David Hockney
Les premiers matins du monde.
Créateur passionné et polymorphe, expérimental et jusqu’auboutiste, l’artiste britannique David Hockney, s’est rendu célèbre par ses portraits, ses paysages et ses natures mortes. La galerie Louis Gendre présente un superbe ensemble de dessins numériques et d’œuvres réalisées sur iPad.
David Hockney fait voir « plus », comme il le dit à propos de Monet. « Parce que lui-même voyait plus ! C’est ce qui est magique dans la peinture, cette capacité à faire voir le monde plus attentivement ». Et c’est avec ce plaisir, cette jubilation, cette délectation, qui rappelle encore « l’équilibre et la sérénité » de Matisse, que l’artiste portraitise ses frères, ses amis, Jamie et Dominic, capture les paysages grandioses de Yosemite en Californie, regarde les objets les plus simples, cendriers ou prises de courants posés devant lui. Et cherche comme tous les grands maîtres, de Fra Angelico à Picasso, l’instant et le moment fugace. L’« impression ». Les reflets de la lumière sur la matière, le lever du soleil ou son coucher nocturne dans l’ombre de la forêt. L’émotion du regard.
Inventeur polymorphe et expérimental, il décline un univers passionnément coloré en bousculant toutes les techniques, peinture à l’huile, acrylique, aquarelle, crayon, fusain, encre, collage, lithographie, photographie… Après avoir découvert que l’iPhone lui permettait de dessiner immédiatement ses premières sensations matinales alors qu’il venait de se réveiller, David Hockney, découvre, en 2010, l’écran plus grand de l’iPad. Et invente, à plus de 70 ans, l’œuvre d’art numérique. « Il m’a beaucoup servi à voir les effets parce que le dessin y est rétro-éclairé », explique David Hockney ouvrant un nouveau monde à la peinture. La réponse du geste est encore plus rapide. Sa vivacité et sa vitesse s’amplifient. Ici, les jeux entre la lumière, la couleur et la ligne se resserrent. L’artiste frôle encore plus précisément ces moments de vie, ce « sentant-senti », dont parle Merleau-Ponty. Captée, touchée, domptée, l’expérience du temps.
Alors qu’il vit désormais en Normandie, David Hockney dessine toujours sur son iPad, et s’exprimait ainsi pendant le confinement : « c’est un medium plus rapide que la peinture. J’y avais déjà eu recours voilà 10 ans, dans l’East Yorkshire, quand cette tablette était sortie. Pour un dessinateur, la rapidité est la clé, même si certains dessins peuvent me prendre quatre à cinq heures de travail. »
L’immense artiste contemporain expérimente toujours et sait. Il sait, à 83 ans, qu’il joue et rejoue avec ses yeux et ses mains, sans cesse, le cycle de la vie. L’amour et les passages du temps. Les premiers matins du monde. Anne Kerner