David Nash. L’eau, l’air, le feu.
Une œuvre de David Nash émeut sans précaution. Sans détour. Elle se donne et se livre. Tellement silencieuse mais d’une force absolue. Avec l’impact d’une réalité non filtrée ou recomposée selon des schèmes esthétiques. La réalité immédiate sous son aspect le plus concret, le plus indéfini : la matière. Tout l’art de Nash consiste à révéler à travers le bois, son matériau de prédilection, la Nature. La Vie même. « Plutôt que d’élaborer une idée et d’essayer de trouver la pièce adéquate, je me suis toujours laissé séduire par le matériau. Tout me vient de lui, de sa forme et de son essence », confie l’artiste britannique installé depuis plus de quarante ans au nord du Pays de Galles. Là, le sculpteur regarde autour de lui. Entre en symbiose. Ecoute le moindre crissement de l’écorce chauffée par le soleil, les plaintes d’une ramure sous la pluie. Et le voilà qui converse avec la forêt et ses arbres, les troncs et ses branches… Il se laisse solliciter, envahir et séduire. Par les lignes et les ramifications infinies, les reliefs imprévisibles et les plissements soudains, les vastes étendues lisses et les crevasses inattendues. Envouté. De retour à l’immense atelier, une ancienne chapelle dont la lumière traverse les vitraux pour se poser sur son musée personnel et ses colonnes sans fin qui tendent vers les cieux sur les traces de Brancusi qu’il admire tant, David Nash tresse, entrelace délicatement de jeunes pousses ou coupe et cisèle le bois avec une tronçonneuse ou le taille encore avec un chalumeau. Rien que lui et la nature. L’air, l’eau et le feu. Il œuvre avec le respect du tailleur de bonsaï et la maîtrise du calligraphe chinois. Il appelle le geste rapide et précis de l’unique trait de pinceau du Moine Citrouille-Amère. Sa main est aussi sûre dans le tracé du dessin, des pastels, des fusains que dans la réalisation d’une sculpture parfois si monumentale et fragile qui se lance dans un élan vertical rythmé et harmonieux pour lier le sol et le ciel, le terrestre et le spirituel. Partout cet amoureux fou des formes simples comme le carré, le triangle et le cercle, métamorphose un arbre en spirale ou pyramide, en formes aussi inattendues les unes que les autres mais toujours géométriques et fondamentales. David Nash travaille ainsi, depuis les années soixante- dix, la substance des choses, comme pour en provoquer l’ouverture. Mieux. En interroger l’origine et montrer le chemin. Anne Kerner.