Les Amis Des Artistes, LADA, soutien à la création artistique.

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Les Amis Des Artistes, LADA, soutien à la création artistique.

Historienne d’art, commissaire d’exposition, professeur , critique d’art, écrivain, Isabelle de Maison Rouge a crée pendant le premier confinement un collectif qui met en relation directe l’amateur d’art et l’artiste, LADA, Les Amis Des Artistes. Un projet solidaire nécessaire en pleine crise sanitaire. Interview.

 

En tant que critique d’art engagée, comment ressentez-vous la crise actuelle ?

Cette crise, à la fois sanitaire, économique et même culturelle nous force à nous adapter. D’une part les médias nous parlent sans arrêt des métiers qui semblent en souffrir le plus, d’autre part lorsque l’on s’intéresse au milieu de la culture on oublie bien souvent les arts plastiques. Pour quantité de raison sans doute. Mais aussi parce que dans ce milieu de l’art nous sommes tous des indépendants : artistes-auteurs, critiques, commissaires d’expo, conférenciers, médiateurs, intervenants dans des structures très légères et même les galeries qui sont des PME bien souvent tenues par une seule personne ou une équipe très réduite… aussi, sommes tous très habitués à la précarité et donc lorsque l’on considère notre travail comme non essentiel nous sommes touchés en plein cœur ! Nous savons également nous adapter aux temps de crise et trouver des ressources en nous soit pour faire le gros dos et attendre la fin de l’orage, soit nous réinventer et trouver d’autres voies. C’est une grande capacité qui fait à la fois notre force et notre faiblesse.

Le mot catastrophe vient du grec ancien καταστροφή, katastrophếqui indique « renversement », j’y perçois une faculté à voir sous un autre angle à renverser donc notre façon de voir et sans doute de nouvelles et belles idées vont en surgir. C’est en tout cas ce que l’art propose toujours. Et sans doute de nouvelles pratiques vont surgir et vont faire place aux vieilles habitudes qui parfois ont conduit à des comportements aberrants, je pense à la culture du chiffre qui était devenue plus importante que la culture elle-même (prix astronomiques de certaines œuvres, multiplication des foires et biennales où se retrouvent toujours les mêmes pièces, explosions du nombres de gens se considérant comme collectionneurs et qui accumulent les cartes VIP des foires, chiffres des entrées des expositions qui conditionnent les programmations..) Sans doute ce basculement soudain et ce retournement de sens va permettre justement un retour du sens, le bling bling, j’espère, va laisser la place à une réflexion plus en profondeur dans ce milieu.

 

Comment est née le projet solidaire #lesamisdesartistes ?

Durant le premier confinement dans la situation sanitaire que nous connaissons, il m’est apparu essentiel d’initier, dans un élan de solidarité citoyenne, un projet permettant de soutenir la création artistique et d’aider les artistes pendant cette crise qu’ils traversent, puisque comme tout le monde, ils sont confinés dans ou hors de leurs ateliers, sans ressources régulières avec des aides de l’état très complexes en raison des critères d’éligibilité, sans possibilité de vendre leurs œuvres dans les mois qui viennent mais devant assumer leurs charges habituelles. J’ai lancé une série de mails autour de moi pour trouver des amis qui voulaient se lancer avec moi dans une telle aventure.

 

Quel est son but ?

Son but est double d’une part de permettre aux artistes de vendre via les réseaux sociaux ou à défaut en tout cas d’avoir une visibilité dans cette période étrange où toutes les programmations se trouvent décalées voire stoppées net. Le deuxième objectif contenu dans le premier est d’inviter les artistes qui vendent à faire un acte de solidarité vers d’autres artistes qui n’ont pas cette chance. Les Amis Des Artistes (LADA) a soulevé une grande vague de solidarité. Cette initiative a déclenché un engouement individuel et collectif et a bénéficié d’un large écho. Elle a permis à des artistes, émergents, reconnus ou établis de vendre des œuvres en direct par l’intermédiaire des réseaux sociaux et dans le respect des règles du marché de l’art. Enfin notre désir est d’inciter les amateurs d’art à acheter des œuvres de manière très simple et spontanée, d’abord parce que cela est essentiel (quoiqu’on en pense) de vivre entouré d’art et aussi parce cela permet réellement et bien concrètement à des artistes de continuer de créer et produire même dans cette période. Nous avons mis au point un système très simple et transparent d’un cercle vertueux. Les prix des œuvres sont fixés, par les artistes, en concertation avec les galeristes, ou agents d’artistes, pour ceux qui sont représentés par des professionnels du marché de l’art. Tout se passe sur Instagram. Sur son propre Instagram l’artiste poste au rythme qu’il souhaite 3 œuvres durant la durée de l’opération (dont une à moins de 500€) et par le jeu des # les pièces apparaissent sur le fil de notre Instagram Les Amis Des Artistes. Pour rendre une vente effective, l’acheteur prend contact directement avec l’artiste et s’accorde avec lui pour lui verser 70 % du montant du prix annoncé, les 30% restants sont versés sur le site dédié à l’adresse de la cagnotte organisée par LADA par l’acheteur directement.

