L’artiste allemand né en 1938 a chamboulé les règles de l’art. Le musée d’Art Moderne de la ville de Paris a dévoilé ses sculptures, et jusqu’à l’été 2012, Berlin et Bilbao l’ont consacré. Cet automne, la galeriste Suzanne Tarasiève le célèbre entouré d’autres artistes , comme Erik Boulatov, Louise Bourgeois, Gérard Garouste, Bernard Piffaretti, ou Maria-Elena Veira Da Silva, avec le soutien exceptionnel du Mobilier national et des Manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie
« J’exige tout de moi. Je n’exige à vrai dire rien des autres. Je ne travaille pas avec les autres. Je ne sais pas ce que font les autres ». Malgré Hitler et le nazisme.Avec Goethe et Weimar. Dans les années 1970, alors que Beuys réhabilite l’art allemand, Georg Kern dit Baselitz, l’agresse et le violente. Alors que Wahrol et lePop Art glorifient aussi bien Marylin Monroe que Coca Cola et Campbells, cet originaire de Haute Lusace, né en 1938, épanche ses pires instincts. Alors que les abstraits se vautrent dans leurs taches et leurs dégoulinades, l’artiste ne cesse de travailler la figure et quel corps. Sa peinture entre dans les musées ? La sculpture le prend et le dévore. Plus le terrain apparaît balisé, plus ce démon du pinceau, réplique et s’interroge. Peintre et sculpteur de la solitude et du questionnement, mais surtout du défi et de l’opposition, il élève l’art du « contre » comme un étendard au-dessus de l’Allemagne bon chic bon genre d‘Adenauer et de Brandt. Et brouille, désoriente, rompt, choque, angoisse. En « killer ». Qu’importe ! Ce dernier cracheur de feu de cet art du troisième millénaire a tout pris et chamboulé. Pour l’amour du risque. Sexe, anamorphoses et renversements. Avec Baselitz, rien ne va plus !
« Mon principe a été longtemps de travailler avec ce genre de choses malpropres. Donc de travailler avec des choses impures, non lavées ». Et la peinture et la sculpture à partir de 1979, de crier, de hurler à n’en plus finir, de heurter, d’agresser par ses délires sexuels où se mêlent la blessure d’un Bacon, le désarroi d’unVelickovic, la cruauté d’un Rustin. Tout ce qui repousse et attire le regard. Le transcende. Si loin de l’innocence, si proche du sacrilège. Les gros plans se multiplient. Chairs rouges et roses. Formes molles et contours flous. Sang et humeurs. Sexes, seins, pieds, lèvres, orifices, cavités, protubérances, moignons. On ne sait plus ce qui surgit des grands fonds ténébreux, entre le noir et le vert putréfiées, ni si l’on doit fuir et interdire, comme le fit public et autorités devant l’homme qui se masturbe de « La grande nuit dans le seau » en 1963, ou lever cette provocation si proche d’un Théâtre de la folie d’Antonin Artaud. Parce que l’ « on porte son sexe sur ses yeux, sa bouche, son nez, ses oreilles », dit encore Baselitz. Parce l’on porte « douloureusement nos souffrances en couleur dans la vie… la force et l’amour dans la mort insensée »
Dans son travail de sculpteur représenté dans cette exposition où il n’a de cesse de travailler le bois à la tronçonneuse. A la hache. Encore un autre radicalisme. Encore le refus de toute élégance, une volonté de brutalité et d’agressivité. Et voilà de véritables totems, des sortes de sculptures africaines et océaniennes qui s’élèvent et rappellent celles qu’il collectionne. Parce que la sculpture est le « chemin le plus court » pour traiter des questions fondamentales, explique t-il. Lutte avec la peinture, corps à corps avec le bois, en 1989, Baselitz se lance dans une série de têtes monumentales. Et bien sûr, elles ne peuvent qu’évoquer les victimes de la ville de Dresde en 1945. Il se lance désormais dans la démesure toujours nourrie d’ironie et de décalage avec ses derniers autoportraits évidemment agressivement sexués. La galerie Thaddaeus Ropac de Pantin montre l’immense œuvre de celui qui crée à l’image de Fassbinder : un travail à l’allure d’éternelle crise culturelle. Anne Kerner.