En réunissant Claude Viallat, Stephane Bordarier et Jean Laube nous voudrions exposer un dialogue entre des pratiques et des generations differentes. Ils se sont cependant rencontres dans un meme lieu : Nimes. Des formes repetees sur toiles libres de Viallat, des surfaces proches de la fresque de Bordarier, des reliefs de Laube, emanent une evidente heterogeneite. Pourtant, ces demarches sont profondement en resonance. Les plus jeunes ont regarde l’œuvre de Claude Viallat et s’ils s’en sont eloignes, c’est pour toutefois partager leur recherche de renouvellement de la peinture a partir de la couleur, de sa lumiere, de l’alternance du plein et du vide et des fondements du geste pictural.
Claude Viallat (1959-, vit et travaille a Marseille) est un artiste majeur de notre époque. De renommée internationale, son œuvre a été montrée dans les plus grandes institutions en France comme a l’etranger. En 1988 il representait la France a la Biennale de Venise. En 2014, la retrospective au Musee Fabre a Montpellier a de nouveau temoigne de l’ampleur de cette œuvre depuis presque cinquante ans, tandis que l’exposition de Supports/Surfaces a New York etait tres largement saluee par la critique americaine. C’est aujourd’hui a partir de Nimes -ville natale de l’artiste- que cette histoire importante jouit d’un nouvel eclairage, avec l’exposition au Carre d’art (Supports/Surfaces, Les origines, 1966-1970) visible jusqu’au 31 decembre 2017.
La peinture de Claude Viallat se développe a la manière d’un questionnement incessant de l’acte de peindre dans ses inscriptions esthetiques, historiques et anthropologiques. La repetition invariable d’une forme quelconque ou neutre, assimile parfois a un osselet ou a un haricot, s’associe a l’utilisation d’une multiplicite de supports sur lesquels la couleur est apposée. De cette meéhode élémentaire émanent d’infinies variations où se fabrique la peinture dans un constant renouvellement. Apres l’adoption, en 1966, de ce procéde executé sur toile libre, le peintre est un des acteurs principaux du mouvement d’avant-garde Supports/Surfaces qui apparait au debut des annees soixante-dix. La forme immuable de Viallat explore des lors toutes sortes de territoires et de traitements, se déployant parfois dans des formats ou des espaces monumentaux. Cette mise a l’epreuve de la peinture va etre articulee a partir du milieu des annees quatre- vingt a d’autres travaux emblématiques : ses objets (bois flottes, cerceaux…), cependant que les peintures tauromachiques accompagnent de manière plus privee sa démarche. Oscillant sans hierarchie de l’infiniment petit a l’infiniment grand, d’une extremite a l’autre, l’œuvre de Claude Viallat donne a sentir avec une formidable vigueur l’activite picturale.
Stéphane Bordarier (1953-, vit et travaille a Nimes) met au point dans les années 1990 une technique personnelle d’étalement d’une couleur unique, franche, seule, a la surface du tableau ; un travail s’inscrivant dans le temps, dépendant de la prise de la colle mêlee a la peinture. La fabrication de la couleur a même la toile est au fondement du remarquable parcours de l’artiste, procédant d’un détournement de la technique de la fresque.
Son œuvre largement reconnue, montrée des 1989 par le galeriste Jean Fournier, est presente dans de nombreuses collections publiques en France et en Allemagne.
Jean Laube (1959-, vit et travaille a Marseille) définit la peinture comme lieu de fabrication, ouvrant sur des espaces d’intermedialite, dialoguant avec le volume, l’objet, l’installation. Les réalisations naissent d’infimes variations, des gestes repétés, mis en œuvre a partir de matériaux pauvres (cartons, plaques de bois, chutes de papiers) et grossiers. Chaque action, dans sa grande simplicite, est une tentative de construction. Par delà son apparente simplicite, le bricolage précaire auquel se livre Jean Laube est tout entier mis au service d’une experience directe et essentielle, une expérience en même temps optique et haptique.
Jean Laube est considéré comme l’un des plus importants peintres de sa génération travaillant a Marseille. Son œuvre est tres largement representée dans les collections publiques en France et a l’etranger (Fonds Communal Ville de Marseille – FRAC PACA, FRAC Auvergnes et FRAC Midi Pyrenees – FNAC – Carre d’art, Nimes, Stedelijk Museum, Amsterdam). L’artiste est défendu par de nombreux theoriciens de la peinture parmi lesquels Eric Suchere, Frederic Valabregues, Joelle Zask, ou Romain Mathieu.