Formes d’Histoires, une superbe exposition qui « panse les choses » aux Tanneries d’Amilly. Du 28 avril au 2 juillet

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Formes d’Histoires, une superbe exposition qui « panse les choses » aux Tanneries d’Amilly. Du 28 avril au 2 juillet

Le commissaire Eric Degoutté a choisi 32 artistes francais de renommée internationale pour montrer leus différentes représentations du corps.

AVEC LES ARTISTES /

LÉA BARBAZANGES, MARION BARUCH, GHYSLAIN BERTHOLON, CATHRYN BOCH, MONIKA BRUGGER, FLORENCE CHEVALLIER, CÉLINE CLÉRON, LAETITIA DE CHOCQUEUSE, LAURENCE DE LEERSNYDER, GAËLLE CHOTARD, GEOFFREY COTTENCEAU, ERIK DIETMAN, EDI DUBIEN, ADÉLAÏDE FERIOT, ANNE FERRER, ANNE-CHARLOTTE FINEL, AUDREY FRUGIER, LAURELINE GALLIOT, GÉRARD GASIOROWSKI, MARIE-ANGE GUILLEMINOT, AMANDINE GURUCEAGA, JEAN-FRANÇOIS LACALMONTIE, THOMAS LÉON, FABIEN MÉRELLE, JAVIER PÉREZ, LUCIE PICANDET, BERNHARD RÜDIGER, JULIEN SALAUD, VANESSA SCHINDLER, STÉPHANE THIDET, ANTE TIMMERMANS, MARION VERBOOM.

Nos coups de coeur vont à Cathryn Bock et Anne Ferrer que nous vons rencontrés, regardez les vidéos.

Si l’exposition inaugurale Histoire des formes privilégiait l’approche formaliste et silen- cieuse de l’oeuvre d’art, Formes d’histoires est à découvrir comme un retournement qui place le récit au coeur de l’oeuvre, vers la forme d’histoire qu’elle contient dans ses coutures, ses replis, ses accidents de matière.

Figure tutélaire de cette exposition, Erik Dietman parlait ainsi de « panser les choses », comme pour les préserver d’une lecture trop directe et autoritaire, les libérer d’un réel réducteur pour leur imaginer une nouvelle renaissance, une inscription dans le merveilleux et le féérique, le mystérieux et le grotesque, la poésie et le secret.

L’oeuvre devient un corps mouvant, façonnée de l’intérieur par de multiples formes d’histoires qui sont aussi les nôtres.

En déjouant la question du goût, les étiquettes réductrices du laid et du beau, les « formes dansées » de Javier Pérez rejoignent ces glissements dietmaniens. Elles introduisent aux registres interprétatifs de la métamorphose et de la transformation, qui depuis les célèbres Métamorphoses d’Ovide font du travail de la langue, de l’imaginaire et des mythes un outil de compréhension du réel. Chez Marion Baruch, Marie-Ange Guilleminot et Vanessa Schindler, le corps est abordé par
le prisme d’un vêtement officiant comme une nouvelle peau. Ainsi, la forme se pare d’une « allure », c’est à dire de cette façon d’apparaître, de se montrer, indissociable de celle de se mouvoir, insaisissable, dans l’eventail du sens et de son activation.

La forme d’histoire dont ces objets sont « parés », travaillés, agités, façonnés s’assimile parfois à une charge (Céline Cléron, La mort du petit cheval). Ce poids de l’histoire se porte aussi parfois à dos d’homme (François Merelle), il apparaît comme un aveu de notre part d’animalité. Et lorsque cette histoire ne trouve plus où s’exprimer, elle vibre à fleur de peau (Marion Verboom) et se boursouffle dans la beauté obscène de ses intérieurs, comme libérée dans sa chair même (Anne Ferrer, Les carcasses). Chez Cathryn Boch, la surface épi- dermique se lamine et s’abrase, nourrie par des sucs qui émoussent la fibre et la libère. De cette charge, le récit s’empare également en faisant migrer le sujet vers des identités d’emprunt. Dans Le révolutionnaire Blagoy Füssad Moz, Erik Dietman assemble sur un banc d’école – là où l’esprit encore malléable s’éduque et se dompte, s’échappe et vagabonde par ennui – les figures de Blake, Goya, Fusslï, Sade et Mozart. Ailleurs, le corps s’étale comme une dépouille, il se fait toile et la toile se fait corps (Amandine Guruceaga, Jean-François Lacalmontie).

