« C’EST ARRIVÉ GRÂCE À MON AMI JULIAN SCHNABEL. IL VOULAIT DE LA TOILE DE BÂCHE AVEC LE FAMEUX GROS MOTIF PIED-DE-COQ. CE MOTIF, EN RÉALITÉ, ÉTAIT CELUI DU STORE D’UN BISTROT FRANÇAIS, QUI ÉTAIT LÀ AVANT TATI, QUE TATI A RACHETÉ, ET DONT IL A UTILISÉ LE MOTIF COMME EMBLÈME POUR SA MARQUE. BREF, ILS LUI ONT DONNÉ DE LA TOILE ET JULIAN SCHNABEL A PEINT DESSUS. EN VOYANT CETTE TOILE, JE ME SUIS DIT : « TIENS, C’EST JOLI CE PIED-DE-COQ, ET SI JE L’UTILISAIS POUR LES JEANS ? » J’AI TÉLÉPHONÉ À TATI ET LEUR AI DEMANDÉ S’ILS VOULAIENT BIEN ME DONNER DE LA TOILE. ON M’A RÉPONDU : « MAIS AVEC PLAISIR ! » ILS M’ONT DEMANDÉ SI JE POUVAIS FAIRE UNE COLLECTION POUR EUX. J’AI DIT QUE CE SERAIT DES CHOSES TROP CHÈRES ET QUE CELA NE COLLERAIT PAS AVEC LEUR IMAGE. JE LEUR AI DONC PROPOSÉ DE FAIRE UN T-SHIRT,
DES ESPADRILLES ET UN SAC. » Azzedine Alaïa, 1er mars 1990, New York. Catalogue Yvon Lambert, exposition de 1990.
Dans le troisième arrondissement de Paris, dans l’élégante Association Azzedine Alaïa, les robes apparaissaient comme de sculptures parées de grands motifs à carreaux. Rouge. Bleu. Noir. Des robes qui ici n’aspirent pas aux caresses s’emparant délicieusement du corps… mais comme de véritables corsets le moulant, le sublimant, l’idéalisant. Tout le génie du jeune tunisien débarqué à Paris en 1956 et idole de la mode des années 1990, devenu désormais un classique somptueux, réside dans cette alliance entre la sculpture qu’il appris aux Beaux-Art de Tunis, sa passion pour la couture dont les stars comme Vionnet et son goût immodéré pour les nouvelles matières. Bouillonnant de curiosité, collectionneur d’art, de design, de mode, d’accessoires… le voilà en 1991 embarqué dans une nouvelle aventure due à sa rencontre avec Julian Schnabel. Le peintre fait alors du célèbre motif à carreau rouge et blanc le fond de ses toiles.
JE ME SUIS RÉVEILLÉ À MONTMARTRE DANS UNE PETITE MAISON
DANS UNE COUR DANS UN QUARTIER QUI RESSEMBLAIT BEAUCOUP
À BROOKLYN OÙ J’AVAIS GRANDI. JE FUS ÉTONNÉ, TOUT CE QUI AVAIT JUSQU’ALORS REMPLI MA VIE AUSSI INLASSABLEMENT ME SEMBLAIT ÊTRE UN RÊVE.
POURTANT, CELA FAISAIT PLUS D’UN AN QUE JE N’AVAIS PAS RÊVÉ. JE FERMAIS LES YEUX – LE NOIR ET PUIS SOUDAIN J’ÉTAIS LÀ, UN HABITANT DE CE LIEU
PONCTUÉ DE STORES COUVERTS DE PETITS CARREAUX ROUGES ET BLANCS.
À MES YEUX,CELA RESSEMBLAIT À DE LA PEINTURE FRANÇAISE.
Azzedine Alaïa s’empare alors du pied de coq, l’agrandit, l’imprime en XXL, lui donne des couleurs, rose, bleu, noir… Et voilà des pantalons cigarettes, des blousons courts, de grandes culottes et des brassières « Tati » d’une beauté à couper le souffle. L’espace de la rue de la Verrerie peint du bleu méditerranéen, accueille cette collection « optique » et rappelle que «Barbès, Tunis, Alaïa, c’est comme prendre un bateau, confie Olivier Saillard, commissaire de l’exposition. Azzedine voyait les familles débarquer en Tunisie, les bras chargés des cabas Tati. Il avait cette image en tête. Dans sa longue carrière, il n’a pas fait beaucoup d’imprimés… sauf pour cette collection ».