A 38 ans Jean-François Spricigo a déjà une œuvre bien fournie, reflet de sa soif de création. Encouragé notamment par Antoine d’Agata et Anne Biroleau à ses débuts, repéré par Guy Jouaville qui l’expose à la Scène nationale du Parvis à Tarbes, en 2004, alors qu’il a 25 ans, Jean-François Spricigo va développer parallèlement photographie, écriture et films.
Sa formation est aussi plurielle que ses intérêts.
Jean-François Spricigo naît en 1979 à Tournai en Belgique.
Il suit les cours de photographie de l’Institut Saint Luc dans cette même ville, puis étudie le cinéma à l’INSAS (Bruxelles), avant d’entrer pour un an au Cours Florent à Paris où il pratique l’art dra- matique. Toute sa carrière va être rythmée par des allers-retours entre ces disciplines, l’image fixe nourissant l’image animée et vice versa sans oublier sa passion pour les textes et la musique, lui qui aime citer Thoreau et Brel comme des « compagnons de vie » et donne à ses expositions des titres tels que « prélude » « notturno », « silenzio » « romanza »….
En 2008, il rencontre Agathe Gaillard qui l’expose dans sa galerie et à Paris Photo.
La même année, il est lauréat de la Fondation Belge de la Vocation ainsi que du Prix de l’Académie des Beaux-Arts Marc Ladreit de la Charrière avec sa série « anima ».
Dans la Revue des Deux Mondes qui publie son portfolio Robert Delpire écrit : « Si l’animal n’est pas le thème unique de ses images, il est une constante dans sa quête de l’image juste, celle qui n’est pas faite pour décrire, pour illustrer un texte mais celle qui prouve un intérêt profond pour l’animal qui exprime une empathie, une émotion ».
Ses photographies, entre poésie et rêve, sont parfois parcourues d’accidents, de traces et d’imperfec- tions. Il les accepte, faisant du hasard une force.
Il est exposé en Belgique, en Espagne (où il passe une année comme lauréat à la Casa de Velas- quez, à Los Angeles… En 2014, une grande exposition, »toujours l’aurore », est présentée au CENT- QUATRE-PARIS dans le cadre du Mois de la Photo. Jean-François Spricigo y réunit des images noir et blanc, des tirages aux couleurs veloutées ainsi qu’un film dont le pianiste Alexandre Tharaud signe la musique. Un livre éponyme réunissant textes et photographies est publié à cette occasion (éditions de L’Oeil). Depuis, il est artiste associé au CENTQUATRE-PARIS pour les formes pluri- disciplinaires. Il a réalisé des clips pour Albin de la Simone et Jean-Louis Murat, des émissions pour France Culture, et continue de photographier des bribes de réel qui, mises ensemble, forment un univers vibrant et sensible qui lui ressemble.
Extrait d’un entretien réalisé par J-C Béchet (hors série Réponses Photo, nov. 2010)
– Tes séries ont toujours des noms brefs, souvent un seul mot : « anima », prélude », notturno »… pourquoi ces choix ?
JFS – C’est un diapason. Dès que j’ai le nom, je peux commencer à sélectionner les images pour l’exposition. Je photographie sans thème précis ni récurrence, quand se profile une exposition je pars d’un titre pour donner la cohérence au choix. L’intitulé importe autant par son sens que par le son qu’il produit. La musique d’un mot appelle chez moi des images jamais prises, immémoriales, il appartient alors à la sélection de s’en faire écho. L’objet est de donner un ton, un mouvement musi- cal à l’ensemble, pas de sacraliser chaque photographie où à les renvoyer à une illustration dédiée…
– Tes images laissent une grande place aux accidents photographiques, peux-tu nous parler de cet attrait pour l’imperfection ?
JFS – Je suis attaché à la phrase de Louis Pasteur « le hasard profite aux esprits préparés ». En pho- tographie, souvent le mot perfection s’apparente à une démonstration technologique qui rejette la vraie beauté au profit d’une performance quantifiable et mesurable. Je suis convaincu que tout ce qui compte, l’amour, la beauté, la tristesse, la joie, ne rentre dans aucune forme de comptabilité. Je suis par ailleurs sensible aux « incidents », aux chemins nouveaux qu’ils me font découvrir et que je n’ai pas pu anticiper. La photographie est aussi un art de l’instant. Je me sens très proche de la notion d' »instinct éclairé » de Marcel Moreau. La maîtrise a tôt fait de s’apparenter à un système rassurant et efficace à un moment où il faut être sur la brèche pour raconter le vertige de cet instant vécu.
– N’y-a-t-il pas une part de nostalgie dans ton approche du réel ?
JFS – Nostalgie, mélancolie… disons plutôt une inquiétude assortie d’un réel enthousiasme, un désir d’au-delà et d’ailleurs que je cherche à réinventer sans cesse.
(Les tirages sont réalisés par Jean-François Spricigo lui-même en jet d’encre pigmentaire. Formats : du 20 x 30 cm au 60 x 203,5 cm signés et numérotés. Edition totale de 8 exemplaires pour les tirages couleur et de 12 exemplaires pour le noir et blanc.)