. Dans une vidéo très liquide, le montage scandé des lavis se reflète en échos tremblés, troublés, comme à travers une larme. À l’oeuvre aussi, la fluidité, dans les choix et les décisions : l’artiste travaille avec la peinture à l’huile, avec le lavis, qui agissent selon leurs lois à la surface de la toile et du papier et lui proposent des métamorphoses.
Françoise Pétrovitch tente un équilibre labile entre la présence de la peinture, de l’encre, de la toile ou du papier, leurs matérialités certaines, et une forme d’absence que jouent les manques et les réserves blanches dans les lavis, les trouées et les enchevêtrements de formes qui délient, aèrent l’image peinte. Les jeunes personnages se dérobent dans une évasion intérieure, une fuite immobile. Leurs corps poreux sont criblés d’images mentales, de rêveries, la doublure de leurs paupières tatouée d’apparitions flottantes. Leurs regards se détournent, s’absentent. Ils s’absentent et nous laissent leur corps, leurs vêtements bariolés qui les illustrent, leurs yeux clos ou perdus dans le vague, leurs mains vacantes, inoccupées. Ils se laissent faire, se laissent coiffer. Ils s’oublient dans leur cachette pendant que les autres les cherchent, se retirent derrière un masque, sous une géante tête animale. Ils ne jouent plus, sont fatigués de jouer, ou devenus trop grands pour ça. Chacun est une île. » Marie-Christine Gayffier (2016)
« Verdures »
Exposition au Château de Tarascon – Centre d’art René d’Anjou Du 3 juillet au 30 octobre 2016
Vernissage samedi 2 juillet à 11h30
En 2013, le Château de Tarascon – Centre d’art René d’Anjou présentait les sculptures Ils et le Lapin Témoin de Françoise Pétrovitch dans le cadre du projet collectif Ulysses, itinéraire d’art contemporain (Marseille-Provence 2013), en partenariat avec le Frac Provence-Alpes-Côte d’Azur (Marseille). Cette année, le monument accueille une exposition monographique de l’artiste, Verdures, qui présente un ensemble de pièces récentes – peintures et dessins de grand format, céramiques et installations vidéo.
La proposition de Françoise Pétrovitch s’est construite autour du dialogue création contemporaine-architecture-patrimoine et se déploie dans les appartements du château de Tarascon, l’une des plus belles forteresses moyenâgeuses d’Europe.
Les personnages-paysages de Françoise Pétrovitch évoquent les décors des verdures médiévales, ces tapis enchanteurs qui paraient les chambres des princes d’Anjou-Provence.
Êtres humains, arbres, plantes et animaux se mêlent et se métamorphosent constamment, de salles en salles. Les œuvres sont ainsi reconnectées à ce cadre prestigieux, labyrinthe étrange où le merveilleux a toute sa place. Les pièces du monument se transforment, peuplées de sculptures étranges et magnétiques (Le Renard du Cheshire, Ventriloque, Janus, Lapin Témoin).
Les peintures explorent les contrées intérieures de l’adolescence, dans un entre-deux poétique où animaux et êtres humains s’entremêlent. Les vidéos plongent le visiteur dans des états tantôt hypnotiques (le Loup et le Loup), tantôt méditatifs. Toutes ces œuvres soulignent la force et la justesse du parcours d’art contemporain proposé dans ce monument d’exception.
« Iles »
Exposition à l’Espace pour l’art – Arles Du 4 juillet au 6 août 2016
Vernissage samedi 2 juillet à 16h
Dans la galerie « L’espace pour l’art » à Arles, deux îles se font face (Île, 2015 et Île, 2016), deux lavis d’encre sur papier de grandes dimensions (160 x 240 cm). Elles sont toutes les deux à fleur d’eau et dans le miroir liquide sur lequel elles semblent flotter, leur image inversée, les vapeurs verticales et tremblées, accentuent l’impression d’une atmosphère à la fois paisible et aérienne mais légèrement inquiétante et pour la deuxième peut-être plus encore que pour la première, presque méphitique. Elles sont sans doute issues d’une même famille – ou série – mais elles ne se ressemblent pas car leurs formes autant que leurs couleurs les distinguent assez nettement l’une de l’autre. En bronze et céramique une petite statue les accompagne, également présentée comme une « Ile » (2015) au sommet de laquelle un petit animal est posé. On ne sait pas d’où il vient, comment il est arrivé là, ni si il s’y est réfugié et pourquoi.
Les îles, les animaux, les êtres humains, surtout des enfants, peuplent les dessins de Françoise Pétrovitch et quel que soit le média qu’elle emploie, ce sont toujours des dessins qui sont à l’origine de l’œuvre. Dans les « Îles » dont il est ici question, les coulées de peinture, malgré l’arrêt sur image, continuent de glisser sur le papier, se faisant et se défaisant lentement, vers un ailleurs improbable, peut-être vers d’autres mirages au loin qui pour finir les absorbent ; tandis qu’au premier plan du miroir, les îles comme une avant- garde épanouie mais pourtant vouées à se dissoudre, n’en veulent rien savoir.
Ce sont des histoires et légendes de marins qui rôdent dans ces parages, celle du « Fliegende Höllander » sans doute et tout autant des îles mystérieuses, aussi ensorcelantes, attrayantes et redoutables que les récifs et les chants des sirènes. Dans un autre registre, on pense à Nerval, au symbolisme, à des mondes parallèles et aux premiers matins du monde comme aux derniers, et le faon sur son modeste pli de terrain peut venir aussi bien de l’un que de l’autre mais s’en tenant toutefois à bonne distance, attentif et vigilant. Il n’y a ni humains, ni animaux dans ces îles et elles ne sont pas le site de rapports entre eux, si fréquents et de tellement de manières dans l’oeuvre de Françoise Pétrovitch. Rien que l’eau, le ciel, l’horizon et une « terre » hiératique dans un espace inconnu.
Françoise Pétrovitch expose aussi cet été à Vence :
À la lumière de Matisse
Françoise Pétrovitch
24.06.2017 – 31.12.2017
Musée de Vence