Conçu par Valérie Arconati, consultante en art et commissaire d’expositions, GARDEN PARTY est un projet inédit qui marie art contemporain et lieux historiques. Cette idée propose donc un dialogue rare et unique, entre le patrimoine et l’œuvre d’art. A découvrir absolument.
Interview de Valérie Arconati.
Anne Kerner : Pouvez-vous nous expliquer votre projet « Garden Party » invitant à un dialogue entre le patrimoine et l’art d’aujourd’hui ? Quelle est l’importance du lieu dans vos projets ?
Valerie Arconati : Le lieu est un écrin, un espace qui accueille. Il est le support privilégié de la mise en scène. Je perçois le lieu comme un protagoniste complice de l’histoire qu’il noue avec l’oeuvre. Le lieu sublime et met en relief l’oeuvre, lui donne à vivre, à s’exprimer. L’oeuvre et l’espace se rencontrent et renouvellent à chaque mise en scène leur histoire.
A. K. : Comment avez-vous eu l’idée d’exposer dans des lieux abandonnés et historiques ?
V. A. : En tant que historienne de l’art, je suis très sensible à l’architecture et aux lieux, notamment historiques, qui ont accueilli toutes les histoires personnelles à travers le fil d’un temps souvent supérieur à l’âge de l’homme. Chaque lieu est marqué par l’événement. A priori muet, le lieu abandonné est bavard : il détient une multitude d’informations, il a tant à raconter et chaque public perçoit aisément le poids de sa présence. Avec ces espaces tous différents, occupés, visités et pas toujours abandonnés, j’ai souhaité offrir au public la possibilité d’une nouvelle rencontre avec les lieux, l’architecture, l’histoire et l’art. Exposer l’art contemporain sur des sites chargés d’histoire ou les jardins, c’est oser une confrontation anachronique entre l’oeuvre et son écrin historique. Cette relation inédite offre la possibilité d’un autre regard sur l’art et permet de renouveler le dialogue entre l’oeuvre, le lieu et le public.
A. K. : Qu’est ce qui a inspiré votre projet Hors-les-murs ?
V. A. : C’est Venise qui m’a inspirée, en tant que cité et ville d’art. Cette ville est a elle seule un lieu inédit, insolite, exceptionnel, « hors les murs » qui sait jouer avec la diversité des espaces, tant sacrés que profanes. Dans cette cité, rien ne résiste aux possibilités de montrer l’art, il est presque partout hors-les-murs et rend hommage au patrimoine. Le projet GARDEN PARTY répond également à une demande plus nette actuellement qui est celle de s’affranchir davantage des espaces marchands de monstration – les foires, les galeries – pour être apprécié différemment. L’art quitte son écrin urbain et part en « école buissonnière » en osant conquérir de nouveaux territoires pour être vu.
A. K. : Comment existe t-il aujourd’hui ?
V. A. : J’ai crée précédemment les expositions itinérantes CADAVRE EXQUIS et MINI BRUT, la première en hommage au jeu des Surréalistes avec comme thème principal le noir et le blanc, la seconde autour de l’art Outsider, l’art Brut et Singulier. Ces deux projets d’expositions se déroulaient principalement sur des sites hôteliers. Aujourd’hui, je développe des projets d’exposition en lien avec les sites historiques privés ou publics, cherchant à créer du lien avec la richesse de notre patrimoine. La rencontre avec Baudoin Lebon, fondateur du centre d’art La Chapelle à Clairefontaine (78) m’a offert l’opportunité de lancer la première édition de GARDEN PARTY sur un lieu chargé d’histoire, un ancien cloître et sa maison de maîtres.
A. K. : Comment désirez-vous le développer à l’avenir ?
V. A. : GARDEN PARTY est un projet qui évoluera davantage vers les saisons du printemps et d’été. Des propriétaires de châteaux mais également les gestionnaires de sites historiques sont intéressés à accueillir le projet. Il est envisageable de le développer sur plusieurs semaines, peut-être en y intégrant davantage d’événements et en faisant participer les galeries. Avec toujours une sélection rigoureuse d’oeuvres fédérées autour de l’identité du lieu.
