Mon cœur le plus chéri, je peux encore t’envoyer un adieu avant le départ du train. Je t’embrasse avec tout mon amour, que le ciel te protège et te donne de la force. Je t’aime et suis toujours auprès de toi, ton Otto. Otto Freundlich, Lettre à Jeanne Kosnick-Kloss, 4 mars 1943, jour de sa déportation au camp d’extermination de Sobibor
Du 18 février au 25 mai 2025, le Musée national Picasso-Paris nous convie à une expérience poignante avec « L’art dégénéré. Le procès de l’art moderne sous le nazisme ». Cette première exposition en France nous plonge dans l’obscurité d’une époque où l’art devient un champ de bataille idéologique, sous l’œil inquisiteur du régime nazi.
« Entartete Kunst », cette exposition de 1937 à Munich, se dresse comme un cri de révolte contre la créativité effrénée. Plus de 600 œuvres, des âmes vibrantes d’artistes tels qu’Otto Dix, Vassily Kandinsky, et Paul Klee, sont exhibées dans une mise en scène conçue pour provoquer le dégoût. Chaque tableau, chaque sculpture, témoigne d’une vision du monde réprimée, d’une beauté menacée.
Cette purge culturelle, qui débute en 1933, entraîne la confiscation de plus de 20 000 œuvres, dont les trésors de Vincent Van Gogh et Pablo Picasso, marqués du sceau de l’« artiste dégénéré ». Le terme de « dégénérescence », enraciné dans une vision raciste et antisémite, devient le vecteur de la destruction des avant-gardes.
À travers les échos de cette histoire tragique, l’exposition rend hommage aux voix étouffées. George Grosz, Oskar Kokoschka, et les artistes juifs, tels que Marc Chagall et Otto Freundlich, se dressent comme des phares dans la nuit. Chaque œuvre est une mémoire vivante, un souffle d’humanité face à l’obscurantisme, nous rappelant que l’art, malgré tout, demeure une lumière indomptable.