Le musée Guggenheim présente une exposition merveilleuse de Hilma af Klint, « Peintures pour l’avenir », enfin sortie de l’anonymat dans les années 1980. Inspirée par la nature, le mysticisme, le spiritisme, l’artiste suédoise livre une oeuvre d’une délicatesse à couper le souffle. Et c’est sur les murs de la rotonde que s’installent ses oeuvres florales, abstraites, toutes de spirales et d’ondes.
Des premières aux dernières oeuvres présentées sur les murs du Guggenheim, Hilma af Klint célèbre la vie. Avec une fleur. Rien qu’une fleur qu’elle développe et multiplie tout au long de son oeuvre. La voilà, joli coquelicot figuratif de sa jeunesse. La voilà encore, magnifiques spirales concentrées autour d’un cercle, à la fin de sa vie. Née en Suède en 1862 et élevée dans une famille de classe moyenne à Stockholm, elle a étudié à l’Académie Royale de la ville. D’une grande habileté, elle réalise des dessins botaniques, des paysages, des illustrations et contribue à de nombreux journaux scientifiques.
Tracey Bashkoff, le conservateur de l’oeuvre de Hilma af Klint témoigne : « Peintures pour l’avenir », la première exposition personnelle majeure du travail de l’artiste aux États-Unis, montre que « Hilma af Klint précède le travail abstrait des artistes comme Kandinsky, Mondrian, Kupka, Malevich, des artistes que nous avons longtemps considérés les pionniers d’abstraction. Elle commence à entrer dans un mode abstrait dès 1906. »
En effet, en 1906, après vingt ans de vie d’artiste et à l’âge de 44 ans, Hilma af Klint peint sa première série de peintures abstraites. Ce tournant vers l’abstraction et la symbolique vient de son intérêt pour le spiritisme très en vogue en Europe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Hilma af Klint s’intéresse à la théosophie de Madame Blavatsky et à la philosophie de Christian Rosencreutz. En 1908, elle fait connaissance de Rudolf Steiner, fondateur de la Société Anthroposophique, de passage à Stockholm. Ce dernier l’initie à ses propres théories sur l’art et a une certaine influence sur sa peinture tardive. En 1920, elle le retrouve au Goetheanum à Dornach en Suisse, siège de la Société Anthroposophique. Entre 1921 et 1930 elle y passera de longues périodes, marquant ainsi une pause dans sa création artistique. Si l’on retrouve cet attrait pour la spiritualité chez d’autres artistes contemporains comme Wassily Kandinsky, Piet Mondrian ou les Nabis, la transition artistique de Hilma af Klint vers l’art abstrait et la peinture non figurative se fera cependant sans contact avec les mouvements modernistes de l’époque. Le travail de Hilma af Klint est tout d’abord spirituel, et son œuvre artistique en est la conséquence.
En avance sur son temps, Klint invente une peinture abstraite ambitieuse qu’elle cache à ses contemporains par crainte d’être confrontée à l’incompréhension de sa démarche artistique. Elle lègue ainsi toute son œuvre à son neveu, Erik af Klint en spécifiant que rien ne devait être montré avant 20 ans après sa mort qui survint en 1944.