Le Musée Guggenheim Bilbao présente Joana Vasconcelos. Je suis ton miroir, une sélection de trente œuvres réalisées entre 1997 et aujourd’hui par l’artiste portugaise la plus internationale, y compris une installation spécifiquement conçue pour l’Atrium du Musée et d’autres pièces nouvellement créées. Dans cet accrochage, qui bénéficie du soutien de Seguros Bilbao, le spectateur pourra se plonger entièrement dans l’univers d’une artiste qui porte un regard direct et plein d’humour sur le monde et dont l’œuvre pointe, sans effort apparent, nombre de contradictions de notre société.
Quelques-uns des travaux de Joana Vasconcelos sont d’une complexité extrême : ils se déplacent, émettent des sons ou s’allument, autant de complications que l’artiste résout dans son atelier lisboète de trois mille mètres carrés avec le concours d’une équipe de plus de cinquante collaborateurs permanents. Dans la confection de ses œuvres, Vasconcelos utilise une grande variété de matériaux provenant de la vie quotidienne : appareils électroménagers, carreaux de faïence, tissus, céramique populaire, bouteilles, médicaments, urinoirs, douches, ustensiles de cuisine, téléphones, voitures et couverts en plastique. Avec ceux-ci, l’artiste construit des images directes, festives et choquantes qui renvoient à des questions sociopolitiques propres aux sociétés consuméristes, postcoloniales et mondialisées, de l’immigration à la violence sexiste. L’humour est toujours présent et les pièces ouvrent un large champ de significations possibles. Cette absence de dogmatisme les rapproche des propositions d’esthétique relationnelle apparues à la fin des années 1990, qui exigent la participation du spectateur pour les interpréter.
Riche en références externes, de Louise Bourgeois à la culture populaire, de l’orfèvrerie à la mode, de l’artisanat à l’ingénierie de dernière génération, le travail de Vasconcelos explore notamment la question de l’identité dans toutes ses dimensions et exprime la réflexion de l’artiste sur sa position en tant que femme et en tant qu’artiste portugaise et européenne. Mais aussi la relation qui se crée entre ses pièces avec l’architecture où elles sont exposées, la réflexion métalinguistique sur la nature de l’œuvre d’art ou les éléments purement poétiques sont d’autres aspects essentiels de son travail.
PARCOURS DE L’EXPOSITION
Il commence par quelques pièces emblématiques des premières années de la carrière de Vasconcelos, comme Lit Valium (Cama Valium, 1998), Burka (2002) et La Mariée (A Noiva, 2001–2005), dans lesquelles l’artiste aborde la question de l’identité féminine, tant dans le domaine privé que dans les sphères politique et sociale. Elles sont accompagnées de travaux récents, comme Marilyn (AP) (2011), Lilicoptère (2012), À toute vapeur (A Todo o Vapor, 2012) – dont sont exposées les trois versions existantes –, et Call Center (2014–2016). Avec ces œuvres, au moyen d’appareils électroménagers et d’ustensiles de cuisine, Vasconcelos continue à explorer le thème de l’identité féminine de façon simple et ironique. Marilyn consiste ainsi en une paire d’escarpins à très haut talon, réalisés à base de casseroles et de couvercles en inox et À toute vapeur est une composition formée par une série de fers à repasser à vapeur qui évoluent dans une sorte de chorégraphie pour robots. Call Center est un énorme revolver noir réalisé avec des téléphones en bakélite qui émet une énergique et surprenante symphonie électroacoustique, créée pour l’œuvre par le compositeur Jonas Runa à partir de la manipulation de sonneries de téléphone.
L’exposition représente une occasion unique de voir de nouvelles pièces, spécifiquement conçues pour l’accrochage, comme par exemple I’ll Be Your Mirror, un masque vénitien géant composé de miroirs encadrés en bronze ; Solitaire, une monumentale bague de fiançailles fabriquée à partir de jantes de roue dorées et de verres à whisky en cristal, ainsi que d’autres œuvres appartenant aux séries Urinoirs, Tableaux au crochet et Bordalos. Une fois de plus, ces travaux explorent l’identité féminine de façon diverse, par exemple en s’appropriant plaisamment des images de Marcel Duchamp et des faïences du portugais Bordalo Pinheiro, que Vasconcelos enveloppe de dentelles au crochet. L’artiste se sert également du crochet pour créer les douillettes et volumineuses parodies de tableaux épiques qu’elle présente dans des cadres dorés.