L’exposition pourrait ainsi se lire comme un tableau de chasse, dans le sens métaphorique que lui donnait Jean Renoir avec La Règle du jeu ; la poursuite et la quête de ce qui apparaît subrepticement de réel dans un monde en représentation constante. Lieu de transfor- mation de la matière vivante, les tanneries s’explorent également symboliquement sous l’angle de cette réécriture sensible de l’existant.

NOTE D’INTENTION LES TANNERIES 4/21

La saison #2 des Tanneries se place sous le signe de l’émergence du récit et des possibilités d’histoire(s) qu’il autorise.

Cette exposition collective est la seconde étape structurante du projet artistique des tanneries. En un contrepoint curatorial, elle vient dialoguer avec l’exposition inau- gurale Histoire des formes (octobre 2016-avril 2017).

La réorganisation des mots opère comme un gant se retourne, laissant paraître les fils de son architecture souple, les découpes dans la matière, la morphogénèse en deçà de la forme, les agencements qui les composent.

Il s’agit ici d’approcher les formes de présence du récit dans l’approche de l’œuvre.

Les œuvres et la personnalité de Erik Dietman seront comme un point d’ancrage à cette idée : autour de son travail se forme le grain des choses, la possibilité d’aborder ce qui fait « corps », ce qui lie, tisse et maille les présences dans l’exposition (celles des œuvres et celles des artistes regroupés).

Ce grain renvoyant, en écho, à celui si présent et perceptible à travers son choix des formes, des matières et des matériaux, à travers ce que portent ses associations, ses compositions et ses juxtapositions.

Constructeur d’une mythologie singulière, l’artiste donne toute sa forme à l’idée d’univers artistique, aux atmosphères d’un possible grand récit qui le (re)tracerait… L’invitation à les « parcourir » l’un comme l’autre est lancée : le besoin de chemine- ments dans les espaces de cette étendue dietmanienne crée les conditions d’une ap- proche active et impliquée du regardeur quant à la « forme d’histoire » qui s’y manifeste.

Cette « forme d’histoire », ce « corps » qui se dessine n’est pas le corps exhaustif qu’une ambition monographique, documentée
et nourrie d’archives révèlerait. Et en ce sens, ce n’est pas le corpus du travail d’une vie qui se donne à voir dans Formes d’his- toires. Mais plutôt un état de présence qui transparait, qui vient habiter les espaces de l’exposition, comme une voix ou un chant peuvent, en certains lieux, naviguer, résonner.

Plus qu’un portrait, c’est une allure qui se travaille ici : il s’agit de désigner, tel un modelé, une forme autour duquel nos re- gards s’organisent, abordant les choses les unes après les autres, dans le rythme inhérent à cette découverte, cette expérience sensible par laquelle, ce qui fait alors

« sujet », se donne à voir petit à petit, au gré d’une visibilité qui s’organise (Marion Verboom).

Faut-il y voir une porosité d’inten- tion avec celle qu’Erik Dietman manifestait dans son invitation à « panser les choses » ? Peut-être si l’on veut bien considérer que cela passait, chez lui, par savoir en créer les nouveaux contours, en matérialiser une nouvelle peau pour construire une visibilité renaissante. Le pansement s’appliqua alors méticuleusement à la forme. Pour mieux en faire surgir l’allure.

Ce geste manifeste – au sens d’une pensée manifeste – est la recherche de la « belle allure » : celle qui libère d’un réel réducteur pour ouvrir sur une réalité sensible, poétique et artistique.

Cette nouvelle réalité ne peut que déborder les limites, les frontières, et retourner
le gant d’une époque – celle de Erik Dietman – par laquelle l’idée d’œuvre s’accompagnait pour certains, assez nombreux, d’un délaissement de son sujet, au sens d’un « corps » montré, montrable.

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