Décédée à seulement 36 ans, l’artiste cubano-américaine a laissé derrière elle, en 1985, une oeuvre bouleversante et visionnaire présentée par le Jeu de Paume et la galerie Lelong. Au cours de sa brève carrière, de 1971 à 1985, Ana Mendieta produit un ensemble remarquable d’œuvres : dessins, installations, performances, photographies et sculptures, mais aussi films. Son travail filmique, moins connu, n’en constitue pas moins un corpus d’œuvres particulièrement impressionnant et prolifique : les 104 films qu’elle a réalisés de 1971 à 1981 lui ont conféré le statut de figure incontournable dans le domaine des arts visuels pluridisciplinaires qui a émergé au cours des années 1970 et 1980.
« C’est le sentiment de magie, de connaissance et de pouvoir de l’art primitif qui influence mon attitude personnelle envers l’art, écrivit-elle. A travers mon art, je veux exprimer l’immédiateté de la vie et l’éternité de la nature ». Il est temps se retrouver devant l’oeuvre si émouvante d’Ana Mendieta que la galerie Lelong a heureusement dévoilé à Paris entre autre lors d’une exposition en 2011 (en 1991 à New York). Après des manifestations dans le monde entier, voilà donc enfin une première exposition muséale d’envergure en France consacrée à la carrière filmique brève mais fulgurante de l’artiste cubano-américaine. Pionnière. Oui, elle fut pionnière avec des performances qui mêlent « l’art corporel » et le « land art » où elle utilise son corps comme une terre de conquête pour les causes les plus remarquables, les plus universelles et les plus intimes. Le féminisme, la violence, la religion, les abus sexuels, la mort et l’appartenance. Elle colle sur son visage les poils d’une barbe,met en scène son propre viol, égorge un poulet. Ses oeuvres apparaissent radicales et posent déjà les questions de genre sexuel. Le jeu de paume avecl’exposition intitulée « Le temps et l’histoire me recouvrent » rassemble vingt films et près d’une trentaine de photographies associées. Parmi eux, une série qui unie les quatre éléments de la nature, la terre, l’eau, l’air et le feu, empreintes d’une forte dimension spirituelle. Cette « Siluetas » réalisée entre 1973 et 1980, révèle des empreintes de son corps dans la terre ou le sable, la mer ou une rivière, trace toujours entre révélation et effacement, destinés à disparaître.A jamais frappée par son exil, elle laisse derrière elle les vestiges d’un culte primitif:« Mon art repose sur la croyance en une énergie universelle qui traverse tout, de l’insecte à l’homme, de l’homme au spectre, du spectre à la plante, de la plante à la galaxie, résume-t-elle. Mes œuvres sont les veines d’irrigation du fluide universel ». Tout est dit.