ŒUVRES RÉCENTES
Egeria
L’exposition présente une pièce de grande taille appartenant à la série Walkyries, réalisée en exclusivité pour l’Atrium du Musée Guggenheim Bilbao. Le dialogue qui se noue entre elle et les espaces complexes dessinés par Frank Gehry constitue à n’en pas douter un des points forts de l’exposition. Les Walkyries de Vasconcelos, qui empruntent leur nom aux divinités de la mythologie nordique, constituent une importante série de pièces d’apparence bulbeuse et tentaculaire qui se répandent dans les espaces
où elles sont accrochées en déployant de longues ramifications de couleurs chamarrées. Ces œuvres créées à partir de la combinaison de tissus, de textures et de couleurs et qui semblent croître comme des plantes, sont une métaphore de l’occupation des musées par les femmes.
I’llBeYourMirror
Le titre de l’exposition fait référence à cette œuvre, un énorme et surprenant masque vénitien créé par superposition, comme des écailles, d’une multitude de miroirs encadrés de moulures d’une grande richesse ornementale conçues par l’artiste elle-même. Cette pièce invite le public à regarder à travers cette sorte de masque de Gulliver, de l’intérieur ou de l’extérieur, sans perdre de vue à aucun moment leur propre image reflétée dans les multiples miroirs qui la composent. Le titre est tiré de la chanson I’ll Be Your Mirror, écrite par Lou Reed et interprétée par The Velvet Underground et Nico, dont la promesse est de refléter, comme un miroir, l’authentique “moi”. Elle partage par ailleurs ce territoire d’exploration avec des œuvres comme le conte Le miroir de l’écrivain brésilien Machado de Assis, avec l’image reflétée du vers “J’ai enlevé le masque et me suis vu dans le miroir” de Fernando Pessoa, un maître dans l’usage des masques, et aussi avec la psychologie analytique de Jung et ses concepts d’individuation, qui conduit chacun à rechercher son individualité et son intégrité, et de conciliation entre l’inconscient collectif et l’inconscient personnel une fois que nous en prenons conscience.
Solitaire
Le désir est au cœur du concept artistique de cette œuvre, dans laquelle plusieurs dizaines de jantes dorées de voitures de luxe composent le cercle d’un anneau cyclopéen, couronné par une pyramide inversée formée de verres à whisky en cristal qui représente un diamant géant. L’ensemble forme une bague de fiançailles avec son solitaire, qui constitue probablement l’un des objets les plus convoités au monde. Dans son travail, l’artiste intervient comme un alchimiste de la vie quotidienne qui transforme les objets et les lieux communs de la société de consommation en œuvres d’art ouvertes à une multitude de significations. Elle s’empare pour cela d’objets courants qu’elle multiplie pour créer un autre objet, pour autant tout aussi reconnaissable. Solitaire a recours à cette même stratégie, en conjuguant deux des symboles les plus stéréotypés du désir féminin et masculin – respectivement les diamants et les voitures de luxe – sous forme d’une gigantesque bague de fiançailles. Passant du micro au macro, Vasconcelos ouvre de multiples dimensions qui reflètent une vision singulière du monde, où rôde toujours le désir, qu’elle aborde sous l’angle de l’une des caractéristiques les plus frappantes de la contemporanéité : la consommation.
L’on retrouvera Solitaire, ainsi que l’œuvre Coq Pop (Pop Galo, 2016), à l’extérieur du Musée.
DIDAKTIKA
Dans le cadre du projet Didaktika, le Musée conçoit des espaces didactiques et des activités spéciales qui complètent chaque exposition et offrent des outils et des ressources pour faciliter l’abordage et la compréhension des œuvres.
Dans ce cas, la section Saviez-vous que…? du site web de l’exposition fait connaître au public quelques-unes des causes sociales que soutient l’artiste par le biais de la Fondation Joana Vasconcelos, comme les questions de genre, l’éducation universelle, l’accessibilité ou les droits des enfants.
