Antoni Tàpies aurait fêter ses 100 ans !
“Je crois que le langage du peintre, de la préhistoire jusqu’à l’heure actuelle, peut être aussi efficace, sinon plus, que celui des mots. Ses effets peuvent fort bien ne pas être analysés par la raison (encore qu’on puisse toujours le faire), et ils agissent quand même sur nous. Une exposition peut être – elle ne l’est malheureusement pas toujours – bien autre chose que ce à quoi beaucoup de gens croient qu’elle se limite : un endroit où on vend des tableaux. Aujourd’hui, une exposition peut être une manifestation d’une grande efficacité sur la société, au même titre qu’un pièce de théâtre ou qu’un meeting politique. “
Antoni Tapiès, “Mémoire, autobiographie”,Editions Galilée, 1981, p.415.De nombreuses expositions couvrent l’anniversaire de l’immense artiste catalan. Jusqu’au 7 janvier 2024 est présentée l’exposition ‘Antoni Tàpies. La Pratique de l’Art’ à Bozar (Bruxelles, Belgique). Elle sera ensuite montrée en version augmentée au Reina Sofía à Madrid, puis à Barcelone à la Fondation Tàpies. Pour célébrer le centenaire de la naissance de l’artiste, la Fundació Antoni Tàpies présentera un programme d’expositions, de publications, d’activités éducatives, d’événements et de projets de création et de recherche. Elle se déroulera sur une année, du 13 décembre 2023 au 13 décembre 2024. L’Année Tàpies soulignera l’engagement de la Fundació en faveur d’un examen approfondi de l’œuvre et de la pensée de l’artiste, à l’échelle nationale et internationale, tout en apportant des lectures actualisées et en ouvrant de nouvelles perspectives sur son travail
Tout au long de sa carrière, Tàpies a reçu de nombreux prix et distinctions, dont le Prix de la Fondation Wolf (1981), la médaille d’or de la généralité de Catalogne (1983), le Prix Prince des Asturies pour les arts (1990), la Médaille Picasso de l’UNESCO (1993) et le Prix Velázquez des arts plastiques (2003). En reconnaissance de sa carrière artistique, le roi Juan Carlos Ier lui a décerné le titre de marquis de Tàpies le 9 avril 2010.
Peintre, sculpteur, essayiste et théoricien de l’art espagnol d’expression catalane, Antoni Tàpies (1923, Barcelone – 2012, Barcelone) est considéré comme l’un des artistes espagnols les plus importants du 20e siècle et l’un des principaux représentant de l’Art informel.Artiste autodidacte, profondément marqué par les atrocités de la guerre civile espagnole, il décide de se consacrer à l’art aux débuts des années 1940 à la suite d’une grave infection pulmonaire qui lui impose deux années de convalescence durant lesquelles il peint et dessine tout en s’intéressant à l’histoire de la philosophie et à la musique romantique. Il est à l’origine d’une œuvre, où tradition et innovation se conjuguent dans un style abstrait non dénué de symbolisme, accordant une grande importance, et pertinence, au substrat matériel de l’œuvre. Dans son travail, le support matériel transcende son état pour signifier une analyse profonde de la condition humaine, non dénuée d’une dimension spirituelle. Antoni Tàpies a d’ailleurs publié plusieurs écrits magnifiques dont La pratique de l’art (Gallimard), L’art et ses lieux (Galerie Lelong) ainsi que La réalité comme art (Galerie Lelong).
Sa première exposition personnelle a lieu en 1950 à la Galerías Layetanas de Barcelone. Il se dirige alors rapidement vers l’abstraction et, bien avant l’Arte Povera, intègre des matériaux non académiques (matériaux organiques végétaux, débris de terre et de pierre) dans ses œuvres. À partir de 1953, il est un des premiers à donner ses lettres de noblesse au mélange des matériaux, ajoutant de la poudre d’argile et de marbre à sa peinture, utilisant le papier déchiré, la corde et des chiffons.
Dès le milieu des années 1950, sa renommée devient internationale et il participe à la Biennale de Venise en 1952. Son travail s’enrichit alors de références politiques qui prennent la forme de symboles et de mots écrits sur les supports. À partir des années 1970, il intègre dans ses œuvres des matériaux plus volumineux, tels que des pièces de mobilier. En 2000, il réalise l’affiche officielle des Internationaux de France de tennis et illustre le no7025 du journal Libération, daté du 13 et du 14 décembre 2003 avec onze œuvres originales ainsi qu’un alphabet complet de lettrines
Antoni Tàpies (1923-2012) aurait eu 100 ans le 13 décembre prochain. Quand il exposa pour la première fois au 13 rue de Téhéran, en 1967, à l’instigation de Jacques Dupin, il avait 44 ans. C’était un autre temps ; la censure existait encore en France, le film de Rivette La Religieuse était interdit de même que bon nombre de livres publiés par Pauvert ou Losfeld ; mais c’était une autre affaire dans l’Espagne où vivait l’artiste, alors sous le joug franquiste, où régnaient l’ordre moral et la négation des cultures régionales. L’œuvre de Tàpies était une vive rupture : sa vigueur matérialiste, son tranchant expressif, son insistance sur la « catalanité » dérangeaient. Entre autres aussi, parce que son œuvre était parcourue d’un érotisme souvent sous-jacent, parfois brutalement exprimé. Implicit/Explicit avait-il titré une de ses peintures.
La Galerie Lelong & Co. a eu l’honneur d’exposer régulièrement ce grand artiste jusqu’à sa mort en 2012. Toujours en montrant ses œuvres les plus récentes. La galerie a ensuite continué de travailler avec la famille de l’artiste, proposant diverses expositions. Nous n’avions jamais placé une exposition sous le signe d’Éros, du corps sexué, fragmenté, de la sensualité omniprésente dans son œuvre. Tàpies, artiste d’une grande culture, connaissait bien le dernier livre de Georges Bataille, Les Larmes d’Éros, publié à Paris en 1961. Nul doute que l’iconographie de l’ouvrage a dû nourrir l’imaginaire de cet artiste fervent d’images puisées dans les cultures du monde entier. Nous nous sommes autorisés à démarquer légèrement le beau titre de Bataille pour l’offrir à Tàpies l’année de son centenaire. Cette exposition présente un ensemble d’une douzaine de peintures sur bois et sur toile, composées d’assemblages de divers objets et matériaux emblématiques du travail de l’artiste : sable, vernis, peintures, crayons… Elles couvrent la période entre 1990 et 2010, ultimes décennies durant laquelle Tàpies poursuivait l’expérimentation formelle et matérielle qui a toujours été au cœur de sa pratique.