Il capte chaque frémissement de peau ou de tissus avec une élégance et une générosité unique. Auteur d’une dizaine de livres dont « Paris d’amour » et « Dior, 30 avenue Montaigne », Gérard Uféras, prix « Image d’Or » 2015 avec le film «Instants d’Amour », un portrait du photographe par Pierre Schumacher, dévoile plusieurs des ses superbes tirages à la galerie Polka.
Il est des photographes comme des peintres, des musiciens. Qui aiment les femmes, le corps, l’amour. L’être humain par-dessus tout. Gérard Uféras est de ceux là. De ceux qui vous font voir avec grâce. Vivre avec palpitation. Aimer à la folie. Si grand et pourtant si humble. Attentif, curieux, le regard si malicieux et déroutant. Haut, si haut sous les toits, si près du ciel, ce perfectionniste vif comme un électron libre, accueille généreusement avec thé et gâteaux. Comme pour toujours mieux recevoir, donner, expliquer. Ce fils d’émigrés d’Europe centrale, comme son meilleur ami décédé Willy Ronis, provoque l’émotion. Pure, intense, extrême. Car rien n’échappe à ce grand reporter qui révèle ses premières images à Libération en 1984, participe à la création de l’Agence Vu deux ans plus tard et se lance, foudroyé, au cœur de la mode et de la danse. Tout, au contraire, le touche. Le capte. L’exalte. L’enivre. Les rires partagés dans le backstage. La courbe d’une nuque tatouée. Un visage lassé, délaissé. Et encore. Encore, plongeon dans un dos dénudé aux allures d’estampes japonaises, frôlement d’une danseuse si proche d’un Degas, caresse d’épaules, de seins, dignes d’un Rodin. Ici tout séduit et trouble. Ca chavire et ça bascule. Vertige. Comme dans une plainte sensuelle d’un Chet Baker, l’air inespéré d’un Miles Davis. Ca bruisse aussi. Doucement. Dans les tissus et le tulle. En tension, sous tension, avec passion. « Une grande photographie, explique Gérard Uféras, doucement, au plus juste, au plus près, c’est une échappée du réel vers l’imaginaire ». Alchimie. De l’éblouissement, de la construction formelle, de la culture. «J’aime l’art, je suis fou de musique, de théâtre. Tout a une influence. Sauf que de temps en temps, j’ai l’impression de converser avec d’autres photographes qui ne sont plus vivants mais qui le sont encore pour moi. Il n’y a alors plus d’âge. Comme avec Willy Ronis. Quand je discutais avec lui, je discutais avec le jeune homme qu’il est toujours resté ». Vivre jusqu’auboutiste, nourri, imprégné, marqué à jamais par les images d’Edouard Boubat, d’Henri Cartier-Bresson, d’André Kertész ouMarc Riboud. Dans le soleil du printemps, Uféras offre à voir son dernier travail. Ce « Paris d’amour » qui a les allures d’un véritable pari. Deux ans de course intense. Tous les week-ends. Souvent deux mariages. Du matin à l’aube. Epuisant. Mais peu importe ! Il tourne page après page son dernier livre enfin terminé et sublime. Ici, rien que des perles de sourires. Des colliers de baisers. Des guirlandes d’amoureux. Rien que des diamants de fête, de partage, de don. « Le projet était de faire un portrait de Paris, de la diversité de sa population, sur le thème de l’amour. J’ai donc photographié soixante dix mariages hétéros et des pacs d’homos. J’avais envie de montrer que quelque soient leurs origines, culturelles, sociales, religieuses, les gens font tous le même rêve : l’amour, les enfants et vivre dans un univers où tout le monde se respecte». Il est des photographes comme des peintres. Portés par la perfection, toujours en quête de l’essentiel. Pour l’ « Eloge du visible », pour le « lointain intérieur ». L’être humain. Anne Kerner.
Livres :
Paris d’amour. Gérard Uféras, Editions Castor Et Pollux.
Un fantôme à l’opéra, Gérard Uféras, Du Collectionneur eds.
Gérard Uféras est représenté par la galerie Polka à Paris.
(Images copyright Gérard Uféras, courtesy galerie Polka Paris)