 

Soutient-il des artistes en particulier ? Les artistes femmes par exemple ?

Lors du confinement de ce printemps, quatre associations ont bénéficié des fonds récoltés. Nous avons mené une action déclinée en quatre opérations dont les organismes bénéficiaires ont été : la Fonds de soutien Antoine de Galbert, le Bureau d’Aide sociale de la Maison des Artistes, le FIMAC avec le lieu de création 100ecs etl’association ARTAGON. Pour cette nouvelle campagne, qui se déroule sur une courte période jusqu’au 22 Novembre, les sommes collectées seront versées à l’Association des Amis du National Museum of Women (NMWA), pour soutenir les initiatives du projet Urgence Artistes Femmes (UAF). Celui-ci a pour mission d’encourager en France la créativité et d’amplifier la visibilité des femmes artistes, qui travaillent hors des structures professionnelles traditionnelles.

 

Comment fonctionne t-il ?

Notre action de solidarité et de citoyenneté, fonctionne pendant les périodes de confinement. Le « modus operandi » demeure le même chaque fois, tout est clairement décrit sur notre site et sur notre instagram nous postons des éléments pour guider les artistes qui ne sont pas très familiers de ces réseaux sociaux. Notre principe repose sur une reponsabilisation de l’artiste comme de l’acheteur, nous ne sommes que des facilitateurs qui permettent la mise en réseau et en contact. Nous sommes un collectif à taille variable selon les disponibilités et l’envie de s’engager des uns et des autres, lors de LADA 1 nous étions sept et pour LADA 2 nous sommes cinq. C’est un véritable engagement de la part de toute l’équipe bénévole… mais, de ce fait, nous ne pourrons aller au-delà de certaines limites.

 

Comment peut-on le soutenir au plus près ?

En relayant auprès des artistes, des collectionneurs, des amateurs d’art…

 

Comment ce projet peut évoluer ?

Ce second chapitre de l’histoire de LADA s’inscrit dans la poursuite des objectifs du collectif, guidé par son engagement et sa croyance indéfectible dans le principe d’intelligence collective, qui est au cœur de sa démarche. Nous réfléchissons à la suite à donner… d’autres actions ponctuelles sûrement, mais nous aimerions trouver peut-être un modèle qui se péréniserait à une plus grande échelle mais pour cela il nous faudrait des soutiens autres que nos propres moyens actuels. Nous aimerions surtout que notre action amène à repenser autrement les pratiques dans ce milieu de l’art en se recentrant sur le soin, l’attention et la bienveillance, ainsi que le soutien et la solidarité envers les plus vulnérables. Et même s’il s’agit d’une goutte d’eau nous préférons apporter notre appui comme le colibri de la fable, plutôt que de ne rien faire.

 

Outre le projet #lesamisdesartistes, comment tentez-vous encore d’agir, de réagir ?

Pour ma part à côté de LADA je poursuis mon travail en donnant comme prévu des conférences pour une association (Les Dits de l’art) mais en vidéo bien sûr, je termine l’écriture d’un ouvrage, je prépare toujours des expositions en attendant de voir si elles auront bien lieu et quand… et je continue de travailler au bureau de l’AICA de manière intense. Malheureusement je suis privée d’enseignement car mes étudiants américains sont restés outre atlantique et que NYU a mis ses professeurs au chômage partiel, et de ce côté-là, j’attends de voir si l’horizon s’éclairçit. Enfin il me semble que les pratiques critiques sont les nouvelles pratiques philosophiques et que l’écriture et, du même coup la lecture, reviennent grandement au centre des préoccupations et sans doute vont être perçues comme essentielles.

 

A lire d’Isabelle de Maison Rouge :

Le mythe de l’artiste : au-delà des idées reçuesLe Cavalier bleu, 2017

L’art contemporain au delà des idées reçues. Le Cavalier Bleu, Collection “Idées reçues”,
mars 2002 (réactualisé en 2006 et en 2013

Mythologies personnelles : L’Art contemporain et l’intime. Editions Scala, collection tableaux choisis 2004

 

« Les Amis Des Artistes » LADA : Sandra Matamoros (artiste), Louis-Laurent Bretillard (fondateur des éditions Tribew et sur salon numérique Trubulences), Valérie Delaunay (galeriste), Christophe Billard (Président des amis d’Item), Margaux Derhy (artiste) et Julen de Ajuriaguerra (Fondateur de Muse Square) et pour LADA 2 nous a rejoint Sylvia Beder (consultante en communication culturelle) tous passionnés par l’art contemporain et surtout soucieux de venir en aide aux artistes.