L’exceptionnel salon international du livre rare a tenu bon et se tient depuis le 17 septembre au Grand-Palais. Parmi les trésors inouïs que l’on découvre chaque année, la seule et unique société de femmes bibliophiles datant de 1926, Les Cent Une, édite tous les deux ans un livre pour ses membres. Le choix de cette année s’est porté sur Hervé Di Rosa qui dévoile une oeuvre unique consacrée aux Fables d’Esope. Interview de l’artiste.
« Je suis très heureux que le salon du livre rare ai lieu. Je suis un amateur de livres depuis toujours. Et c’est par lui que j’ai appris l’image. J’ai bien sûr fais le tour de ce salon exceptionnel et ce sont surtout les vieux livres qui me passionnent. Je possède des livres de gravures originales et deux tomes de Jules Verne. Des Spirou aussi des années 1930 et 40 d’avant la guerre. Les livres, les magazines aussi me servent dans mon travail, ce sont des sources. J’en ai besoin pour construire ma pensée.
Pendant mon adolescence, dans les années 1970, il n’y avait ni TGV, ni internet, ni magnétoscope. Les seules images que j’avais à ma disposition étaient celles des bandes dessinées que j’achetais chez le marchand de journaux à côté de chez-moi chaque semaine. Puis la bande dessinée s’est développée. Il y a eu Métal Hurlant et des expériences comme Bazooka. J’avais 16 ans. C’était un lieu de liberté, d’espace qui me paraissait beaucoup plus grand que celui des galeries et des musées que je ne connaissais pas à l’époque.
Puis je suis arrivé à Paris pour rentrer aux Arts décoratifs. J’ai vu une peinture « en vrai ». C’était un grand collage de Matisse. Pour la première fois je pouvais faire la différence entre l’objet imprimé et une œuvre d’art.
Puis les galeries et les musées se sont ouverts plus facilement à moi que l’espace du livre et de l’édition. Mais j’ai gardé cette passion et j’ai du réaliser au moins 250 livres ! Aussi bien des livres rares, des livres de bibliophilie, des fascicules, des magazines. Quand j’ai rencontré Madame de Vasselot de Régné, présidente de la société de bibliophilie Les Cent Une, j’ai tout de suite accepté sa proposition. J’avais abandonné un projet avec Erik Orsenna sur les Fables de Lafontaine et du coup j’ai proposé de travailler sur les Fables d’Esope qui sont les sources d’inspiration de La Fontaine. J’en ai choisi une quarantaine et je me suis amusé avec les figures d’animaux et de personnages. Ce ne sont pas des illustrations. J’ai exprimé ce que je ressentais par rapport à ces textes et je cherchais l’équilibre de la page, entre la typographie et l’image. Ma référence, c’est « Jazz » de Matisse.
Faire un livre, c’est un peu un casse-tête mental et j’aime bien être surpris par le résultat que je découvre à chaque fois car je travaille avec des films noirs. C’est tout un jeu mental de conception, très conceptuel finalement.
J’avais peur que les livres disparaissent avec internet. Mais avec le confinement, on se rend compte de la nécessité des choses comme les livres, le papier. On a besoin aussi d’avoir des œuvres sur les murs. Ce n’est pas mon seul ressenti. C’est une impression générale. Le salon du livre rare par exemple continue, il y a des libraires et malgré tout, ce sont des activité qui se poursuivent ».