Le très beau projet d’Isabelle Chapuis a été réalisé en résidence à la Fondation Albert Gleizes, Moly-Sabata, pendant le confinement, sur une invitation du Centre de Photographie Le Bleu du Ciel, au cours de l’automne 2020. Nous l’avons rencontrée à la fin de son séjour dans son atelier où elle s’est confiée sur sa pratique photographique.
Diplômée de Penninghen en arts graphiques (2005), Isabelle Chapuis a passé de longs séjours en Asie et au Moyen-Orient et opte pour la photographie. De retour à Paris, Prix Picto en 2010, Bourse du Talent en 2012, son travail est régulièrement exposé dans les galeries et les institutions, notamment à la galerie Bettina à Paris, au Centre d’Art Contemporain du Château des Adhémar à Montélimar ou à l’Espace Snap aux Etats-Unis. Depuis décembre 2016, sa série RITUELS est entrée dans la collection permanente du Grand Musée du Parfum à Paris. Invitée en résidence pour la 9ème édition du festival Planche(s) Contact, elle expose sa série ANITYA qui intègre la collection du Musée des Franciscaines à Deauville. En 2020, elle fait partie des finalistes du Prix BMW. Pour sa troisième résidence, elle est invitée à la Fondation Albert Gleizes en 2021, ceci en vue d’une exposition au Centre de photographie contemporaine le Bleu du Ciel, à Lyon, en 2022.
Anne Kerner : Qu’elle est l’histoire de Moly-Sabata ?
Isabelle Chapuis : Fondée par le cubiste Albert Gleizes, elle est la plus ancienne résidence d’artistes en activité en France, établie sur les rives du Rhône, en 1927. En décembre 1930, Anne Dangar, peintre australienne, rejoint Moly-Sabata croyant devenir l’élève du grand peintre. Mais c’est un lieu pauvre qui l’attend. Pour survivre, elle devient potière tout en devenant l’âme de Moly-Sabata jusqu’à sa mort en 1951.
A.K. : Quel a été votre projet ?
I.C. : Pour ce projet, je me suis inspirée du lieu et de son histoire. Cheminant du présent au passé, de la périphérie au centre, j’ai réuni des documents jusqu’au légendes de l’an 800. Tous détiennent un potentiel narratif autour des éléments que sont l’eau, la terre, le feu, que j’ai retissé au fil de ces deuxmois.
A.K. : Quelle a été votre pratique photographique ?
I.C. : J’ai pratiqué une Sadhana (pratique) photographique et contemplative dans la nature puissante et âpre, où j’ai trouvé des forces mystiques et alchimiques. J’ai également photographié deux modèles femmes incarnant ces rapports fondamentaux aux éléments. L’une couverte d’argile, s’ancre dans la terre, tandis que l’autre joue aussi bien avec le feu que les oiseaux et s’envole. De l’une à l’autre, de la terre au ciel, elles incarnent un passage, ce qu’Anne Dangar à Moly-Sabata aurait du symboliser, non le sacrifice, mais au contraire, l’unité et la reliance : le lien à soi, à l’autre, au Monde.