Clément Cogitore a remporté le lundi 15 octobre 2018 la 18ème édition du Prix Marcel Duchamp avec l’œuvre The Evil Eye, produite et réalisée par la galerie Eva Hober.
Avec The Evil Eye, Clément Cogitore aborde une relation aux images et aux grands récits fondée sur l’emploi de vidéos issues des banques d’images (Getty, Shutterstock…), grandes pourvoyeuses de formes destinées aux fins publicitaires et télévisuelles les plus diverses. Tournées sur fond vert, elles opèrent une sommation de postures stéréotypées, de gestuelles génériques adaptables à l’envie sur des décors ajoutés en postproduction. Elles participent d’une histoire étonnante des techniques de manipulation et de persuasion des foules, issues des premières théories de la psychologie des masses de Gustave Le Bon à la fin du XIXe siècle et des techniques inventées par Edward Bernays. Ce dernier, d’abord conseiller pour le gouvernement américain en 1916 afin d’obtenir de la population le consentement pour une entrée en guerre impopulaire, fut au service des plus grandes compagnies américaines pour la mise en place des stratégies consuméristes les plus redoutables.
Le fond vert, quant à lui, trouve ses sources dans les premières surimpressions expérimentées par Georges Méliès dès la fin du XIXe siècle, avant son emploi intensif en publicité comme au cinéma, avec la vidéo analogique puis avec le numérique.
En procédant à la sommation de ces images sans qualité, surexposées par la puissante luminescence d’un écran de leds monumental, Clément Cogitore révèle la vision dystopique d’un bonheur saturé de sourires, de mouvements de chevelures au ralenti, de beautés artificielles dévitalisées, véritables injonctions hypnotiques destinées à susciter les instincts d’achat les plus inconscients.
Sur les images, une voix de femme adresse à l’être aimé une supplique incantatoire : elle est la voix clamant dans le désert d’un matérialisme totalitaire, voix suppliante, vindicative, prédictive. Entre archaïsmes et récits apocalyptiques actuels, elle accompagne les images d’un chant élégiaque de plainte et de terreur adressé à une humanité en déréliction.
L’œuvre The Evil Eye de Clément Cogitore a été produite et réalisée par la galerie Eva Hober avec le soutien de Noirmontartproduction, Kazak Productions, ARTE, CNAP et Henri Ellam & Associés.