Gaëlle Chotard, « Frémissements », Paris, galerie Papillon. Du 29 janvier au 19 mars 2022.

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Gaëlle Chotard, « Frémissements », Paris, galerie Papillon. Du 29 janvier au 19 mars 2022.

Gaëlle Chotard crée des sculptures extraordinaires en fils métalliques merveilleusement fins qu’elle crochète, d’un geste minutieux, à la loupe. Ou encore d’orageuses encres de Chine où naît un monde de flux et de reflux, d’encres et de d’aquarelles, en perpétuel mouvement. Une tempête, une divagation, un bouillonnement intime qui vient du cœur de l’être, de l’âme de l’être au monde. Elle dévoile à la galerie Papillon sa cinquième exposition intitulée Frémissements. Interview de Gaëlle Chotard dans l’exposition, galerie Papillon, par Anne Kerner.    

 

Anne Kerner : D’où est né le titre de l’exposition Frémissements ? 

Gaëlle Chotard J’ai fait un voyage en Italie et sur une plage, j’ai vu une grosse carcasse de voiture qui avait été tellement transformée par l’érosion, tellement travaillée par le temps, qu’elle ressemblait à un animal, comme si elle avait retrouvé un aspect naturel, retrouvé la nature. Sa couleur aussi était très belle, très forte. Il y a une énorme beauté dans les objets abîmés, naufragés, échoués sur le sable après avoir été remués par les fonds marins. Dans ces périodes de confinement, j’étais dans mon atelier entourée par la nature avec ce sentiment d’être en vie et en même temps je travaillais sur des formes qui me semblaient en état de survie. Le mot frémissements parle de ce sentiment de vie qui est encore là. On ressent qu’il existe encore quelque chose, peut-être une fragilité de la vie.

 

A.K. : Dès que l’on arrive dans l’exposition, on voit votre nouveau travail d’encres de très grand format. Comment est-il né ? 

G.Ch. : Pendant les confinements, beaucoup de choses ont été annulées, j’avais du temps. Du coup, pour la première fois,  depuis deux ans, j’ai réalisé de grands formats. J’ai travaillé au sol de grands morceaux de papiers que je place sur toute la surface de l’atelier.  Je fais des grands bains d’encres qui rentrent très doucement dans le papier. Cela permet de multiplier les strates, une préoccupation qui est au centre de mon œuvre. Il y a toujours, en effet, cette idée de couches, de superpositions de couleurs différentes qui sont plus ou moins sombres. Je remplis donc des zones d’encres, je rajoute de la couleur d’un côté, je dilue de l’autre, et suivant l’évolution, je continue. Toute la surface est recouverte. J’aimerais rendre la profondeur des abysses d’un fond marin. La profondeur qui est aussi au fond de nous, bien sûr.

 

A.K. : Vous êtes toujours à l’écoute de la matière …. 

G.Ch. : Oui, les formes sont aléatoires. Dans mes dessins, en général, je provoque des flaques de couleurs qui vont s’intégrer dans la feuille, puis je vois ce qu’il se passe… Je découpe ensuite le papier en fonction des formes, je gère ce processus avec beaucoup de minutie.  Je me permets également de déchirer. Je ne sais pas où cela s’arrête.  Les superpositions se poursuivent et je remets de l’encre, puis je termine par un travail avec des traits assez fins.

 

A.K. : Que trouvons-nous de nouveau dans votre exposition ? 

G.Ch. : Il y a beaucoup de choses nouvelles pour moi, comme la couleur que je n’avais pas encore utilisée et dont on a vu les prémisses sur le stand de la galerie Papillon au dernier salon Drawing Now Alternative en 2021. C’est une vraie problématique, la couleur, car on a toujours peur de tomber dans l’aspect « décoratif ». Ajouter de la couleur n’est pas un acte gratuit. Dans mes œuvres, elle est toujours liée aux éléments. Elle n’est jamais « ajoutée ».  Et elle apporte quelque chose de joyeux par rapport au noir et blanc. Pour les formes tissées de fils métalliques, j’utilise des couleurs comme les gris et les noirs qui symbolisent la pureté du dessin. J’y ai ajouté aussi parfois de la couleur.  Ce sont les couleurs même de la matière. Celles des fils de cuivre et celle de leur oxydation qui m’intéresse. D’ailleurs, c’est quelque chose que j’aimerais bien essayer, l’oxydation de mes pièces… Peut-être les plonger dans l’eau, dans la mer, je ne sais pas encore…

Ce qu’il y a de nouveau aussi, c’est l’apport de plâtre. Mon travail fait toujours le pont entre le dessin et la sculpture. Et utiliser le plâtre permet de me rapprocher de la sculpture. Souvent mes pièces sont installées sur le mur, elles rentrent dans celui-ci, elles s’y intègrent , et mes nouvelles sculptures en plâtre permettent de rendre mes œuvres indépendantes du mur, tout en utilisant sa matière, et d’en faire des volumes, de prendre une nouvelle liberté. Et puis le plâtre, c’est le croquis, l’ébauche de la sculpture. C’est Rodin…

 

A.K. : Comment sont composées ces œuvres en plâtre ? 

G.Ch. : A l’intérieur des pièces, Il y a une armature métallique, un grillage, donc en fait, les morceaux qui sortent du plâtre prolongent cette ossature.  Mon travail part aussi toujours d’un centre, d’un nœud, et puis d’une disparition progressive… C’est une histoire, comme dans le dessin, de dégradés, on part du sombre vers le blanc de la feuille.

 

A.K. : Vous mélangez désormais le dessin et le fil métallique ? 

G.Ch. : C’est toujours le questionnement d’une recherche artistique, comment fait-on pour évoluer, avancer et croiser les choses en fait… Dans le dessin, comme j’utilise des papiers que je déchire, je crée des épaisseurs avec l’aquarelle et le fil métallique vient s’y intégrer. Quand les fils tombent, dépassent du dessin, on a vraiment une impression d’infini. C’est cette idée que cela ne s’arrête pas.

 

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