Si le PhotoBrussels Festival a comme point de départ l’exposition thématique du Hangar, il se déploie également dans la ville au travers d’un parcours d’expositions photo : le Festival Tour. Ainsi, Hangar et les expositions partenaires (musées, galeries, centres culturels, écoles, librairies) joignent leurs forces pour fédérer autour de la photographie, notamment au travers de divers évènements.
Delphine Dumont, Directrice du Hangar, Fondatrice du PhotoBrussels Festival explique le choix du thème « Aimer les arbres » pour cette année 2022.
En photographie, le thème de l’arbre est à la fois ancestral et universel. L’arbre est grand. Trop grand par rapport à la focale de l’objectif. Il faut alors user de subterfuges pour en avoir une image entière et nette ! Remettons-nous-en, le temps d’une exposition, aux artistes photographes, à ceux dont l’écriture artistique, personnelle et technique nous feront nous sentir « À l’ombre des arbres ».Si on devait les catégoriser par variétés ou espèces, on s’intéresserait d’abord aux portraitistes de l’arbre. Une forme artistique qui séduit lorsque la technique est parfaitement maîtrisée, la vision de l’artiste, originale. Portraitistes, paysagistes ? Observer la figure de l’arbre appelle à la méditation et à la quiétude. C’est à cette contemplation que nous invite Beth Moon en inventoriant les arbres les plus vieux du monde. Nicolai Howalt serait tombé sur leur ancêtre en Suède. Un bien vieil arbre aux branches en berne, dont les scientifiques attestent de la présence de racines depuis 9500 ans. On regardera avec fascination le parcours de la caméra d’Enrique Ramírez le long du tronc d’un alerce de 3500 ans, le « Gran Abuelo » aîné de ses pairs en Amérique du Sud. Même dans le tourbillon de la ville, les arbres méritent qu’on leur tire le portrait, comme à New York, avec les arbres immigrants de Mitch Epstein ou à Séoul, avec les spécimens graphiques de Kim Jungman. On peut s’arrêter et observer ces écorces et branches qui nous entourent comme
des monuments, avec vigueur parfois. Même lorsqu’ils sont artificiels et décoratifs (Olaf Otto Becker). Edward Burtynsky nous fait presque entendre le bruissement
de ces taillis captés pendant le lockdown autour de sa ville, Toronto. En pleine pandémie, il s’est tourné vers ces buissons pleins de vie, cherchant un sens dans cet apparent désordre.
Les arbres ne sont pas seulement des sujets à part entière, ils sont aussi, lorsqu’ils deviennent forêt, au centre de sociétés et communautés. L’Homme aime et a besoin de se tenir à l’ombre des arbres. L’arbre est fort et réconfortant. Le photo journaliste Pascal Maitre a été, entre deux conflits, à la rencontre des habitants du Sud de Madagascar pour qui, le mystérieux baobab devient source de (sur)vie. En Finlande, dont la culture est résolument basée sur les forêts, Jaakko Kahilaniemi a trouvé, dans celle dont il a hérité, l’apaisement et l’inspiration. On l’imagine foulant les sols enneigés de cette sapinière en en auscultant la moindre aiguille de pin. De même, encore au Nord, Terje Abusdal nous invite à découvrir une communauté d’habitants dont les ancêtres pratiquaient la culture sur brûlis, en symbiose avec la nature.
In the Shadow of Trees aborde évidemment la question environnementale sinon ce serait « l’arbre qui cache la forêt ». Nombreux sont les artistes qui évoquent les
« poumons » du monde. Les vidéastes Persijn Broersen et Margit Lukács nous transportent dans un monde enchanteur inspiré par l’une des dernières forêts primaires européennes, Białowieża, aussi menacée que les autres. On suivra avec émotion les traces d’Eric Guglielmi, amoureux de la forêt du Congo qu’il aura exploré des années durant, avec sa chambre technique sur le dos, à la rencontre des habitants d’un « paradis perdu ». Une quête brutalementinterrompue en juin dernier par la disparition de l’artiste. Cette forêt tropicale est le deuxième plus grand puits de carbone du monde, après l’Amazonie, et couvre six pays d’Afrique Centrale.
L’Amazonie, toujours au cœur des préoccupations et des débats, n’a pas été oubliée. Pablo Albarenga a saisi le « cri » d’indigènes que rien n’arrêtera pour sauver leurs forêts. Devra-t-on passer sur ces corps allongés tels des troncs coupés pour poursuivre le massacre en cours en Amazonie ? Avec Aya, Arguiñe Escandón et Yann Gross effectuent un retour aux sources et interrogent notre rapport à ces contrées « lointaines », entâché par notre vision occidentale. Le photographe Jeroen Toirkens etle journaliste Jelle Brandt Corstius nous informent sur les particularités des forêts boréales à travers un travail documentaire ambitieux qui nous emmène d’un pays à l’autre, jusqu’aux frontières du Pôle Nord.Denrée précieuse et symbole de bien-être, l’arbre est, aux yeux des artistes, un organisme d’une puissance physique et visuelle inestimable. Kíra Krász réalise une belle analogie entre l’arbre qui « meuble » nos maisons et l’arbre-cabane dans lequel nous, enfants, rêvions de trouver refuge. Benjamin Deroche les habille et les décore in situ, dansles forêts de France, afin d’exacerber leur pouvoir méditatif. Comme un rite de deuil, Yutao Gao s’est consolé en caressant les branches d’un pêcher en fleurs. Une ode à la vie malgré tout.
D’autres artistes utilisent ce pouvoir visuel de l’arbre pour explorer le médium photographique. Mustapha Azeroual en fabrique des sculptures et déconstruit le motif alors que Bruno Roels utilise le palmier, symbole de paradis par excellence, pour jouer avec le processus photographique. Tous deux partagent un même amour pour l’arbre et son immense champ de références.
Finalement, à travers leurs projets, tous les artistes veulent prendre soin des arbres et attirer notre attention sur leur besoin de protection. Enrique Ramírez, à travers sa vibrante vidéo Jardins Migratoires, nous montre un petit arbre qui passe délicatement de bras en bras au long d’un parcours terrestre et fluvial qui le ramène à la nature. Cet artiste chilien a aussi sillonné et photographié, en 2009, les campements de Calais pour y dénoncer les abris de fortune cachés dans les futaies. C’est un fait, les migrants n’ont souvent comme seul refuge, sur ces terres européennes pas toujours hospitalières, que « l’ombre d’un arbre ».
A l’ombre du Hangar, découvrons donc une myrïade d’artistes qui, par leur talent, leur engagement et leur amour des arbres, nous ont profondément touchés. Delphine Dumont
Artistes sélectionnés pour l’exposition In the Shadow of Trees :
Terje Abusdal (NO)
Pablo Albarenga (UY)
Mustapha Azeroual (FR/MA)
Olaf Otto Becker (DE)
Jelle Brandt Constius & Jeroen Toirkens (NL) Persijn Broersen & Margit Lukács (NL) Edward Burtynsky (CA)
Mitch Epstein (US)
Arguiñe Escandón (ES) & Yann Gross (CH) Eric Guglielmi (FR)
Nicolai Howalt (DK)
KIM Jungman (KR)
Jaakko Kahilaniemi (FI)
Pascal Maître (FR)
Beth Moon (US)
Enrique Ramirez (CL)
Bruno Roels (BE)
Lauréats du Prize :
Benjamin Deroche (FR) Yutao Gao (CN)
Kíra Krász (HU)