Quelques-unes des activités organisées autour de l’exposition :
Table ronde : Joana Vasconcelos. Je suis ton miroir (27 juin)
Joana Vasconcelos, les commissaires Enrique Juncosa et Petra Joos et le thérapeute et naturopathe Alain Grouette parleront des diverses dimensions de l’œuvre de l’artiste.
Atelier de masques (30 juin)
Atelier sur l’auto-connaissance émotionnelle et l’identité à partir de l’œuvre de Joana Vasconcelos, assuré par Alain Grouette, thérapeute et naturopathe canadien, expert en traitements énergétiques. Cet atelier de toute une journée qui combine la psychodynamique énergétique avec l’élaboration de masques permet de partager nos expériences et de mieux appréhender l’œuvre de Vasconcelos. En anglais avec traduction consécutive en espagnol.
Réflexions partagées
À l’occasion de ces visites uniques, les professionnels du Musée expliqueront aux assistants les secrets du montage et d’autres curiosités autour de l’exposition.
- Vision curatoriale (19 septembre)Avec Petra Joos, commissaire du Musée Guggenheim Bilbao.
- Concepts-clés (26 septembre)Avec Marta Arzak, sous-directrice Éducation et Interprétation du Musée Guggenheim Bilbao. *Programme parrainé par la Fondation Vizcaína Aguirre.ITINERANCE INTERNATIONALELe Musée Guggenheim Bilbao est en train d’organiser un tour international de l’exposition en collaboration avec plusieurs institutions et musées de de grande renommée. L’exposition poursuit son itinérance et sera installé dans la Fundación Serralves au début 2019 et dans le Musée Kunsthal de Rotterdam durant l’été de cette même année.CATALOGUELe catalogue de l’exposition présente, assorti de textes de spécialistes de l’œuvre de l’artiste portugaise, des images de la fabrication des nouvelles pièces de l’exposition, ainsi que de leur installation dans les espaces du Musée Guggenheim Bilbao.BIOGRAPHIEJoana Vasconcelos (1971) vit et travaille à Lisbonne. Elle expose régulièrement depuis le milieu des années 1990, mais c’est à partir de sa participation à la 51ème édition de la Biennale de Venise en 2005, avec La Mariée (2001-05), que son travail fait l’objet d’une reconnaissance internationale. Elle a été la première femme et la plus jeune artiste à exposer au Château de Versailles, en France, en 2012. Parmi ses succès récents, signalons le projet Trafaria Praia, réalisé pour le pavillon du Portugal à la 55ème édition de la Biennale de Venise (2013), sa participation à l’exposition collective Il Mondo Vi Appartiene au Palazzo Grassi/Fondation François Pinault de Venise (2011) et sa première rétrospective, organisée au Museu Coleção Berardo de Lisbonne (2010).
Parmi les autres lieux où elle a exposée, citons : ARoS Aarhus Kunstmuseum, Aarhus, Danemark (2016); Museo Nacional Thyssen-Bornemisza, Madrid (2015) ; Waddesdon Manor – The Rothschild Foundation, Buckinghamshire, Royaume-Uni (2015); Manchester Art Gallery (2014) ; Musée d’Art de Tel Aviv (2013); Palais national d’Ajuda, Lisbonne (2013); CENTQUATRE, Paris (2012) ; Kunsthallen Brandts, Odense, Danemark (2011) ; Es Baluard, Palma de Majorque (2009); Garage Center for Contemporary Culture, Moscou (2009); Pinacoteca do Estado de São Paulo (2008) ; The New Art Gallery Walsall, Royaume-Uni(2007); Istanbul Modern (2006) ; Passage du Désir/BETC EURO RSCG, Paris (2005); Centro Andaluz de Arte Contemporáneo, Séville (2003); Műcsarnok, Budapest (2002) ; Museu da Eletricidade, Lisbonne (2001); et le Museu de Arte Contemporânea de Serralves, Porto, Portugal (2000).
Son œuvre est entrée dans de nombreuses collections publiques et privées : Amorepacific Museum of Art, ARoS Aarhus Kunstmuseum, Caixa Geral de Depósitos, Câmara Municipal de Lisboa, Centro de Artes Visuales Fundación Helga de Alvear, Domaine Pommery, FRAC Bourgogne, Fondation Louis Vuitton pour la création, Fundação EDP, Gerard L. Cafesjian Collection, MUSAC, Museu Coleção Berardo ou encore la Collection Pinault.