Jim Dine a toujours été un artiste inclassable et hors-norme. Bientôt âgé de 85 ans, il poursuit son oeuvre sans relâche, avec toujours la même jubilation et le même acharnement. Du happening à la sculpture et l’objet en passant par l’expressionnisme et le pop, il est arrivé à une telle connaissance de l’histoire de l’art et des techniques qu’il interroge désormais la peinture elle-même. Un immense atelier à Montrouge en France, un autre à Göttingen en Allemagne et à Walla Walla sur la côte ouest américaine, ce père de cinq enfants n’a jamais cessé non plus de bouger, de voyager, d’apprendre. « Lorsque j’étais gamin, je ne voyais pas la différence entre un pinceau et un marteau. J’adorais entremêler des objets et des outils du quotidien. Je vivais cela de façon naturelle. Il n’y a pas de raison pour que j’y renonce aujourd’hui », s’exclame l’artiste ivre de vie et d’art.
Au printemps, la galerie Templon de Bruxelles a présenté un ensemble de gravures créées entre 1981 et 2015 où l’on retrouve des éléments phares du répertoire de l’artiste, le Coeur, la Vénus de Milo, la Robe de chambre et des autoportraits. Jim Dine a répondu à nos questions et offre un poème qu’il a écrit pendant le confinement.
Aujourd’hui, Jim Dine expose d’immenses formats datant de 2020 à la galerie Templon de Paris.
Entretien réalisé en mai 2021 pendant le confinement.
Anne Kerner : Qu’est ce qui vous a ouvert les yeux à l’art ?
Jim Dine : Je dessine depuis que j’ai deux ans. Je n’ai jamais rien connu d’autre. Je suis allé dans une école d’art car j’y étais meilleur que dans une école classique. Mes images proviennent des mes rêves et de mon enfance.
A.K. : La galerie Templon présente à Bruxelles un parcours rétrospectif de votre travail de graveur.
J.D. : L’exposition ne montre pas seulement mon travail en tant que graveur, mais en tant qu’imprimeur, car qui dit graveur, dit « intaglio » (inciser), travailler la gravure, or c’est juste un aspect, qui est appelé « etching » en anglais. C’est une pratique aussi importante pour moi que la peinture et la sculpture, c’est tout à fait comparable au dessin, et j’adore le faire…
A. K. : Quels désirs ont motivé votre travail dans cette exposition ?
J. D. : Ce n’est pas une retrospective, c’est un aperçu de mon travail, après tout j’ai fait au moins 1 500 oeuvres imprimées, comme « graveur » et lithographe. Mes valeurs et mes désirs sont toujours les mêmes, je veux continuer le travail d’impression, je veux que les gens regardent mes oeuvres, je veux rester vivant.
A.K. : Avez-vous de nouvelles inspirations durant cette période de confinement ?
J. D. : Pendant le confinement je n’ai pas eu particulièrement de nouvelles inspirations, mais cette période m’a amené à me concentrer sur moi-même parce qu’il y avait rien d’autre à faire. J’ai été reclus dans mon atelier pendant deux mois.
A.K. : Pensez-vous que nous vivons une « vie loufoque en deuil perpétuel » comme vous avez intitulé l’une de vos oeuvres ? Pensez-vous que l’art peut nous aider dans une période comme aujourd’hui ?
J.D. : Il s’agissait, en effet, d’une photographie qui s’intitulait « Cette vie loufoque de deuil permanent » qui devint un livre publié par Gerhard Steidl à Göttingen. Est-ce que l’art peut nous aider ? Je ne sais pas, en tous cas, moi, il m’a beaucoup aidé.
A.K. : Avez-vous écrit des poèmes pendant le confinement ?
J.D. : J’ai écrit plusieurs poèmes pendant le confinement, et en voici un, intitulé « Jim’s Palette » :
A desperate step
Freakin’ clown-
(your smile)
Splitting paper bits
(your smile)
It is midnight,
Summer in the forest-
Mt Katahdin summer,
The lamp behind
Her black shining hair
My childhood painter’s
Heart
Is out of it’s mind-
Dismiss the spoon after supper
And glow
While the bugs
Sit on the chair
Holding books
And curiosities,
The roses laugh,
They laugh away the wind.
It’s the wind that kills you
In the highlands,
Far from this business,
I research the history of Tartan
3000 yrs of plaid !
I dream of the mills
in Inverness
And the thousand shades
Of red thread/
Boudin for supper
The texture of the body.
Death and offal