Christelle Téa, dessiner le monde.

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Christelle Téa, dessiner le monde.

Cheveux relevés coiffés d’un Bibi, une allure des années 1950 et un trait désormais reconnaissable entre tous, Christelle Téa imprime sa marque et sait où elle va !

 

Depuis toute petite d’ailleurs. Quand un soir d’ennui, dans le restaurant tenu par ses parents, elle s’empare du bloc note et du stylo bille de sa mère, le dessin devient son moyen d’expression. De liberté. Pour toujours. Française d’origine chinoise, l’artiste tient au bout de ses doigts les savoirs et la dextérité de ses origines. Et pratique aujourd’hui, à Paris, sur le vif et à main levé, sans aucun repentir, une nouvelle manière de ce que ses ancêtres appellent l’Unique Trait de Pinceau. A peine sortie brillamment diplômée des Beaux Arts en 2015, Christelle Téa se promène dans le monde avec son atelier. Juste un carton à dessin, une plume et un flacon d’encre. Partout, dans ses résidences, en Chine, en Inde, à Budapest, ouentre les murs du superbe musée parisien Jean-Jacques Henner, elle réalise des milliers de portrait des villes, des marchés, des gens, du gardien au conservateur en passant par l’escalier ou la bibliothèque. Partant toujours d’un détail pour construire par séries une oeuvre minutieuse et bouillonnante, elle donne un constat fidèle d’une réalité observée. Ca grouille, fourmille, foisonne. A n’en plus finir. Mais pas de traces de chaos ici. Non. Une description plutôt jubilatoire de ce qu’elle que son oeil capte et saisit. A bien y regarder, elle invente un exceptionnel portrait psychologique, ethnologique et sociologique monde. Regardez biens se portraits de famille. Rien n’est laissé au hasard. Car son regard, s’il se pose sur les divines moulures baroques des appartements bourgeois, saisi aussi, sans condescendance, la personnalité de chacun. Il y a peu de temps encore, à Paris, une attestation de travailler à l’extérieur refusée, elle s’installe à la table de sa cuisine et regarde autour d’elle. Pendant un mois, elle livre un catalogue quotidien sur les objets usuels de sa maison, avec la publication du dessin du jour ,chaque soir, sur son instagram. Actuellement en résidence au Muséum d’Histoire Naturelle, où elle croque avec délice les coulisses du lieu, elle projette aussi un bien poétique et gourmand projet intitulé « la meilleure cuisine, c’est celle de maman ».

 

Nous en avons profité pour l’interviewer.

 

Anne Kerner : Comment avez-vous découvert le dessin ?

 

Christelle Téa : Au collège, nous avions des cours d’arts plastiques. Notre professeur nous montrait des diapos de Picasso, de Monet, de Vinci, d’Arcimboldo…. C’est grâce à l’Education Nationale que j’ai déjà pu voir des oeuvres en deux dimensions. Ensuite j’ai demandé au professeur d’arts plastiques où l’on pouvait voir ces oeuvres et elle m’a donné les noms des musées comme le Louvre, Orsay, le Centre Pompidou et d’autres. C’est elle qui m’a conseillé aussi les écoles d’art. Je ne savais pas qu’artiste pouvait être un métier. Dans mon enfance je vivais à Pontault-Combault en Seine-et-Marne. Je venais souvent à Paris car mes parents y avaient un restaurant. Tous les jours après l’école, nous allions au restaurant avec mes parents et nous restions jusqu’à l’heure de fermeture parfois jusqu’à une heure du matin… quand il n’y avait plus de clients. Je m’ennuyais tellement que ma maman m’a passé son bloc note avec son stylo à bille. C’est comme cela que j’ai commencé à dessiner.

 

A.K. : Le dessin est devenu votre moyen d’expression ?

 

Ch.T. : C’est devenu mon langage d’expression car petite je ne parlais pas vraiment le français car ma langue maternelle était le teochew, un dialecte chinois. Le dessin m’a permis de me libérer, de m’exprimer.

 

A.K. : Quel est votre parcours ?

 

Ch.T. : J’ai fait un bac scientifique et obtenu le concours de l’école Olivier de Serres. J’ai suivi des cours de graphisme/pub/édition. Ensuite j’ai réussi le concours au Beaux-Arts de Paris et je suis entrée dans les ateliers de Patrick Tosani en photographie et Philippe Comar en dessin. J’ai suivi une double formation à la fois en chant lyrique au Conservatoire de musique du 16è arrondissement. Finalement j’ai choisi le dessin car en musique on n’est qu’interprète, toujours dirigé, alors que dans le dessin, on est notre propre chef. On est le maestro ! Je trouve cela magnifique, d’avoir une page vierge et de créer une oeuvre.

 

A.K. : Que faites-vous pendant le confinement ?

 

Ch.T. : Je dessine sur une sorte de table à découper. Je pose l’objet sur cette table et je le dessine. Je réalise en moyenne trois dessins de trois objets différents par jour. En ce moment je prend un format 18X24cm avec de l’encre de chine et l’aquarelle. Je travaille souvent par série donc j’utilise toujours le même format. Toujours en direct, sur le vif, sans ébauche. Cela dépend de la complexité et des détails de l’objet. Hier par exemple, j’ai mis quatre heures pour réaliser le dessin de « Hansel et Gretel ».

 

A.K. : Comment travaillez-vous ?

 

Ch.T. : Je ne travaille que d’après motif. Pour moi, c’est trop facile de travailler à partir de l’imagination, c’est plus difficile de retranscrire quelque chose qui existe et de le rendre mystérieux. Ce que j’ai envie de rendre c’est le détail. Que ce soit dans un bloc opératoire, dans la rue ou dans un musée, ce qui m’attire est le détail. Quand je commence un dessin je pars de là. Dans un white cube, je vais m’ennuyer.

 

A.K. : Quels sont vos projets ?

 

Ch.T. : Ma prochaine exposition personnelle au musée Cognac Jay a été reportée. Je présente des dessins réalisés in situ dans le musée mais aussi des dessins consacrées aux quinze musées de la Ville de Paris. Je les ai tous dessinés. Il y aura aussi une série de ma collection de « Bibis ». Je performe aussi comme je l’ai fait pour ma première résidence d’artiste au musée Jean Jacques Henner où dans de très grands formats, plus grands que moi, je dessinais le visiteurs. J’ai des facilités pour dessiner dans tous les formats. En ce moment je suis en résidence d’artiste au Museum d’Histoire Naturelle à Paris où j’ai l’autorisation de parcourir les coulisses. Je viens de finir un projet sur les chiens de la SPA et mon prochain livre est consacré à des recettes de cuisine. Il est intitulé « La meilleure cuisine, c’est celle de maman ».

 

Galerie Jean Brolly, 16 Rue de Montmorency, 75003 Paris. Téléphone : 01 42 78 88 02