Florence Cantié-Kramer utilise tous les matériaux qu’elle aime utiliser. Les mots, la lumière, la cire… et façonne un univers incroyablement superbe et unique. Du grand art.
« Les mots dessinés et sculptés par Florence Cantié-Kramer sont plus que des signes. “Mot pour mot” – comme la promesse d’une parole donnée ou la vengeance selon les préceptes du talion, les mots sont ici pris en tant que matériau à la fois poétique et plastique : leur sens s’accompagne du son de leur lecture intérieure, in petto. C’est sans doute le lien entre le son et l’idée qu’ils véhiculent qui favorise leur présence, en tant que tels. Les écrits ainsi façonnés sont disséminés sur le quadrillage de couvertures de survie, la lumière noire qui les habille y projetant un reflet bleu. Ces bouteilles à la mer égrènent des messages dont le sens reste ouvert : glorious, imagine, where are we now, heroes, lies lies lies, ahava (amour en hébreu), why not, Dieu fumeur de Havane, … – certains y reconnaîtront les formulations de Gainsbourg, David Bowie ou des Rolling Stones.
Florence Cantié-Kramer trouve une délectation certaine à travailler des matières brutes malléables et sensuelles. Les mots donc, par leur sens et le matériau dans lequel elle les forme, mais également la cire, le plomb et la lumière, modulée par ses reflets. Dans une cire presque translucide, dont la douce opacité évoque la carnation, sont incrustées des lettres de plomb – apparence fragile qui nous renvoie à notre présence en ce monde. Une grande surface de cire, comme une stèle, porte en sa partie inférieure ce qui pourrait être un hommage au sulfureux Caravage : chiaroscuro, clair-obscur. Matériau traditionnel du culte, la cire apparaît également être le point de départ d’une réflexion rationnelle et logique qui fonda notre pensée contemporaine. C’est en effet un fragment de cire qui mena René Descartes au célèbre cogito :
Prenons pour exemple ce morceau de cire : il vient tout fraîchement d’être tiré de la ruche, il n’a pas encore perdu la douceur du miel qu’il contenait, il retient encore quelque chose de l’odeur des fleurs dont il a été recueilli ; sa couleur, sa figure, sa grandeur sont apparentes ; il est dur, il est froid, il est maniable […] Mais voici que pendant que je parle, on l’approche du feu : ce qui y restait de saveur s’exhale, l’odeur s’évapore, sa couleur se change, sa figure se perd, sa grandeur augmente, il devient liquide, il s’échauffe, à peine peut-on le manier […] (Descartes, Méditations métaphysiques, 1641)
Ces transformations potentielles sont également au cœur des rites qui rythment toutes les étapes de la vie. Aussi retrouvera-t-on au fil de l’exposition des images de ces passages, de ces transitions d’un état à un autre, mis en scène de façon symbolique. » Alice Cazaux.