Décédée à seulement 36 ans, l’artiste cubano-américaine a laissé derrière elle, en 1985, une oeuvre bouleversante et visionnaire. La galerie Lelong & Co qui la représente à Paris et New York lui consacre une exposition extraordinaire tandis que le Jeu de Paume offre une manifestation consacrée à son oeuvre vidéo d’une beauté et d’une force inouïe.
« C’est le sentiment de magie, de connaissance et de pouvoir de l’art primitif qui influence mon attitude personnelle envers l’art, écrivit-elle. A travers mon art, je veux exprimer l’immédiateté de la vie et l’éternité de la nature ». Il est temps se retrouver devant l’oeuvre si émouvante d’Ana Mendieta que la galerie Lelong a heureusement dévoilé à Paris entre autre lors d’une exposition en 2011 (en 1991 à New York). Après des manifestations dans le monde entier, voilà donc enfin une première exposition muséale d’envergure en France consacrée à la carrière filmique brève mais fulgurante de l’artiste cubano-américaine. Pionnière. Oui, elle fut pionnière avec des performances qui mêlent « l’art corporel » et le « land art » où elle utilise son corps comme une terre de conquête pour les causes les plus remarquables, les plus universelles et les plus intimes. Le féminisme, la violence, la religion, les abus sexuels, la mort et l’appartenance. Elle colle sur son visage les poils d’une barbe, met en scène son propre viol, égorge un poulet. Ses oeuvres apparaissent radicales et posent déjà les questions de genre sexuel. Le jeu de paume avec l’exposition intitulée « Le temps et l’histoire me recouvrent » rassemble vingt films et près d’une trentaine de photographies associées. Parmi eux, une série qui unie les quatre éléments de la nature, la terre, l’eau, l’air et le feu, empreintes d’une forte dimension spirituelle. Cette « Siluetas » réalisée entre 1973 et 1980, révèle des empreintes de son corps dans la terre ou le sable, la mer ou une rivière, trace toujours entre révélation et effacement, destinés à disparaître. A jamais frappée par son exil, elle laisse derrière elle les vestiges d’un culte primitif : « Mon art repose sur la croyance en une énergie universelle qui traverse tout, de l’insecte à l’homme, de l’homme au spectre, du spectre à la plante, de la plante à la galaxie, résume-t-elle. Mes œuvres sont les veines d’irrigation du fluide universel ».
Dans l’exposition, c’est un sentiment immense de plénitude qui saisi le visiteur. Pas de violence. Non. Juste un travail rigoureux au geste lent, beau, qui sait ce qu’il fait et où il va. Les vidéos la plupart brèves, montrent la trace du corps dans la nature, la trace du sang sur le corps, l’eau ruisselant sur le corps. Une tentative unique de réconcilier l’homme et la vie.