Christian Boltanski tient sa magie de la simplicité. Et c’est peut être ce qu’il y a de plus dur à accomplir. Son questionnement, toujours le même, sur la mémoire, revient de lieu en lieu, partout dans le monde, dans des endroits qu’il choisi à chaque fois « habités ». Dans cette église d’Amsterdam, il utilise son langage fait de vêtements, de lustres, de petites lumières et de projections posées au bon endroit. Toujours. Là où l’âme est touchée.
Cet automne, l’église Oude Kerk à Amsterdam accueille une exposition in situ de grande envergure de Christian Boltanski. Faisant partie des artistes contemporains de renommée mondiale, son œuvre traite de la mémoire et de la commémoration. Dans un lieu de mémoire, telle que l’église Oude Kerk, forte de ses huit siècles d’histoire et ses 2 200 pierres tombales, les œuvres de Boltanski trouvent un cadre qui leur correspond parfaitement. Il y crée une composition spécifique à ce site, formée de plusieurs installations distinctes qui, chacune, pose la question existentielle de ce qui advient après la mort. Compte tenu que Boltanski a fait un pari sur sa propre vie qui arriverait à échéance cette année, ce travail a une teneur autobiographique évidente.
Na (Après) sera une exposition qui devrait avoir un impact certain sur les visiteurs. Ces installations, délibérément imposantes et dont la taille est à l’échelle de cette église séculaire, interpellent le visiteur, parfois même au sens littéral du terme. Plus de cinquante tombes noires à taille et hauteur variables, surgissent au-dessus des pierres tombales existantes et enrichissent le pavé de l’église d’une nouvelle dimension architecturale. Au milieu d’elles sont disposés des « hommes qui marchent » qui, lorsque l’on s’en approche, interpellent le visiteur de questions telles que : « Dis-moi, es-tu seul ? » ou bien « Dis-moi, comment es-tu mort? ». En outre, dans la nef de l’église se trouve un amoncellement de manteaux appartenant à de nombreux habitants d’Amsterdam. Après l’exposition, ces vêtements seront restitués à leurs propriétaires. Les autres œuvres seront détruites. Christian Boltanski précise : « Une église telle que Oude Kerk est un lieu propice à la réflexion. On y passe un certain temps. Et après, on repart dans la ville avec ses voitures et ses magasins, et dans sa propre vie ».
Christian Boltanski
Fasciné par la mémoire collective et par le caractère transitoire de la vie et du temps qui passe, Christian Boltanski (né à Paris en 1944) a développé une œuvre impressionnante de sculptures, films et autres installations qui explorent ces thèmes, directement ou indirectement. Il utilise volontiers des objets trouvés comme ce fut le cas pour « No Man’s Land » (Drill Hall, New York, 2010), imposante montagne de vêtements usagés, avec en fond sonore le bruit de battements de milliers de cœurs humains soulignant ainsi l’anonymat et la finalité de la condition humaine. En 2008, il crée à Naoshima au Japon « Les Archives du Cœur », recueil sonore de battements de cœurs humains. Il participe régulièrement à la Biennale de Venise, notamment en 2011 avec l’installation « Chance », et son travail a été récompensé par de nombreux prix, nationaux et internationaux. Ses œuvres font partie des collections des musées les plus prestigieux parmi lesquels le MoMA (Museum of Modern Art, New-York, USA), the Tate Collection (Londres, Royaume-
©MaartenNauw
Uni) ou le Museum De Pont (Tilburg, Pays-Bas). Ce dernier a d’ailleurs accueilli, en 1996, sa dernière exposition personnelle.
Programme autour de l’exposition
En parallèle à cette exposition, une série de concerts matinaux, « Silence », proposent des passerelles musicales aux œuvres de Boltanski, tant au niveau spatial que conceptuel. Le programmateur de ces concerts, Jacob Lekkerkerker, collabore étroitement avec le compositeur Frank Krawczyk. Au printemps dernier, Boltanski a créé, avec Frank Krawczyk et Jean Kalman, un opéra collectif à Bologne, en Italie.
Par ailleurs, le Musée historique juif d’Amsterdam est responsable d’un projet pédagogique en direction principalement des lycées, qui vise à inciter les jeunes à s’interroger sur les différents modes de commémoration. Un programme « on line » et « off line » met l’accent sur la manière dont on approche la commémoration à l’âge du numérique. Que se passe-t-il sur le Net après notre mort ? Notre profil nous survit-il ?
Pendant l’Amsterdam Art Weekend (du 23 au 26 novembre2017) l’Oude Kerk a invité Hans Ulrich Obrist, (le commissaire d’exposition considéré comme l’une personnalités les plus influentes du monde de l’art) pour un entretien avec Boltanski sur son travail et l’exposition dans l’Oude Kerk.