A. K. : Désirez vous donner une nouvelle vision, proposition de l’art ?
V. A. : Pas particulièrement. Il suffit d’observer son environnement pour y déceler tout le potentiel esthétique. Cependant, je le souligne volontiers : avec les sites historiques, la relation à l’art me semble différente. Le site garde ses secrets et son potentiel d’exploration et d’expérimentation esthétique est grand, il s’impose à nous et nous accueille, c’est lui le commissaire d’exposition.
A. K; : Vous présentez Urbex dans les anciens bâtiments d’un cloître dominicain. Comment avez-vous choisi les artistes pour cet événement et qu’avez-vous voulu créer dans ce lieu avec cette exposition ?
V. A. : GARDEN PARTY pour sa première édition se déroule dans un bâtiment abandonné que nous qualifions d’urbex. J’ai choisi cinq artistes dont les oeuvres sont des installations et des sculptures présentées dans les pièces à vivre du « château », le bâtiment principal, le réfectoire et les couloirs. Il a fallu composer avec les contraintes techniques, un quadrilatère immense, un peu exposé au vent, dépouillé de ses fenêtres et apporter l’électricité. Chaque oeuvre évoque la présence et rend hommage aux soeurs qui toujours oeuvraient patiemment avec le peu qu’elles avaient et dans la joie. L’ensemble est profondément poétique et le parcours nous surprend avec le jeu de la lumière et de l’ombre, l’apparition inattendue des oeuvres. Celles-ci révèlent les quatre éléments – le feu, l’air, l’eau et la terre – et les techniques des artisans – le travail du métal et du bois, la couture, le tissu. GARDEN PARTY propose dans ce contexte, une revisitation du terme compris ici comme une exploration du jardin intérieur.
A. K. : Qu’aimeriez-vous que le visiteur retienne de cette exposition ?
V. A. : Une surprise et quelques émotions. Naturellement, ce lieu délaissé, envahi par la végétation ne laisse aucun indifférent. Le visiteur pousse des portes, déambule dans les couloirs, se laisse surprendre par des lumières, des ambiances, des oeuvres qui apparaissent parfois comme d’étranges présences. Avec cette GARDEN PARTY « urbex » qui se déroule à l’intérieur, nous sommes les invités.
Zoom sur les cinq artistes présentés à l’exposition.
Jean-Paul Matifat :
La Tente à fleurs de Jean-Paul Matifat annonce le parcours d’une GARDEN PARTY revisitée, qui défie nos habitudes et crée le doute. Elle est plantée au centre de la pièce de réception comme un immense bouquet rose accueillant.
Vincent Laval :
Tel un marcheur dans la forêt, Vincent Laval s’aventure plus loin dans les pièces abandonnées du cloître de La Chapelle. Dans l’ancien réfectoire, au centre de la pièce, l’artiste nous présente son offrande monumentale, l’oeuvre Plus loin dans la forêt II.
Nathalie Junod-Ponsard :
Dans les anciens bâtiments du cloître sur le site de La Chapelle de Clairefontaine (78), Nathalie Junod Ponsard transforme notre perception dans le déroulé de l’escalier d’honneur. Avec une installation inédite réalisée in situ pour la première édition du projet GARDEN PARTY, l’artiste invite, grâce à la lumière, à une autre lecture possible des espaces historiques.
Lélia Demoisy :
Dans le «château» de Clairefontaine, l’artiste présente une série de sculptures dont les ossatures, les matières et la présence plastique s’opposent parfois en fragile équilibre avec les vestiges architecturaux du lieu.
Juliette Minchin
La Veillée au Candelou est une oeuvre totémique, une personnification. Blottie dans les étages de ces bâtiments délaissés, elle s’affirme témoin silencieux de cette étrange GARDEN PARTY