La Fab D’Agnès b., Interview.
Agnès b est une grande amoureuse. De Paris, des artistes, des gens. Avec 286 boutiques dans le monde, elle garde la foi et la positivité menant de front engagements artistiques et humanitaires. Après dix ans de recherche, elle vient d’ouvrir le 2 février la Fab pour réunir les activités culturelles et solidaires de son fond de dotation. Un lieu à son image, sobre et généreux. 1 400m2, 5000 oeuvres, la « fabrique culturelle et solidaire » a pour but d’accueillir artistes, animations gratuites autour de la collection d’art de la célèbre créatrice de mode qui a ouvert sa Galerie du Jour en 1984. Elle inaugure son espace avec une exposition sur le thème de la hardiesse. Beau programme. Interview Agnès b, 11 février 2020, Paris.
Après la rue du Jour et la rue Quincampoix, vous déménagez votre galerie et installez la Fab dans le 13è arrondissement ?
J’aime Paris, et le treizième arrondissement est un nouveau Paris. Je suis très contente d’être dans ce quartier. J’avais d’abord cherché un lieu dans le nord de la capitale ou à Montreuil. Je voulais un quartier populaire. J’aime bien m’adresser à tout le monde en estimant que tout le monde a des capacités de comprendre, de voir, d’aimer. Et il n’y a pas non plus de passé historique dans ce quartier. On a l’impression d’être en voyage. Il y a le MK2, Tolbiac, les incubateurs, la Bibliothèque François Mitterand, les planches à roulettes. Et le Point Ephémère, pour un café ou faire la fête, avec qui on est amis depuis toujours.
Pourquoi montrer votre collection ?
J’aime les gens. Pour faire le métier que je fais, il faut aimer les gens, avoir envie de leur faire plaisir. Cà leur fait du bien de voir des oeuvres comme cela me fait aussi du bien aussi, et cela depuis que je suis petite. C’est l’idée que d’autres regards, d’autres esprits que le mien se posent sur les oeuvres. J’ai aussi envie que le visiteur ai envie de collectionner. Il ne faut pas croire qu’une collection c’est forcément acheter un Jeff Koons à 2M de dollars. On peut commencer en achetant de jeunes artistes. C’est cela que je veux montrer aussi.
Pourquoi, pour votre première exposition, lui donner le tire « La Hardiesse » ?
La hardiesse, c’est l’amour de ceux qui osent. Cela veut dire que même si l’on est pas sûr du résultat, de l’impact sur les gens, il faut y aller malgré tout. Ce qui frappe dans ma collection, ce sont les artistes et même les êtres qui osent être différents et apporter quelque chose de nouveau. J’ai présenté Mohamed Ali car il était libre de manière extraordinaire comme Nelson Mandela qui a fait 25 ans de prison et des choses incroyables en Afrique du Sud. Ce sont des personnes qui ont été hardies dans leur discipline aussi.
Quelle collectionneuse êtes vous ?
C’est très naturel. J’ai collectionné les cartes postales depuis l’âge de 10 ans. J’achète des oeuvres à des débutants qui ont déjà du talent mais ne sont pas connus. C’est un encouragement pour un jeune artiste, évidemment. Ils font ensuite souvent une carrière. J’étais la première à montrer Nan Goldin comme Martin Parr à la galerie du Jour. J’ai exposé récemment Bruno Gadenne qui fait des paysages magnifiques dans la boutique galerie de New York.
Quelle galeriste êtes-vous ?
C’est un privilège de pouvoir donner à voir même si l’on s’expose beaucoup en exposant. Quand on est une styliste et que l’on veut ouvrir une galerie, il faut oser aussi. Le monde de l’art dans les années 1980 n’était pas tellement ouvert aux amateurs. Moi j’étais amateur à ma manière, en ouvrant une galerie. Amateur, cela veut dire aimer. Et puis j’adore faire les accrochages. Je prépare mes ingrédients… je fais cela depuis 1983. Les accrochages c’est comme un collage. C’est mon deuxième métier.
Que devient la galerie du Jour ?
La galerie du Jour a son emplacement également. On va y montrer de jeunes artistes comme on le fait depuis 1983. Par contre je faire d’expositions personnelles comme je le faisais rue Quincampoix, mais comme si la galerie était une maison où tout serait à vendre. J’aime bien assembler les choses qui à première vue non rien à voir et réaliser une harmonie avec quelques meubles de designer ou chinés.
Vous soutenez la création…
La Fab accueille un fond de dotation. Ce n’est pas une fondation, je n’ai rien demandé, je n’ai pas eu de l’aide de l’Etat, ni de personne, c’est grâce à mon autre travail, celui de styliste que j’ai réussi à réaliser ma vocation, celle de conservateur de musée. C’est drôle.
Vos désirs pour la Fab ?
Je fais faire une petite bande son qui explique les oeuvres comme c’est souvent le cas dans les expositions. J’ai envie que cela soit vivant. On va faire de la musique live. Il y a un piano sur place et un espace, un balcon conçu pour cela. J’aimerai que des artistes viennent jouer quand ils le veulent, la musique serait présente sans l’être trop, on peut s’arrêter et écouter, se balader. Nous faisons aussi des performances. J’aime bien la liberté et une certaine souplesse, les surprises, l’imprévu. On y passe et il se passe quelque chose.