Comment des formes et idées peuvent-elles naître d’un lieu d’enfermement ? Après avoir photographié la destruction de la prison de la Santé, Mathieu Pernot fait le récit à plusieurs voix de la vie intérieure du bâtiment. Nous l’avions rencontré il y a quatre ans lors de son exposition au Jeu de Paume et à la Maison Rouge. Vidéo.
La prison de la Santé, construite en 1867 dans le 14e arrondissement de Paris, a connu des prisonniers célèbres, comme le poète Guillaume Appolinaire (1911) ou le gangster Jacques Mesrine, qui s’en évade en 1978. Ce n’est pourtant pas cette histoire-là qu’a cherché à capturer Mathieu Pernot lorsqu’il photographie, en 2015, la destruction de la maison d’arrêt. Dans ce bâtiment patrimonial, l’artiste a voulu comprendre comment la prison, lieu de l’enfermement et de la contrainte, produit des formes et idées qui lui sont propres. Car depuis ce monde clos, les détenus font exister un monde extérieur qu’ils inscrivent dans l’intérieur de leur cellule. Se penchant sur les multiples strates du quotidien, Mathieu Pernot inventorie, photographie et récolte de manière systématique les traces laissées aux murs par les détenus au fil des ans, avant leur disparition définitive. Les photographies issues de ce travail documentaire, rassemblées en séries, montrent des bâtiments déserts, éventrés, des portes ouvertes et des cellules vides. En soulignant leur absence, elles rendent paradoxalement visible la vie des détenus aux yeux d’une société qui ne les voyait pas. En faisant dialoguer ses photographies avec des inscriptions et images prélevées sur les murs, Mathieu Pernot fait le récit à plusieurs voix de cette vie intérieure.