Quatre merveilleux artistes de quatre galeries différentes se retrouvent autour du thème des divagations amoureuses à la galerie de Ségolène Brossette, rue Guénégaud à Paris. Odonchimeg Davaadorj (Backslash Gallery) Marielle Degioanni (Galerie Da-End) Julien Serve (Galerie Analix Forever) Bertrand Robert (Segolene Brossette Galerie) offrent une promenade délicatement somptueuse.
Nous avons gardé le très beau texte de Madeleine Filippi qui présente cette exposition.
« Signes. Soit qu’il veuille prouver son amour, soit qu’il s’efforce de déchiffrer si l’autre l’aime, le sujet amoureux n’a à sa disposition aucun système de signes sûrs. », Fragments d’un discours amoureux, Roland Barthes. Chapitre : L’incertitude des signes.
L’exposition Divagations amoureuses, inspirée du livre de Roland Barthes Fragments d’un discours amoureux est une réflexion sur le paradigme de la solitude amoureuse.
Ce texte qui a pour ambition de donner voix à l’amoureux, réussit le tour de force de toucher à l’universel, car il parle de vécu, du vécu humain. On se reconnait tous ici dans l’amoureux. Il se fait l’écho de cet individu qui, pour reprendre l’auteur, « parle en lui-même, amoureusement, face à l’autre »face à l’être aimé, qui lui ne s’exprime pas signe que le discours amoureux est finalement toujours d’une extrême solitude.
L’amoureux attend, s’angoisse, jalouse, déclare, doute…
Tout au autant d’états, que les artistes de l’exposition à l’instar de l’auteur traversent et dont ils se saisissent.
Loin d’une simple adaptation formelle du texte de Roland Barthes, l’exposition de groupe Divagations amoureuses entend interroger le paradigme de la solitude amoureuse au sein de ce discours intimiste. Le parti pris de l’exposition collective n’est pas anodin, il évoque par la pluralité des discours une « mise en échos », symbolisant cette folie lancinante intrinsèque à l’amour.
Cette mise en abyme crée, une rythmique, à moins qu’il s’agisse d’un indice ? Un fil rouge, que le spectateur, plongé dans ce labyrinthe de la pensée peut saisir.
En effet, il y a ici quelque chose qui convoque une expérience mnésique avec la répétition sérielle de certains artistes. Ils parviennent à souligner au sein du discours intérieur de l’amoureux, cette folie dans laquelle il nous plonge. Ainsi les œuvres semblent à la fois surgir et se répondre, créant par la même occasion la sensation d’être plongée au cœur de la psyché d’un amoureux, face à l’ensemble de ses manifestations conscientes et inconscientes qui peuvent raisonner en lui comme un déjà vu.
Ainsi, le spectateur sera troublé par l’aspect sensoriel des œuvres d’Odonchimeg Davaadorj ou Marielle Degioani qui invitent au toucher. Puis, il découvrira la série Hallucinose amoureuse de Julien Serve qui évoque une vision platonicienne de l’amoureux. De cet être double, androgyne, avec ses dessins à l’encre, de ces corps qui s’entremêlent… de l’autre amputé de sa moitié… Quant à Bertrand Robert, c’est clairement l’approche psychanalytique du texte de Roland Barthes qui l’a inspiré. La présence du verbe dans ses dessins évoque ce discours intérieur lancinant.
Le titre de l’exposition renvoie à une perte de contrôle… une folie douce à laquelle on ne cesse de vouloir céder. L’exposition Divagations amoureuses est pensée comme une ode à l’amour et au lâcher prise nécessaire et inéluctable. C’est si intimiste, si intemporel et en même temps si multiple, car l’amour est multiple. Le « je » du narrateur – ici l’artiste – de l’amoureux, est multiple. Il pourrait être vous, eux, toi, lui ou elle. En ce sens l’exposition n’est pas un simple « fragment » d’un discours amoureux mais une divagation, dans laquelle on espère que l’Autre – l’être aimé(e) vienne nous délivrer ».