Ceux de la poésie vécue
Ernest Pignon-Ernest multiplie les interventions par les rues et sur les murs des villes en compagnie de poètes irréductibles, capteurs de signes, porteurs de paroles, de révoltes, d’utopies. De Rimbaud à Antonin Artaud, de Nerval à Robert Desnos, de Verlaine à Pier Paolo Pasolini, de Federico García Lorca à René Char, sans oublier Baudelaire, Apollinaire, Cendrars, Maïakovski, Éluard, Aragon, Michaux, Hikmet, Neruda, Genet, Mahmoud Darwich, il n’a cessé de fixer avec eux des rendez-vous complices.
La poésie a la vie dure, même si on l’annonce régulièrement à l’article de la mort. C’est que pour ceux qu’exaspère l’ordre meurtrier du monde, la poésie est affaire d’engagement existentiel. Elle garde trace des expériences vécues et des risques pris. Elle dit le réel, mais en le révélant plus vaste, et d’une prodigieuse intensité. Elle conjugue visible et invisible, sursauts intimes et songes partagés. Elle s’impose comme le chant profond des vivants qui ne renoncent pas aux effractions, aux abîmes, aux combats, ni aux enchantements inouïs de la vraie vie.
Considéré comme le précurseur de l’art urbain, il est aujourd’hui une figure incontournable et populaire de la scène artistique. Unique par sa tenue éthique et esthétique, son parcours quelque soit les thèmes abordés, a réussi le rare prodige de concilier un engagement sans concession ni reniement avec une expression artistique d’une extrême exigence, au point que certaines de ses images, notamment les fusillés de la Commune, ou son Rimbaud vagabond reproduit à des milliers d’exemplaires, sont devenues de véritables icônes des temps modernes. Inscrites ainsi dans les lieux, les évènements qui leur donnent tout leur sens, ces images sont livrées au caprice du temps jusqu’à disparaître. Ne restent que les croquis, les esquisses préparatoires, les dessins matrices des sérigraphies et les photographies in situ que réalise l’artiste. Pensée par Ernest Pignon-Ernest, l’exposition à la chapelle du Méjan, bâtie sur ces oeuvres propose la découverte d’un processus de travail, l’exposé d’une démarche novatrice, retrace l’ensemble d’un parcours d’exception, sensible, sensuel, alerté, d’une création qui exalte la mémoire, les mythes, la poésie, les révoltes, les personnalités hors norme, toujours en prise sur le qui-vive. Ernest Pignon-Ernest investit l’architecture de la chapelle Saint-Martin du Méjan.